Sermon – Luc 9: 51-62 (26 juin 2022)
La procrastination! L’art plus ou moins subtil de reporter à demain ce qui pourrait être fait facilement aujourd’hui. Ce comportement n’est pas une maladie ou une manifestation d’un manque d’intérêts. Habituellement, les personnes qui procrastinent possèdent toutes les informations nécessaires pour prendre une décision et agir. Alors, pourquoi attendre? Je crois que cette condition s’explique par notre conviction d’avoir toujours assez de temps pour accomplir tous nos projets. Les personnes comme moi ne voient pas l’intérêt d’arrêter une activité plaisante pour en entreprendre une autre chose qui sera toujours là demain. Où est l’urgence? Pourquoi faudrait-il se presser?
Dans le texte d’aujourd’hui tiré de l’évangile selon Luc, Jésus est à la fin de son ministère en Galilée. Il amorce son périple qui le mènera à Jérusalem. Sur la route, il rencontre trois hommes souvent présentés comme des pseudo disciples. Ils ne sont pas considérés comme de « vrais disciples » parce qu’ils semblent manquer de conviction profonde. Un premier homme dit à Jésus : « Je te suivrai partout où tu iras, », mais il semble rebrousser chemin lorsqu’il comprend les difficultés reliées à la mission du Fils de l’homme. Un deuxième homme est appelé directement par Jésus, mais des obligations familiales l’empêchent de suivre le Seigneur. Un troisième affirme sa volonté de répondre à l’appel, mais seulement à condition de retourner à la maison une dernière fois.
Plusieurs comprennent ce passage comme un appel à un dévouement absolu à Jésus et son message. La mission de l’Église devrait toujours passer devant toutes les autres formes de loyauté et d’obligations. Dieu nous appelle à une vie basée sur l’abnégation, le sacrifice et le renoncement. Si notre vie n’est pas semée d’embûches, si nous ne devons pas abandonner quelque chose de précieux, si nous désirons prendre une pause durant notre cheminement, nous sommes sur la mauvaise voie. Notre mission demande un engagement absolu.
Cette attitude est très louable, mais elle est un standard inatteignable pour 99% d’entre nous. Nos existences sont déjà extrêmement compliquées, remplies d’obligations, de responsabilités, de contraintes et de rendez-vous. Pourquoi voudrions-nous ajouter encore plus d’exigences et peut-être même de souffrances dans notre quotidien? Honnêtement, qui rêve vraiment d’une vie d’itinérance loin de ses proches et privée des petits plaisirs de la vie? Pourquoi abandonner notre belle vie d’aujourd’hui quand nous pourrions toujours suivre Jésus demain?
Il est toujours difficile de trouver le juste équilibre entre la ligne dure et l’attente d’un meilleur moment qui ne manifestera peut-être jamais dans le futur. Ce défi est d’autant plus grand parce que nous ne sommes pas appelés à être des disciples de Jésus à temps partiel. Nous ne pouvons pas dire : « Ok. Je vais aider mon prochain les lundis, mercredis et vendredi, mais qu’ils ne viennent surtout pas me déranger durant mes fins de semaine. » Nous ne sommes pas invités à vivre une foi basée sur des phrases qui débute par « je devrais » : je devrais m’impliquer davantage dans ma communauté. Je devrais être plus généreux. Je devrais acheter plus de produits équitables. Nous ne pouvons pas nous déclarer disciples de Jésus si nous nous contentons d’écouter les nouvelles, être outrés pendant 30 secondes et continuer notre existence comme si de rien n’était. Il y a des moments où nous devons agir rapidement. Il y a des moments où nous n’avons pas le luxe de procrastiner.
Parfois, je crois que nous devons être secoués ou provoqués, un peu comme Jésus le fait dans le passage d’aujourd’hui. Nous devons nous souvenir de la cruelle réalité de notre monde. En ce moment, une guerre civile au Yémen a réduit 75% de la population à la pauvreté. Des millions d’hommes, de femmes et d’enfants ont dû se réfugier à l’extérieur des zones de combats et le choléra est devenu une maladie mortelle endémique. En ce moment, nous assistons à une explosion de la violence envers les femmes. Selon une étude de l’Organisation mondiale de la santé, plus du tiers de la totalité des femmes du monde a été abusée physiquement ou sexuellement. Environ 40% des féminicides à travers le monde ont été perpétrés par un proche de la victime. En ce moment, la communauté autochtone de Neskantaga, située au nord de l’Ontario, est sans eau potable depuis 10 000 jours. Cela représente plus de 27 années pour un territoire situé dans l’un des pays les plus industrialisés du monde. En moment même, il y a trop de gens qui souffrent. Il y a beaucoup de choses que nous pourrions changer. Nous n’avons peut-être pas le luxe d’attendre. Demain sera peut-être trop tard. Dans certains cas, nous n’avons pas le temps de trouver des excuses pour demeurer inactifs.
J’aimerais avoir une bonne conclusion pour ce sermon. Peut-être, j’aurais dû travailler davantage cette semaine, mais… Que voulez-vous? Peut-être, nous devons nous souvenir qu’il y a des moments pour penser, discerner et prendre son temps. Cela nous empêche souvent de commettre des erreurs. Il y a aussi des moments pour l’action, surtout quand les occasions se pointent dans nos vies, quand un proche a besoin de réconfort, quand une amie souffre. La vraie question est de déterminer quand est le meilleur moment d’agir. Peut-être, nous devrions laisser de côté le passé, le futur ou le conditionnel pour nous concentrer sur le présent. Nous avons tout le temps requis pour transformer notre monde si nous répondons à l’appel de Jésus… si nous débutons maintenant. Amen.