Sermon – 1 Corinthiens 8: 1-8 (31 janvier 2021)

* 1 Corinthiens 8: 1-8

1 Corinthiens 8 : 1-8

Au début des années 2000, je siégeais sur l’exécutif national de l’Église Unie du Canada.  À cette époque, la principale préoccupation était les répercussions de notre participation dans le système de pensionnats autochtones à travers le Canada.  En raison des trop nombreux cas d’abus physique et sexuel, ainsi que l’application de politiques d’assimilation forcée, l’Église Unie était menacée de nombreuses poursuites qui pourraient se chiffrer en plusieurs millions de dollars.  De nombreux membres de l’exécutif national craignaient même que nous soyons forcés de déclarer faillite.  Après quelques conversations très difficiles lors d’une réunion, un homme, dont malheureusement j’ai oublié le nom, a déclaré quelque chose qui m’a profondément marqué.  Il a dit : a bottle of wine… a loaf of bread… and we are back in business.  Avec une bouteille de vin et un morceau de pain, nous avons tout ce qu’il nous faut pour être de retour en affaires.  

Je pense que l’apôtre Paul aurait apprécié ce genre de raisonnement. Durant son deuxième voyage missionnaire, il a fondé l’Église de Corinthe qui est devenu célèbre de nos jours en raison de ses nombreuses querelles.  Les membres de la communauté étaient divisés sur presque tous les sujets que vous pouvez imaginer.  Ce climat d’affrontements perpétuels a amené Paul à leur écrire souvent pour tenter de régler leurs problèmes.  Aujourd’hui, nous avons deux lettres aux Corinthiens dans nos Nouveaux Testaments, mais probablement elles sont une synthèse d’une correspondance très volumineuse. 

Dans le texte de ce soir, Paul continue à donner des conseils aux Corinthiens, cette fois-ci au sujet de l’achat et de la consommation de viande.  Il faut comprendre que l’enjeu ici n’est pas de décider s’il faut favoriser un supermarché ou une boucherie artisanale.  Dans les sociétés anciennes, comme à Corinthe, seulement les plus riches avaient un accès facile à de la viande fraîche.  Le reste de la population devait acheter la viande provenant des nombreux temples dédiés aux divinités gréco-romaines.  Le système fonctionnait ainsi.  Les personnes apportaient des animaux à sacrifier à leurs dieux.  Une fois l’offrande terminée, les prêtres se gardaient une bonne portion et vendaient le reste de la viande au marché pour financer les activités du temple.  Ainsi, tout le monde pouvait y trouver son compte.

Le problème était que certains membres de la communauté de Corinthe avaient des scrupules à manger cette viande associée à des rites et des dieux païens.  Ils avaient peur de tromper Dieu ou de succomber à la tentation de retomber dans leurs vieilles croyances.  Pendant ce temps, d’autres membres de la communauté se foutaient royalement de la provenance de cette viande parce qu’ils proclamaient avoir la connaissance.  Ils considéraient que leur compréhension supérieure de la foi chrétienne leur donnait le droit de juger et même ridiculiser ceux et celles qui exprimaient des hésitations.  

La réponse de Paul aux Corinthiens est empreinte de pragmatisme.   L’apôtre sait très bien que Corinthe était une grande ville cosmopolite.  Il était normal d’y retrouver plusieurs dieux, temples et dévotions.  L’homme qui a toujours su s’adapter aux pratiques et coutumes locales pour rejoindre les gens invite les Corinthiens à ne pas se couper de leur civilisation.  Si leurs voisins vénèrent des dieux gréco-romains, les membres de la communauté de Corinthe n’y perdent absolument rien.  Si les Corinthiens croient que les autres dieux et seigneurs n’existent pas, il n’y a aucun problème de manger leur viande.  Il leur explique que « Ce n’est pourtant pas un aliment qui nous rapprochera de Dieu : nous ne perdons rien si nous n’en mangeons pas, et nous ne gagnons rien non plus si nous en mangeons ».

Ce débat sur la consommation de viande peut nous sembler complètement dépassé aujourd’hui, à l’exception peut-être des réflexions sur son empreinte carbone.  Cependant, la racine du problème des Corinthiens existe toujours.  Nous sommes toujours divisés entre différentes Églises chrétiennes, entre croyants du même Dieu, ou entre croyants et athées.  Trop souvent, nous regardons de haut les gens qui ne partagent pas notre foi et nos valeurs.  Nous méprisons leurs rites et leurs pratiques religieuses.  Nous ridiculisons ceux qui mélangent des concepts comme réincarnation et résurrection.  Notre conviction d’avoir la connaissance, d’être mieux équipé au niveau de la foi nous amène trop souvent à vouloir imposer notre vérité à ces gens que nous trouvons un peu stupides.  

Toutes nos connaissances de la théologie, de la bible et des traditions chrétiennes ne devraient pas être des fins en soi, mais juste le début de nos cheminements de foi.  Toutes nos églises, nos institutions et nos pratiques religieuses ne sont que des outils afin de mieux comprendre cette entité que nous appelons Dieu.  Notre but ne doit pas de rechercher à cocher plus de cases possibles sur une longue liste, ni de recherche d’une forme de pureté religieuse.  Nous sommes invités à incarner nos valeurs dans tout ce que l’on fait.  Nous sommes encouragés à nous ouvrir à la différence.  Nous sommes appelés à avoir de la compassion envers ceux et celles qui doutent, expriment des difficultés ou se remettent en question afin d’être présents à leur côté sans les juger.

Une célèbre phrase affirme que parfois un cigare est juste un cigare.  De la même manière, Paul rappelle aux Corinthiens que parfois de la viande est juste de la viande.  Si un des membres de la communauté succombe à l’arôme de bacon provenant du temple d’Apollon, il ou elle n’est pas en état de perdition, sa foi n’est pas moins forte et il n’y a aucune raison le ou la ridiculiser.  Et 2 000 ans plus tard, nous sommes toujours invités à accorder un peu moins importance à tous les dogmes, rituels, confessions de foi et institutions que nous avons construits, afin de nous concentrer un peu plus sur ce qui est vraiment important et essentiel à notre foi.  Cette vérité toute simple peut nous nourrir bien plus que tout ce que l’on peut acheter au marché.  Amen.