Sermon – Luc 2 : 1 – 20 (25 décembre 2022)
Luc 2 : 1 – 20
Je me souviens d’une prédiction du pasteur Hervé Martin du temps où il était à la paroisse Saint-Pierre à Québec, il y a environ une trentaine d’années. Il présentait la célébration de Noël comme une histoire cousue de fil blanc. Lorsque nous y attardons quelques secondes, il n’avait pas vraiment tort. Tous les ans, nous allons à l’église, physique ou sur internet, pour y entendre le même passage de l’évangile selon Luc qui est ensuite expliqué par un prêtre ou un pasteur. Certains parlent de tradition, d’autres de répétition. Et pourtant, pour plusieurs d’entre nous, Noël n’est pas vraiment Noël sans cette lecture. Nous désirons entendre ces mots encore une fois, un peu comme un enfant qui demande toujours la même histoire avant de se coucher.
Cette année, je me suis intéressé aux bergers de ce passage. Le texte indique qu’un groupe des jeunes hommes et peut-être des jeunes femmes gardaient leur troupeau dans la région de Bethléem. Durant la sainte nuit, un ange leur apparaît et leur annonce une grande nouvelle. « Cette nuit, dans la ville de David, est né, pour vous, un sauveur; c’est le Christ, le Seigneur! » La promesse de la venue d’un Messie attendue depuis si longtemps s’est finalement réalisée. « Gloire à Dieu dans les cieux très haut et paix sur la terre pour ceux et celles qu’il aime! »
Cette belle histoire aurait très bien pu se terminer avec ces mots. Marie et Joseph se réjouissaient de la naissance de leur enfant. Les anges ont déclaré la nature et la mission de cet enfant à des représentants de ceux et celles qui l’écouteront et le suivront. Ce messie venu est pour eux : les marginaux, les exclus, les sans-voix, les rejetés… Tout avait été dit. Cependant, après le départ des anges, les bergers se regardent entre eux et se disent : « Allons donc jusqu’à Bethléem : il faut que nous voyions ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître. » Nous sommes en droit de nous demander pourquoi les bergers voulaient absolument voir l’Enfant Jésus. Doutaient-ils de la proclamation des anges? Est-ce un autre cas de personnes qui ont besoin absolument de voir pour croire? Ou était-ce une volonté irrésistible de vivre une expérience qui va au-delà des mots?
Depuis plusieurs siècles, nous accordons une très grande place à la pensée dans nos Églises occidentales. Notre foi en Dieu s’appuie grandement sur la raison. Nos traités de théologies tentent d’analyser, de déconstruire ou de replacer dans son contexte historique la vie de Jésus. Nous accordons une place primordiale à l’intellect. Il n’y a rien de mal dans tout cela. Cependant, toutes ces démarches nous amènent-elles parfois à négliger certains aspects importants dans notre vie de foi? Quelle importance accordons-nous à l’émerveillement, le mystère ou l’inexplicable? Sommes-nous encore capables d’être touchés et même transformés par un événement qui semble banal à première vue?
Comme plusieurs d’entre nous, les bergers n’étaient pas pleinement satisfaits d’entendre la bonne nouvelle proclamée par le chœur des anges. Ils désiraient voir cet enfant qui allait tout changer pour les gens comme eux. Ils souhaitaient être imprégnés de la présence de ce messie qui commençait à peine sa vie. Ils voulaient vivre ce petit quelque chose de magique qui ne peut pas se recréer sur demande. Ils étaient à la recherche d’une expérience de foi qui n’a rien à voir avec la théologie ou les institutions religieuses.
Plusieurs d’entre nous connaissent très bien certains passages de la Bible, les formulations de plusieurs confessions de foi ou les propos de grandes autrices chrétiennes. Nous pouvons même parfois citer quelques mots au bon moment dans une conversation afin d’épater la galerie. Mais sommes-nous prêts à faire l’expérience de Dieu dans le plus profond de notre être? Sommes-nous ouverts à rencontrer le Christ dans notre vie quotidienne la plus ordinaire? Je crois que nous sommes appelés à sortir de nos zones de conforts que nous nous sommes construits. Nous sommes invités à aller au-delà des mots, des explications ou des justifications pour notre foi. Nous devons tout simplement trouver des moyens pour vivre une expérience qui ne ressemble à rien d’autre.
Alors, pourquoi sommes-nous rassemblés en ce matin de Noël? Nous connaissons très bien l’histoire proclamée toutes les années. Soyons honnêtes. Mon message d’aujourd’hui n’est pas si différent de celui des autres pasteurs. Peut-être avons-nous tout simplement le désir de vivre quelque chose de beau et de vrai dans notre monde profondément brisé. Nous voulons rencontrer l’Enfant Jésus d’une manière qui ne peut pas se résumer en quelques mots. Nous recherchons la présence du divin dans nos vies. Joyeux Noël et amen.