Matthieu 13 : 1-8 – 12 juillet 2020
Il y a quelques semaines quelqu’un m’a demandé, en faisant référence à l’Église Sainte-Claire : « Est-ce que tu penses que ça va marcher ton affaire? » Bien sûr que j’aimerais que notre paroisse fonctionne et grandisse d’une manière exponentielle, mais personne ne peut garantir la réussite d’une communauté de foi, tout comme celle d’un nouveau commerce ou d’un changement de carrière par exemple. Il y a toujours une part de risque et, honnêtement, les échecs sont plus nombreux que les réussites. C’est probablement pourquoi les grandes institutions sont très souvent frileuses et hésitent beaucoup avant de se lancer dans de nouveaux projets. Lorsque c’est le temps d’investir temps et argent, plusieurs recherchent des garanties. Ils veulent voir des plans d’affaires, des études de marché et des informations biographiques sur les dirigeants. Ils cherchent à identifier d’éventuels résultats concrets et quantifiables. En bref, ils veulent savoir si l’effort en vaut la peine.
Au cours des prochaines semaines, nous allons accorder beaucoup d’importance aux paraboles de Jésus dans l’Évangile selon Matthieu. Plusieurs d’entre nous ont déjà entendu souvent ces courtes histoires et ont même l’impression de connaître parfaitement leur morale. Cependant, comme le théologien John Dominic Crossan répète souvent, les paraboles de Jésus sont des récits volontairement flous qui ont pour but de laisser perplexes leurs auditeurs.
Cette semaine, Jésus nous offre une histoire très terre à terre, si je peux me permettre, dont la majorité d’entre nous peuvent facilement comprendre. Il parle d’un homme qui commence à semer à tout vent. Certaines de ses graines tombent le long du chemin, sur un sol pierreux ou parmi les plantes épineuses et elles ne sont pas en mesure de produire de grands résultats. D’autres se retrouvent dans de la bonne terre et offrent une récolte abondante.
Nous pouvons nous demander qui sont le semeur, les graines et les différentes sortes de terre. Quel est le sens profond de cette histoire apparemment simple? Les réponses dépendent toujours de nos préoccupations et de notre façon de voir les choses, et aucune n’est nécessairement meilleure que les autres. En fait, on peut écrire des milliers de sermons différents à partir du même texte.
Cette semaine, c’est le côté extravagant du semeur qui a retenu mon attention. L’homme ne prépare pas le sol avant les semences. Il ne semble pas avoir de stratégie ou de plan précis. Il ne fait que lancer ses graines un peu partout sans vraiment porter attention. La partie de moi qui a grandi à la campagne a le goût d’aller voir le semeur et lui dire : « Regarde ce que tu fais pour l’amour du bon Dieu! Concentre-toi sur les sections les plus fertiles et laisse faire le reste! Concentre tes efforts! » Mais lorsqu’on y pense, pourquoi le semeur devrait-il agir différemment? Ce sont ses graines et son temps après tout. Il est totalement libre de faire comme bon lui semble.
En fait, le semeur de cette histoire présente un sentiment d’abandon presque mystique. Malgré toutes les différences de sol et les conditions hors de son contrôle, il a confiance que lorsque le temps des récoltes viendra, quelque chose émergera quelque part, d’une manière ou d’un autre. Toutes ses actions ne seront pas en vain. Il possède une quantité suffisante des ressources et d’énergie afin d’accomplir son projet.
Cette parabole nous confronte toutes et tous sur notre attitude lorsqu’il est temps pour nous de semer… de répandre notre temps, notre argent ou notre énergie. Est-ce que l’on juge les sols et conditions devant nous ou prenons-nous le risque de simplement essayer? Veut-on toujours analyser les pourcentages de réussite ou croyons-nous aux possibilités de succès? Recherchons-nous seulement des données quantitatives ou laissons-nous la place à une lecture plus qualitative? Sommes-nous capables de nous émerveiller par l’ensemble des facteurs contribuant à notre réussite ou sommes-nous convaincus que les résultats dépendent exclusivement de nous? Voulons-nous tout contrôler ou sommes-nous prêts à nous abandonner?On ne peut pas dire que le semeur de la parabole de Jésus à bon modèle d’affaires. Je ne suis pas convaincu qu’il obtiendrait beaucoup de prêts de la banque ou de subventions de nos institutions. Mais en ces temps de pandémie, d’anxiété et de souffrance multiples, cette histoire nous rappelle le peu de contrôle que nous avons sur notre environnement et les réponses des gens autour de nous. Certains de nos projets vont réussir parce qu’ils tombent en terreau fertile et d’autres non. Cependant, nous sommes tous et toutes appelés à conserver la foi malgré tout ce qui peut arriver parce que l’on ne se sait jamais l’impact et les résultats de nos gestes avant de les débuter. Il y aura toujours quelque chose qui poussera quelque part. Amen.