Matthieu 13 : 31-33, 44-45 – 26 juillet 2020

Chaque fois que je lis ou j’entends ce texte, j’aime imaginer Jésus devant ses disciples tentant encore une fois d’expliquer le concept du Royaume des cieux.  Cette fois-ci, il leur demande d’essayer de trouver une image pouvant représenter ce nouveau monde institué par Dieu.  Les disciples forment un caucus.  Étant donné qu’ils vivent déjà sous l’occupation de l’Empire romain, ils sont convaincus que le Royaume des cieux doit être nécessairement quelque chose d’impressionnant, puissant et majestueux.  Un premier disciple suggère un aigle.  Un autre mentionne une montagne.  Tout à coup, quelqu’un affirme que la réponse doit être un cèdre du Liban.  C’est un arbre immense et solide qui peut vivre pendant des siècles et le roi Solomon a utilisé ce bois pour construire la charpente du temple de Jérusalem.  OK, on y va avec la famille : le cèdre du Liban.  Jésus revient : avez-vous votre image en tête?  Oui, oui Jésus!  Alors, le Royaume des cieux ressemble à… le cèdre, le cèdre, le cèdre… à une graine de moutarde.  Pardon?  Une insignifiante graine de moutarde?  Jésus, nous niaises-tu?  

Le texte de l’Évangile selon Matthieu de ce soir nous offre une autre série de paraboles au sujet du Royaume des cieux toutes aussi déstabilisantes les unes que les autres.  Jésus tente d’expliquer un concept relativement abstrait et intangible en utilisant des exemples concrets de tous les jours.  Le Royaume ressemble à une graine de moutarde plantée par un homme, du levain utilisé pour faire du pain, un trésor caché dans un champ ou une perle vendue sur le marché.  Cependant, chaque histoire est un peu bizarre quand on y pense.  Pourquoi se départir de tous nos avoirs et peut-être vivre dans la pauvreté pour posséder un seul objet précieux?  Pourquoi l’homme ne ramène-t-il pas immédiatement à la maison le trésor qu’il a trouvé au lieu de tenter d’acheter le champ?  Qu’est-ce qui arrive si une femme met du levain dans la pâte et que le pain ne lève pas?

Ce soir, je voudrais me concentrer sur la célèbre parabole de la graine de moutarde.  Avec les siècles, nous avons domestiqué cette histoire en la transformant en un récit inspirant.  Cette graine représente le mouvement que Jésus et une poignée de disciples ont humblement démarré et qui a grandi pour devenir l’Église universelle d’aujourd’hui.  C’est un message très encourageant pour toutes les petites communautés de foi naissantes comme la nôtre.  Un jour, nous serons cet arbre qui abritera les nids des oiseaux.

Malheureusement, cette histoire comporte deux problèmes.  D’abord, la graine de moutarde n’est pas la plus petite de toutes les graines et elle ne devient pas un arbre, mais un arbuste.  Jésus semble exagérer un peu ici… ce qui ne devrait pas nous surprendre, car il était entouré de pêcheurs qui devaient attraper des poissons gros comme ça.  Ensuite, la moutarde est une espèce florale envahissante très difficile à éradiquer.  C’est un peu l’équivalent de la menthe à Pierre-Paul.  C’est ces pissenlits que l’on tente d’arracher tous les printemps et qui reviennent nous narguer l’année suivante.  Le Royaume des cieux est comparé ni plus ni moins à une mauvaise herbe nuisible que personne de sensé ne désire planter dans son jardin volontairement.  Jésus aurait peut-être dû choisir un meilleur exemple.  

Et en même temps… lorsque le Royaume des cieux, la présence de Dieu comme nous l’a dit le frère Richard il y a quelques instants, se pointe le bout du nez dans nos vies, l’expérience est rarement planifiée ou structurée.  Plus souvent qu’autrement, ça n’arrive jamais au bon moment et d’une manière presque chaotique.  Cette nouvelle réalité trouve le moyen de bousculer toutes nos belles certitudes que l’on a pris soin de planter minutieusement pendant plusieurs années.  Et même si on se dit parfois que notre vie de tous les jours serait plus simple sans cette satanée idée de Jésus, on doit se rendre à l’évidence qu’une fois infecté par cette « mauvaise herbe », il est difficile de s’en débarrasser.  On ne veut pas vraiment arrêter d’être généreux, de manifester de la compassion pour son prochain ou de créer un monde meilleur.  On ne peut pas oublier que l’on contrôle rarement l’évolution et les résultats de nos projets, nos mouvements ou nos Églises.  On est obligé d’accepter que malgré toutes nos préparations quelque chose d’autre puisse émerger à partir du plan original.

C’est peut-être pourquoi que le Royaume des cieux se retrouve souvent loin des réflecteurs et des actions spectaculaires, mais dans nos activités quotidiennes les plus banal et ordinaire.  La présence de Dieu ne se trouve pas nécessairement dans les trésors somptueux ou les signes de puissance, mais plutôt dans les dernières places que l’on puisse imaginer, dans des moments de vulnérabilité, dans l’abandon de votre volonté de tout contrôler.  Encore une fois, Jésus bouscule et renverse nos attentes.  Malgré tous nos efforts, le Royaume des cieux ne se contrôle pas et ne peut pas être complètement éradiqué.  Le Royaume des cieux est quelque chose de tenace et qui est là pour durer.  Amen.

* mundzithegamegirl, Pixabay.com