Sermon – 2 Rois 5: 1-14 (3 juillet 2022)

2 Rois 5: 1-14

Je trouve le texte d’aujourd’hui particulièrement intéressant parce que le personnage principal n’est pas celui ou celle que l’on attend.  La grande trame narrative des deux Livres des Rois, dans le Premier Testament, est de démontrer que la chute de Jérusalem est le résultat d’une succession de fautes commises par les rois d’Israël.  Cependant, notre passage n’est pas structuré autour de l’un de ces rois ou même l’un des prophètes qui les ont vivement critiqués.  Il est centré sur un ennemi du peuple de Dieu nommé Naaman.  Ce général en chef de l’armée araméenne, cet ami intime du roi de Syrie, cet homme au sommet de la pyramide sociale de son peuple devait être autant détesté et craint par la population qu’un général russe en Ukraine.  Il incarnait toute la violence, la destruction et la souffrance vécues par le peuple d’Israël.

Malgré toute l’étendue de son pouvoir, Naaman avait un problème de taille; il était lépreux.  À une époque et dans une société qui ne prenaient pas ce genre de condition à la légère, toutes maladies de peau, curables ou non, étaient considérées comme un sérieux handicap.  Naturellement, lorsque Naaman entend parler d’une possibilité de guérison, il n’hésite pas un instant.  Il obtient une lettre de recommandation de son roi avant de s’aventurer en territoires ennemis.  Il apporte 300 kilos d’argent et 60 kilos d’or pour couvrir ses dépenses personnelles et garantir les meilleurs soins possibles. Il est convaincu que ce prophète étranger, en voyant toute sa richesse et son prestige, comprendra qu’il n’a pas à affaires à n’importe qui et le guérira immédiatement.

Cependant, les événements ne se déroulent pas comme prévu.  Naaman arrive avec son char, ses chevaux et ses serviteurs à la résidence d’Élisée, mais ce dernier décide de ne pas sortir rencontrer son visiteur.  Le texte ne nous explique pas si le prophète était trop occupé ou s’il n’avait pas envie d’être vu publiquement avec un ennemi de son peuple.  Élisée se contente d’envoyer quelqu’un avec le message suivant : « Va te plonger sept fois dans l’eau du Jourdain.  Alors tu seras guéri et purifié. »  Naaman est profondément contrarié par ce manque de respect envers une personne de son rang.  Élisée aurait dû faire un effort.  Il aurait dû sortir, effectuer quelques salamalecs et murmurer deux ou trois incantations.  Le prophète aurait dû lui prescrire quelque chose d’autre que se baigner dans une rivière quelconque.  Naaman n’avait pas fait tout ce chemin pour se faire insulter d’une telle manière.  Furieux, il décide de retourner à la maison immédiatement… mais ses serviteurs lui font remarquer qu’il n’avait rien à perdre à essayer.  Alors, le grand général ravale son orgueil, descend dans le Jourdain et en ressort purifié.    

Il y a plusieurs milliers d’années comme aujourd’hui, nous tentons souvent, d’une manière consciente ou non, d’établir notre rang social pour démarquer de la masse.  Même si nous savons très bien que tout cela est arbitraire et totalement injuste, l’expérience nous a appris qu’être médecin spécialiste ouvre plus de portes que simple livreur de pizza.  La richesse et le prestige procurent énormément de pouvoir dans notre société.  Être reconnu par tous et toutes, avoir les moyens de ses ambitions, pouvoir contrôler son destin ou donner des ordres au lieu d’en recevoir peut devenir une drogue très grisante nous amenant à croire que tout nous est dû.  Nos désirs doivent être réalisés parce que nous sommes importants.  Combien de fois avons-nous vu un client d’un magasin se comporter de manière désagréable parce qu’il a des droits ou une grande compagnie se foutre éperdument des normes éthiques ou environnementales parce qu’elle crée beaucoup d’emplois?  Combien de fois avons-nous désiré passer devant les autres parce que notre cas était bien plus important?  Combien de fois avons-nous cru que nous méritions un meilleur traitement que les autres? 

Le texte d’aujourd’hui démontre clairement que l’ennui principal de Naaman n’était pas un problème de peau, mais un problème d’égo.  Cet homme avait travaillé fort pour appartenir à la classe dirigeante de son peuple et il espérait, en retour, pouvoir en retirer des avantages.   Son statut l’avait habitué à ce que les gens autour de lui s’inclinent devant lui et lui obéissent servilement.  Il ne croyait pas avoir besoin de l’aide des autres.  Cependant, la guérison de Naaman est le résultat de l’intervention d’une succession de personnes sans grandes importances : une jeune fille fait prisonnière par des pillards révèle l’existence de Élisée… un messager qui répète les mots du prophète… des serviteurs qui convainc leur maître de simplement essayer… Toutes ces personnes demeurées sans nom dans notre texte ont été des vecteurs de changement.  Elles ont incarné la présence d’un Dieu qui se manifeste souvent de manière très subtile.  Malgré leur faible statut social, elles ont réussi à faire une différence.  Toutes personnes sans importance ont changé la vie de Naaman.  Trop souvent, nous sommes aveuglés par le pouvoir.  Nous croyons être capables d’imposer notre volonté aux autres grâce à nos ressources.  Le grand général Naaman pensait pouvoir utiliser son prestige et sa notoriété pour forcer le prophète Élisée de le guérir de sa lèpre.  Comme plusieurs d’entre nous, Naaman a été guéri de ses maux les plus profonds lorsqu’il a appris à mettre son égo de côté.  Ce n’est qu’à ce moment que sa vie à vraiment changé. Amen. 

* Possessed photography, unsplash.com