Sermon -Jean 6 : 24-35 (1er août 2021)
L’Évangile selon Jean nous offre une série de déclarations qui tentent d’expliquer la vraie nature de Jésus : « Je suis la lumière du monde. » « Je suis le chemin, la vérité et la vie. » Dans le dernier verset du passage de ce soir, il déclare : « Je suis le pain de vie. » La première fois que j’ai lu ce texte à mon fils, il a trouvé très drôle que Jésus affirme qu’il est fait en pain. J’ai essayé de lui expliquer que le quatrième Évangile est plus symbolique; il ne faut jamais prendre les mots au premier degré. Ce fut un échec.
Précédemment, nous avons vu que Jésus a nourri une foule de 5000 hommes avec seulement 5 pains et 2 poissons. Après ce miracle, il décide de retraverser le lac de Galilée avec ses disciples. La foule qui avait assisté à cet événement exceptionnel monte dans des barques et se dirige vers Capharnaüm. Dans un monde où la nourriture était rare et la pauvreté abondante, ces personnes n’étaient pas prêtes à abandonner un homme qui pouvait satisfaire leur appétit. En voyant toutes ces personnes, Jésus comprend leur objectif, mais leur déclare : « Ne travaillez pas pour la nourriture qui se gâte, mais pour la nourriture qui dure et produit la vie éternelle. »
J’ai toujours trouvé confrontant cette affirmation sur le pain qui ne satisfait pas vraiment. Bien sûr, un peu comme tout le monde, j’aime affirmer que les objets ou l’argent ne font pas le bonheur. Mais, en même temps, pourquoi travaille-t-on toutes nos vies comme des fous pour payer une hypothèque, une sortie au restaurant ou des vacances ? Et cela va plus loin que l’importance des objets dans nos vies. Personnellement, j’ai été nommé à plusieurs comités importants de l’Église Unie du Canada. Pendant 6 ans, j’ai siégé sur l’exécutif national. J’étais parmi les 50 personnes qui géraient le budget national et les grandes orientations de l’Église. Après j’ai été le président du comité organisateur et de l’agenda du conseil général qui se réunit tous les 3 ans. Maintenant, je suis le président du comité consultatif du Modérateur. À la fin de chacun de ces mandats, je me suis dit que c’était la dernière fois. On m’y reprendrait plus. Comme Dominique Michel et l’émission du Bye! Bye!, j’affirmais à chaque fois que c’était fini. Il n’est plus capable. Mais, dès qu’une nouvelle possibilité se présente offrant une certaine visibilité, je lève la main. Je me porte volontaire. Quel vide à l’intérieur de moi je tente de colmater avec un peu plus de reconnaissance publique? Quel besoin inassouvi me pousse à recommencer? Quelle est cette faim que j’essaie de combler avec du pain qui se gâte?
Les gens à la recherche de Jésus désiraient recevoir cette nourriture spéciale mentionnée par Jésus. Ils voulaient savoir s’ils devaient suivre un certain rite, adopter une certaine pratique religieuse ou se convertir à une certaine croyance. Ils voulaient connaître le truc, la recette, ou le mode d’emploi qui donneraient une garantie de résultats. Ils veulent quelque chose de concret sur lequel se raccrocher. Peut-être si de la manne nous tombait du ciel comme au temps de Moïse, peut-être si on nous disait exactement quoi penser et croire, peut-être si on célèbrerait la communion toutes les semaines, nous aurions surement accès à cette nourriture divine. Peut-être si pour une fois, Jésus nous donnait une réponse simple, claire et précise, nous pourrions arrêter de perdre notre temps avec ce qui ne satisfait pas vraiment. Mais la réponse que la foule reçoit peut nous paraître énigmatique. Plutôt que de leur donner des directives compréhensibles, Jésus invite les gens à un voyage intérieur pour identifier les origines de cette faim qui les gruge au plus profond d’eux.
Plus de 2000 ans plus tard, nous sommes invités à nous poser les mêmes questions. Quels sont ces désirs que nous n’osons pas avouer aux autres à voix haute? Quels sont ces besoins enfouis au fond de nos âmes? Pourquoi voulons-nous être reconnus par les autres? Pourquoi avons-nous tant honte de notre corps, de notre faible niveau d’instruction ou de notre impuissance à contrôler certaines dépendances? Quelle blessure essayons-nous de guérir en utilisant des raccourcis? Que tentons-nous de gagner dans tout ça?
Trop souvent, la voie tracée par Jésus est pour nous une sorte d’abstraction, une série de rituels vides ou des déclarations apprises par cœur. Nous consommons la religion sans trop y penser vraiment. Nous faisons semblant d’être nourris par la parole de Dieu. Mais lorsque nous acceptons d’être honnête avec nous-mêmes et vraiment vulnérable en nommant tous nos faims qui semblent insatiables, nous effectuons un premier pas vers cette vie éternelle proclamée par Jésus. Nous pouvons commencer à arrêter d’avoir peur et de craindre de manquer de tout. Nous pouvons découvrir les richesses, les ressources et les talents que nous possédons déjà. Nous pouvons retrouver un début d’équilibre dans nos vies. Nous pouvons apprendre à consacrer nos efforts et notre énergie pour trouver cette nourriture qui dure.
L’un de mes groupes préférés à une chanson qui dit : « Est-ce que nos cœurs ont desséché à force d’aimer les objets? » Notre propension à acquérir le dernier gadget, à épater la galerie par nos prouesses physiques ou à accumuler les positions qui paraissent importantes, nous amène trop souvent à perte de vue ce qui est vraiment essentiel à notre bonheur. Pour être pleinement rassasiés, nous sommes appelés à chercher et manger ce pain de vie que Jésus nous offre. Amen.