Sermon – Luc 10: 25- 37 – Le bon Samaritain (10 juillet 2022)
J’ai déjà mentionné à plusieurs reprises que mon théologien préféré est John Dominic Crossan. Dans ses livres, il tente toujours d’expliquer le contexte culturel et historique de la vie au temps de Jésus afin que l’on puisse mieux comprendre les textes des évangiles. Par exemple, il démontre qu’initialement les paraboles n’étaient pas des récits inspirants servant à éduquer et édifier la foi des premiers disciples. Elles étaient plutôt des courtes histoires déstabilisantes menant à plus de questions que de réponses. C’est l’Église institutionnelle qui a progressivement domestiqué et adoucit le message des paraboles.
Au début du texte d’aujourd’hui, tiré de l’évangile selon Luc, un maître de la loi de Moïse demande à Jésus : « Maître, que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle? » De nos jours, le concept de vie éternelle est associé à l’au-delà. Cependant, dans ce contexte, « vie éternelle » signifie plutôt une vie de qualité dans notre monde. Lorsque Jésus lui demande ce qui est écrit dans les Écritures saintes, l’homme répond : « Tu dois aimer le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence. Et aussi : Tu dois aimer ton prochain comme toi-même. » Voilà, répond Jésus, comment atteindre une vie éternelle, une vie de qualité. Mais le maître de la loi désire approfondir la question. Il veut savoir qui est son prochain. Est-ce que cette notion est seulement réservée aux membres du peuple de Dieu? Est-ce qu’il y a des limites à cet amour? Est-ce qu’il y a de bonnes raisons pour ne pas aimer certaines personnes?
À ce moment, Jésus raconte une histoire connue aujourd’hui sous le nom de la parabole du bon Samaritain. Ce récit est devenu célèbre au point où même les personnes qui n’ont jamais mis le pied dans une église connaissent cette parabole. Alors, pourquoi écouter un autre sermon sur ce sujet? Nous connaissons tous et toutes la morale. Dieu veut que l’on aide les personnes dans le besoin. Next! Aujourd’hui, je voudrais vous inviter à vous placer dans les souliers, ou plutôt les sandales, des personnes qui ont entendu cette histoire pour la première fois.
C’t’un fois un gars, pas trop intelligent, qui décide de s’aventurer seul sur une route hyper dangereuse, celle qui relie Jérusalem à Jéricho. Naturellement, il se fait attaquer par des brigands qui le volent, le battent et le laissent à moitié mort sur le bord de la route. Rien de surprenant jusqu’ici. Pas longtemps après passent un prêtre et un Lévite qui ne font rien. Étant donné que ces hommes sont des snobs qui se pensent meilleurs des autres, il n’y a rien de surprenant encore une fois. Mais vous savez que toute bonne histoire respecte la règle de trois. Vous savez qu’une troisième personne va arriver pour sauver la pauvre victime. Vous êtes certain qu’il s’agit surement d’un bon croyant, d’un individu qui va au Temple régulièrement, d’une personne qui vous ressemble ou ressemble à Jésus. Non! Cette troisième personne n’est nul autre que Vladimir Poutine qui embarque la victime dans sa BMW pour l’amener dans une clinique privée. Il laisse son numéro de carte de crédit personnel à la réception demandant que l’on charge tous les coûts des meilleurs soins possibles pour l’homme blessé. Ensuite, il quitte les lieux sans rien demander d’autre. Est-ce que cette histoire vous déstabilise un peu?
Nous oublions souvent que les Juifs du temps de Jésus n’aimaient vraiment pas les Samaritains. Au mieux, ils étaient considérés comme des étrangers, des marginaux ou des gens qui refusaient de s’assimiler à la majorité. Une personne normale ne frayait pas avec du monde comme ça. Jamais, au grand jamais, un Samaritain ne pouvait être le héros d’une histoire, encore moins l’exemple que Jésus nous invite à suivre.
Cette courte histoire a le pouvoir de nous confronter à nos préjugés et à notre volonté de déterminer, parfois arbitrairement, qui sont les gentils et les méchants. Malgré tous les efforts déployés, nous sommes toujours infectés par un cancer que l’on nomme le racisme ou la discrimination. Les manifestations de cette réalité sont nombreuses dans notre société. Nous pouvons penser au profilage racial, à la méfiance envers les musulmans à la suite des attentats du 11 septembre ou aux structures coloniales toujours imposées aux membres des Premières Nations. Nous partageons souvent dans le même espace avec toutes ces personnes, mais nous ne nous connaissons pas vraiment. Progressivement, nous en arrivons en nous demander si nous pouvons ignorer, négliger ou peut-être détester ‘ces personnes’. Quel est le minimum pour demeurer un bon Chrétien? Nous devrions peut-être nous occuper des nôtres avant d’aider les autres?
Par la parabole du bon Samaritain, Jésus nous démontre que notre identité en tant que croyants n’est pas définie par les prières ou les confessions de foi récitées le dimanche, mais par nos gestes de tous les jours. Nous devons nous souvenir que tous les étrangers, les marginaux, les pauvres et les exclus de notre société méritent l’amour inconditionnel de Dieu autant que nous tous et toutes. Nous sommes invités à offrir une compassion extravagante à tous nos sœurs et frères humains, peu importe les questions identitaires ou religieuses. Nous sommes appelés à incarner cette inclusivité radicale qui défonce tous les murs construits par les êtres humains. Notre amour se doit d’être aussi vaste que celui de Dieu.
Qui est notre prochain? Qui mérite notre aide? Avec sa parabole du bon Samaritain, Jésus désire déstabiliser nos préjugés. Un homme qui était l’incarnation de tous ceux et celles qui sont rejetés par la société démontre une compassion tout à fait exceptionnelle envers un pur étranger. C’est ce type d’amour sans limites qui nous définit comme disciples de Jésus le Christ, un amour qui transcende toutes les frontières culturelles, linguistiques ou identitaires que nous avons construites. Amen.