Sermon – Ésaïe 43: 16-22 (3 avril 2022)

Ésaïe 43 : 16 – 22
 
Cette semaine, j’ai écouté une longue entrevue avec Franz Voltaire, un intellectuel montréalais né en Haïti.  J’ai particulièrement aimé la partie où il a évoqué la période immédiatement après la fin de la dictature des Duvalier.  Il a expliqué que la grande question de la diaspora était de choisir entre le retour au pays natal après plusieurs décennies d’exil ou aider à la reconstruction avec les moyens disponibles dans leur terre d’accueil.  Je ne suis pas un réfugié politique.  Je n’ai jamais eu à vivre en exil.  J’ose à peine imaginer les choix déchirants auxquels les personnes dans ces situations doivent faire face.  Est-ce que la précarité affecte leur amour pour leur patrie?  Est-ce qu’il y a un moment où le rêve de revenir à la maison s’éteint pour toujours?  Est-ce que leur peine les empêche de concevoir de nouvelles possibilités? 
 
Le passage d’aujourd’hui tiré du livre d’Ésaïe aborde une situation vieille de 3 000 ans, mais qui demeure malheureusement toujours d’actualité.  Une guerre entre les puissants Babyloniens et le plus petit royaume voisin d’Israël a mené à la prise de Jérusalem et la destruction de son temple.  Plusieurs Israélites ont été obligés de fuir leur patrie, de gré ou de force.  Un peuple brisé, abattu et démuni se demandait pourquoi Dieu l’avait abandonné.  Après plusieurs années en exil, peut-être le temps était-il venu de tourner la page.  Peut-être le temps était-il venu de cesser de rêver à un retour dans leur pays.  Peut-être le temps était-il venu de s’assimiler tranquillement à la superpuissance de la région. 
 
Mais Dieu décide d’envoyer un prophète à son peuple pour lui rappeler que tout n’est pas perdu.  Cet homme proclame un nouveau message d’espoir qui n’est pas le fruit de son imagination ou l’incarnation d’un positivisme délirant.  Il s’appuie plutôt sur les nombreuses occasions où le Seigneur est intervenu pour sauver son peuple.  Il appelle les Israélites à se souvenir comment la mer Rouge s’est ouverte et ensuite refermée sur les troupes du pharaon lors de leur fuite d’Égypte.  Même si ces mots sont difficiles à entendre, le prophète invite son peuple à cesser de revivre constamment dans les échecs du passé.  Ils doivent trouver le courage de tourner le dos au désespoir.  Ils doivent oser croire en un meilleur futur.  Parce qu’il n’y a pas de défis trop difficiles, d’obstacles trop grands ou de situations trop complexes pour le Seigneur, le prophète affirme que le temps de l’exile arrive à sa fin.  Dieu créera, encore une fois, les conditions nécessaires pour que son peuple puisse revivre et s’épanouir pleinement.  Le résultat de cette transformation sera aussi surprenant que la présence de chemins dans le milieu désert, que la cohabitation pacifique entre les bêtes sauvages ou l’écoulement de fleuves dans des milieux les plus arides.  En fait, affirme le prophète, ce processus est déjà amorcé.  Cette nouvelle réalité les entoure déjà.  Elle est perceptible pour ceux et celles qui portent attention.  Les Israélites sont appelés à simplement changer leur perception pour reconnaître la présence du Seigneur tout autour de son peuple.
 
De nos jours, nous sommes constamment bombardés de mauvaises nouvelles.  La destruction et les morts en Ukraine nous font oublier les guerres au Yémen et au centre du continent africain.  L’inflation qui affecte les plus pauvres de notre société semble avoir relégué au second plan la crise climatique qui affecte déjà les plus pauvres de notre planète.  La désinformation circule librement au point que nous commençons à douter de nos institutions.  Nous sommes au milieu de la sixième vague de la COVID-19 et nous haussons à peine les épaules quand nous lisons le nombre d’hospitalisations et de morts.  Un nuage sombre s’est installé au-dessus de nos têtes.  Pour plusieurs d’entre nous, le cynisme est devenu monnaie courante.  Nous nous demandons où est Dieu et pourquoi le Seigneur n’empêche pas toute cette misère.  Peut-être le temps est-il venu de tourner la page.  Peut-être qu’après tout c’est chacun pour soi.  Peut-être devrions-nous accepter la triste réalité qui se déroule devant nos yeux.
 
Mais le Dieu qui a sauvé son peuple a de multiples reprises dans le passé, le Dieu qui a promis de ne jamais nous abandonner n’a pas dit son dernier mot.  Des voix prophétiques résonnent encore aujourd’hui et nous appellent à garder espoir.  La présence du Seigneur dans notre monde ne se limite pas seulement au passé; elle se conjugue également au présent et au futur.  En fait, elle est déjà tout autour de nous.  À chaque fois où nous aidons notre prochain sans rien demander en retour, à chaque fois où nous partageons nos ressources avec ceux et celles qui sont dans le besoin, à chaque fois où nous offrons notre temps bénévolement pour aider les autres, à chaque fois où nous osons croire qu’il est possible de changer nos modes de vie et de transformer nos existences, ce qui semble impossible devient réalité.  Tous ces actes entrainent des résultats surprenants et inattendus.  Les raisons pour désespérer sont peut-être plus visibles dans notre monde, mais la présence de Dieu est une réalité tangible pour ceux et celles qui osent regarder aux bons endroits.
 
Nous sommes constamment entourés de millions de raisons pour abandonner.  Les Israélites vivaient en exil loin de leur pays.  La guerre en Ukraine, la pandémie ou le climat économique incertain empoisonne nos vies.  Mais au-delà de tout cela, Dieu ne nous a pas abandonné.  Le Seigneur continue à accomplir des merveilles.  Nous sommes simplement appelés à ouvrir les yeux et apercevoir toutes les sources d’espoir et de renouveau qui nous entourent constamment.  Amen. 
Diego Ph, unsplash.com