Sermon – Actes 2: 1-21 (23 mai 2021)
Comme plusieurs d’entre vous le savent déjà, la semaine dernière j’ai assisté virtuellement à une conférence intitulée ‘Courageous Church’ (Pour une Église courageuse). De toutes présentations, ma préférée fut celle de Diana Butler Bass, une théologienne et autrice américaine qui cherche à comprendre et à expliquer d’une façon claire et accessible la situation actuelle du christianisme en Amérique du Nord. Elle nous a raconté qu’un jour, lorsqu’elle priait dans une des chapelles de la cathédrale nationale à Washington, elle a entendu une voix qui disait « Délivre-moi! » Elle s’est levée immédiatement et elle a regardé autour d’elle pour voir si quelqu’un avait lancé cet appel de détresse, mais il n’y avait personne. Sans surprise, elle a commencé à avoir un peu peur parce qu’une personne moindrement normale n’est pas censée entendre des voix. Néanmoins, cette expérience l’a inspirée pour l’écriture de son dernier livre ‘Freeing Jesus’ (Libérer Jésus). Dans notre période de désillusion envers des institutions, d’affrontements entre les Églises de gauche et de droite, et la volonté d’établir des principes stricts afin d’identifier les ‘vrais chrétiens’, son livre est une invitation de nous libérer de tous ses carcans arbitraires et de rencontrer Jésus au-delà des limites que nous nous sommes imposées avec le temps.
J’écoutais Diane Butler Bass et j’ai ressenti l’impression qu’elle mettait des mots précis sur des intuitions que je ressens depuis un certain temps. J’avais le sentiment qu’elle parlait de notre communauté de foi. L’Église Sainte-Claire est un projet un peu fou lancé il y a un an par l’Église Unie du Canada. Le but était de créer un nouveau modèle de ministères exclusivement en ligne et qui va demeurer en ligne après la fin de la pandémie. Au début, ce sont surtout des connaissances et des amis qui se sont pointés aux activités pour m’encourager. Progressivement, d’autres personnes se sont greffées au projet. Chacun et chacune sont revenus régulièrement ou occasionnellement pour leurs propres raisons. Avec le temps, quelques grands principes se sont imposés. À Sainte-Claire, il n’y a pas d’obligation de croire absolument en certaines choses précises; chacun et chacune peuvent s’exprimer librement; il n’y a pas de pression pour devenir membre. Certains, comme moi, s’identifient à l’Église Unie du Canada. D’autres se considèrent Protestants, Catholiques Romains, Anglicans, Chrétiens ou refusent toutes sortes d’étiquettes les définissant. Cela ne veut pas dire que Sainte-Claire c’est n’importe quoi. Nous voulons juste affirmer que les grandes institutions sont peut-être un peu moins importantes de ce que nous voulons créer ensemble, c’est-à-dire un espace liberté sécuritaire où tous et toutes peuvent poser n’importe quelles questions et accepter qu’il y ait une ou plusieurs bonnes réponses.
Je pense que la réflexion de Diana Butler Bass s’inscrit également dans l’esprit du texte biblique de ce soir, le début du deuxième chapitre des Actes des Apôtres. Nous y trouvons un groupe de Galiléens partageant la même langue, le même accent et surement les mêmes référents culturels. Ces gens devaient connaître les mêmes blagues qui débutaient par : « C’est une fois un Samaritain, comprends-tu… » Mais un événement mystérieux est survenu et leurs vies ont changé à jamais. Cette bande relativement homogène a décidé de s’ouvrir à des personnes hors de leur groupe. Ces hommes se sont retrouvés sur la place publique pour y rencontrer des juifs venus des quatre coins de l’Empire romain. Même si toutes ces personnes appartenaient à la même religion, tous et toutes étaient culturellement, linguistiquement et politiquement différents. Elles étaient des étrangers les uns envers les autres. Néanmoins, les disciples de Jésus ont commencé à s’exprimer. Ils ont proclamé la parole de Dieu. La foule sceptique s’est demandé qui étaient ces hommes et ces femmes osant transgresser des conventions non écrites qui avaient cours depuis des siècles. Mais malgré la suspicion et le cynisme initial, certains ont écouté, ont amorcé un dialogue et ont finalement joint ce groupe d’hurluberlus.
Je crois que l’élément central au cœur de toutes ces histoires est le Saint-Esprit. Dans les grandes Églises traditionnelles occidentales, nous ne sommes pas toujours confortables avec cette personne de la Trinité. Nous en parlons souvent… sans trop savoir qui est-ce et quoi en faire. Je me souviens d’une discussion avec une pasteure lorsque j’étais étudiant au collège théologique. Je lui disais que je suivais un cours sur l’Esprit saint. Incrédule, elle m’a dit : « 45 heures… seulement sur l’Esprit saint… Qu’est-ce que vous faites? » Peut-être notre difficulté avec le Saint-Esprit s’explique par un sentiment d’absence de contrôle. Depuis 2 ou 3 siècles, nous vivons dans un monde où la foi doit être raisonnée, s’appuyer sur des constructions logiques et menant à des identités précises. Mais en relisant le texte de ce soir et en se remémorant certaines de nos expériences personnelles, on comprend que l’Esprit saint n’a rien à cirer de nos catégories ou appartenances. Le Saint-Esprit souffle où bon lui semble. Souvent, notre seule option est d’arrêter de résister et de suivre le vent, d’oser s’aventurer sur des chemins moins fréquentés et d’avoir le courage de défier le statu quo accepté par la majorité. L’Esprit saint trouve toujours le moyen de nous pousser à nous ouvrir, d’être vulnérables et de nous mettre à nu pour espérer libérer une partie de notre foi et spiritualité souvent négligée.
Une relation avec Jésus libérée de nos propres contraintes et institutions. Un droit de parole offert à toutes et tous. Un Esprit saint qui ne peut pas se contrôler. C’est un peu tout ça l’esprit de la Pentecôte. Bonne fête Sainte-Claire. Amen.