Sermon – Luc 19: 1-10 (30 octobre 2022)
Luc 19 : 1-10
Mardi dernier, j’ai assisté à un webinaire au sujet des clichés conscients et inconscients sur les personnes d’origine asiatique. Durant sa conférence, le présentateur nous a expliqué comment ces préjugés sont tellement insidieux qu’ils sont intériorisés par les personnes. Il a parlé de son parcours. Parce qu’il était bon à l’école, il s’est inscrit à l’université en ingénierie parce que c’était la chose normale à faire. Il ne pouvait pas se voir dans un autre domaine d’activité jusqu’au jour où il a été forcé de suivre un cours de philosophie des religions. Il est maintenant professeur d’université dans ce domaine. Même si nous n’en sommes pas toujours pleinement conscients, les perceptions que nous avons sur les autres et nous-mêmes ont un impact profond sur la façon de voir le monde et les gens qui nous entourent.
Dans le texte d’aujourd’hui, Jésus entre dans la ville de Jéricho. En raison de sa popularité grandissante, son arrivée attire une grande foule. Un homme nommé Zachée veut voir ce Jésus, mais n’y parvient pas parce qu’il est petit. Ce détail fait naturellement référence à sa taille, mais parle aussi à la place qu’il occupe dans la société. Le texte mentionne qu’il est riche parce qu’il est le chef des collecteurs d’impôts. Tous et toutes savaient que sa richesse était basée sur système corrompu qui lui permettait de prélever plus que les autorités demandaient. Alors, lorsqu’il a un attroupement pour accueillir Jésus, nous pouvons facilement comprendre que les gens ne sont pas intéressés à aider un homme méprisé et détesté par tous et toutes. Ti-boutte qui nous vole, qui nous exploite et qui nous écœure peut bien se ramasser en arrière de la file. Zachée finit par monter dans un arbre. Jésus le remarque et s’invite chez lui. Nous ne devrions pas être vraiment surpris par ce geste. Dans l’évangile selon Luc, Jésus mange régulièrement avec les pécheurs, les prostituées et les collecteurs d’impôts. À la suite des critiques de la foule, Zachée déclare qu’il va faire don aux pauvres de la moitié de ses biens et rembourser au quadruple à ceux et celles qu’il a lésés.
Comment ne pas aimer cette belle histoire de rédemption? Jésus a réussi à sauver l’âme d’un pécheur notoire. Cependant, le petit problème dans cette interprétation de cette belle histoire de repentance réside dans une question de traduction. Dans les textes grecs à notre disposition, Zachée n’utilise pas l’équivalent d’un verbe au futur, mais plus proche du présent. C’est n’est pas : « Je vais faire don aux pauvres de la moitié de mes biens », mais plutôt « je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens. » Plusieurs traducteurs, biblistes et théologiens sont embêtés par ce fait. Comme vous pouvez l’imaginer, il n’existe pas de consensus au sujet ce détail plus important qu’il pourrait paraître. Selon le choix effectué, cette histoire change complètement. Si Zachée donne déjà la moitié de ses biens aux pauvres et rend le quadruple à ceux et celles à quiconque il a fait du tort, notre belle histoire de transformation et rédemption qu’on nous a enseignée depuis notre jeunesse prend le bord. Cette interprétation confronte peut-être nos attentes et nos perceptions.
Pour l’ensemble de la population de Jéricho, Zachée est un pourri. Il ne peut pas être une bonne personne parce qu’il est devenu riche en abusant les pauvres gens. Il ne peut pas avoir de discussion sur le sujet. Le dossier est clos. Et si la situation était un peu plus compliquée… Et si la personne qui avait vraiment besoin de l’intervention de Jésus pour changer n’était pas Zachée… Le Salut est peut-être arrivé dans sa maison sans que personne le remarque. Jésus ne fait qu’exprimer à voix haute un fait qui existe déjà. Et si c’étaient les gens dans la foule qui est au centre de cette histoire de transformation… Les gens qui refusent qu’une personne comme Zachée puisse mériter l’attention de Jésus sans exprimer de longs actes de contrition. Les gens qui catégorisent les autres sans connaître tous les détails de leur vie. Les gens qui jugent les personnes selon une série des stéréotypes. Les gens qui méprisent et rejettent un autre être humain selon une série de critères arbitraires. Les gens ont beaucoup de difficultés à admettre que leurs préjugés, conscients ou non, les ont influencés dans leurs jugements.
Peut-être êtes-vous surpris ou choqués par cette interprétation? Mais elle s’inscrit dans le même vieux principe d’un Jésus qui nous met au défi en reversant les attentes et les normes de notre monde. Plusieurs d’entre nous se targuent d’être accueillants, inclusifs, contre le racisme et toute forme de discrimination… Cependant, si nous sommes totalement honnêtes lorsque nous regardons au fond de nous, je suis convaincu qu’il y a toujours une ligne difficile à franchir. Il y a toujours des gens que l’on catégorise inconsciemment selon des critères que l’on nous a enseignés depuis notre enfance. Il y a toujours des individus que l’on veut garder à l’arrière de la ligne parce que nous sommes convaincus qu’elles sont comme ci ou comme ça.
L’histoire de Zachée nous force à nous questionner sur nos zones de confort. Habituellement, nous n’avons aucun problème à aider les pauvres, les sans-abris ou les réfugiés politiques. Mais qu’en est-il des multimillionnaires qui voyagent en jets privés, des lobbyistes qui travaillent pour les pétrolières, les politiciens qui nous dirigent? Parce que Jésus avait cette capacité de voir le cœur des gens devant lui au-delà des apparences, nous sommes appelés à combattre tous les stéréotypes et les clichés qui nous habitent. Nous sommes invités à traiter notre prochain avec respect et dignité, malgré tout leur manquement et la place qu’il ou elle occupe dans notre société. Nous ne devons pas limiter notre compréhension de notre monde à une série de perceptions souvent arbitraires.
Tout le monde dans la ville de Jéricho était convaincu que Zachée n’était rien de moins qu’un pourri parce qu’il était un collecteur d’impôts à la solde de l’Empire romain. Cependant, Jésus ose demeurer dans sa maison et sa visite contribue à révéler que le paria était peut-être en fait un homme généreux. Il est toujours dangereux de se fier à nos préjugés parce qu’ils nous empêchent de voir la vraie nature des gens qui nous entoure. Amen.