Sermon – Luc 4: 1-13 (6 mars 2022)
Il y a quelques jours, j’ai enregistré une courte vidéo sur le yoga et le christianisme. Essentiellement, j’ai dit que la pratique du yoga peut être bonne pour la santé. Les exercices de méditation font partie du christianisme depuis ses débuts. Nous ne devrions pas ériger des murs entre les différents groupes religieux, mais plutôt apprendre les uns des autres. Ce message que je croyais positif a été attaqué par une horde de « chrétiens » qui m’ont offert une série des pseudoarguments théologiques alambiqués pour dire que j’avais tort. Je ne pouvais pas être un vrai pasteur parce que j’encourageais les gens à ouvrir la porte à Satan et aux possessions démoniques. Rien de moins!
Pour demeurer dans ce sujet en ce premier dimanche du carême, nous avons un extrait de l’évangile selon Luc qui débute par le Saint-Esprit qui conduit Jésus dans le désert. Dans cet endroit inhospitalier, ce dernier est tenté par le diable pendant 40 jours. J’aimerais m’attarder aujourd’hui sur la deuxième tentation. Après avoir montré à Jésus tous les royaumes de la terre, le diable lui dit : « Je te donnerai toute cette puissance et la richesse de ces royaumes: tout cela m’a été remis et je peux le donner à qui je veux. Si donc tu te mets à genoux devant moi, tout sera à toi. » Cette offre alléchante vise directement l’ego de Jésus en lui offrant une solution pratico-pratique. Étant donné qu’il est le Messie, le Sauveur, le Roi des rois, pourquoi travailler pendant des siècles et dépenser des millions en stratégies d’évangélisation, en formations de missionnaires et en congrès interminables ? Pourquoi attendre avant que l’inévitable se produise, que le christianisme se repende éventuellement à l’ensemble de la planète ? Le diable propose à Jésus une solution clé en main qui lui donnera toute la reconnaissance, la visibilité et l’importance qu’il mérite. Et le prix à payer n’est pas si cher. Jésus peut avoir tout ce qu’il veut en échange de se mettre à genou devant le diable.
Nous avons surement tous et toutes vu l’un de ces films où un personnage fait un pacte avec le diable afin de devenir riche et célèbre avant qu’il ou elle découvre que le vrai bonheur est ailleurs. D’une certaine façon, ce genre de récit nous conforte dans nos convictions. Parce que nous suivons les traces de Jésus, nous n’avons pas à nous inquiéter. Pourtant, l’histoire de l’Église chrétienne est remplie de bons croyants qui ont succombé à l’appel de l’ambition, du pouvoir et de la célébrité. Combien de politiciens citant la bible régulièrement ont demandé à leur maîtresse de subir un avortement pour éviter un scandale? Combien de leaders religieux russes ont joint leur voix à la machine de propagande gouvernementale pour justifier l’invasion de l’Ukraine? Combien de fois avons-nous rêvé que nos gouvernements suivent les enseignements de la bible alors que seulement 2/3 de la population est chrétienne?
L’Église a été associée au pouvoir pendant tellement longtemps que progressivement nous avons normalisé la compromission, fermé les yeux pour protéger l’institution et succombé à l’attrait du pouvoir, de la célébrité et de l’influence dans notre société. Nous avons cru que notre mission était d’évangéliser la planète coûte que coûte. Nous avons voulu que tous et toutes comprennent que notre religion est la meilleure; nous avons raison. Pour trop de personnes, il semble n’y avoir point de Salut hors de l’Église… qu’elles fréquentent. Malgré les enseignements de Jésus, malgré toutes les erreurs du passé, malgré notre bonne volonté, nous nous sommes collectivement mis à genoux.
La bible et la religion ne devraient jamais être utilisées comme une arme pour blesser, dominer ou humilier quiconque. Notre foi et notre spiritualité ne devraient jamais être imposées de force à d’autres individus. Nos croyances chrétiennes ne devraient jamais être présentées comme des valeurs universelles. Depuis le début, l’essence de la mission des disciples de Jésus est toute autre. Nous sommes incités à demeurer humbles lorsque nous discutons avec des gens différents. Nous sommes invités à incarner le message du Christ dans tous les aspects de nos vies. Nous sommes appelés à réimaginer les notions de succès, de réussite et de popularité véhiculées par notre monde. Nous devons demeurer concentrer sur notre désir de créer le royaume de Dieu sur terre. Je vais bientôt essayer d’enregistrer une courte vidéo dans laquelle je dirai que je ne crois pas que le diable, habillé en rouge avec des cornes et une fourche, vient nous parler pour nous tenter. J’ose à peine imaginer les réactions que je vais recevoir. Cependant, les tentations auxquelles Jésus fait face dans le texte d’aujourd’hui sont bien réelles. Notre désir de dominer, d’avoir raison et d’être reconnu peut conduire à beaucoup trop d’abus. Nous devons comprendre que le pouvoir ne rime pas avec succès. Diriger tous les royaumes de la terre ne fait pas partie de notre mission. Il ne sert à rien à l’Église, et nous tous et toutes, de vouloir être important si cela signifie perdre notre âme. Amen.