Sermon – Jean 1 : 35 – 42 (22 janvier 2023)
Jean 1 : 35 – 42
Certains d’entre vous savent que ma belle-mère décédée en novembre 2019. À ce moment, la famille a décidé de ramener une partie de ses cendres aux Îles-de-la-Madeleine, le lieu de sa naissance. Malheureusement, la pandémie a débuté seulement quelques semaines plus tard. Après de nombreuses années de restrictions sanitaires, nous allons finalement entreprendre la dernière étape de ce grand périple cet été. Nous avons contacté le prêtre de la paroisse d’origine de ma belle-mère pour arranger le tout. Cependant, ce dernier a refusé notre demande parce que cela serait l’équivalent de diviser le corps, comme enterrer la tête à un endroit et le corps à un autre. Ma belle-mère est morte et incinérée depuis plusieurs années maintenant. Une grande partie de son corps est déjà parti en fumée. Mais, bon… Nous allons travailler à trouver un plan B.
Cette anecdote reflète une perception assez rependue auprès de la population générale que la religion est compliquée. Les choses ne sont jamais simples. Les Églises véhiculent un message interdisant tout ce qui est plaisant dans la vie. La prise de décision manque cruellement de transparence. Le respect des règlements semble plus important que la mission. La volonté de préserver l’institution l’emporte souvent sur les besoins des fidèles.
Cependant, le texte biblique d’aujourd’hui tiré du premier chapitre de l’évangile selon Jean semble nous amener dans une direction complètement opposée. Après un prologue un peu difficile à comprendre (Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu…), l’auteur entre rapidement dans le vif du sujet. Dès le verset 35, Jean le baptiste, en apercevant Jésus, déclare pour une seconde fois : « Voici l’agneau de Dieu. » Deux de ses disciples, surement intrigués par cette affirmation lourde de sens, décident de suivre Jésus. Ce dernier, qui n’avait pas encore commencé à monter sa petite équipe, se retourne et leur demande : « Que cherchez-vous? » Qu’est-ce que vous me voulez? Les disciples désirent simplement savoir où il demeure. Ils veulent apprendre à connaître cet homme apparemment spécial. Ils espèrent découvrir son message. À ce moment précis, Jésus doit choisir la bonne méthode afin de le suivre. Il aurait très bien pu demander aux disciples des lettres de références. Il aurait pu les inscrire à des formations de mise à niveau. Il aurait pu les passer en entrevue pour s’assurer que leur foi était en accord avec la sienne. Cependant, Jésus opte pour une autre approche. Il a tout simplement répondu : « Venez, et vous verrez. »
Pour plusieurs d’entre nous, notre expérience de vie religieuse se résume par les trois B : believe, behave, belong, ce qui peut se traduire par croire correctement, bien se comporter et appartenir au groupe. Les personnes doivent démontrer qu’elles ont la foi, que cette foi se manifeste dans leurs comportements et que ces comportements peuvent mener à la participation active dans la vie d’Église. Cette vision est enracinée dans une longue tradition chrétienne qui cherche à combattre, encore aujourd’hui, les hérésies afin de maintenir l’unité et la cohérence de l’Église. C’est pour cette raison que nous enseignons la catéchèse à nos enfants afin qu’ils puissent joindre l’Église au moment de leur confirmation. Tel est l’ordre normal des choses.
Mais à la lumière du texte d’aujourd’hui, que se passerait-il d’après vous si nous osions renverser ce paradigme, en inversant la séquence que nous avons créée, en invitant les gens à d’abord appartenir à nos communautés de foi et que cette expérience conduit à la foi? Que se passerait-il si nous laissions les gens comme André proclamer à son frère qu’il est convaincu d’avoir trouvé le messie après seulement quelques heures à le côtoyer? Que se passerait-il si nous acceptions sans aucune restriction ou condition préalable toutes les personnes qui veulent rejoindre nos communautés de foi? Résisterions-nous à cette transformation radicale des pratiques de nos Églises? Aurions-nous peur de perdre une forme d’autorité sur le message véhiculé par nos communautés de foi? Serions-nous capables d’accepter que l’Esprit se manifeste à travers toutes ces voix parfois discordantes?
Jésus n’a pas fondé d’Église ou d’institution religieuse. La lecture des évangiles nous enseigne que l’expérience de la foi était centrale à son ministère. Les quelques heures que les deux disciples ont passées à ses côtés ont eu plus d’impact que n’importe quelle classe d’initiation à la foi. Tout au long de son parcours, Jésus n’a pas appelé les personnes les plus éduquées, les plus savantes ou les plus religieuses. La démarche a été plus organique. Certains ont reçu un appel direct du Christ tandis que d’autres se sont joints à son mouvement par l’entremise de témoignages d’individus qui n’avaient aucune formation formelle.
Au lieu de céder à la tentation de vouloir tout contrôler, nous devrions plutôt nous inspirer des parents qui doivent apprendre à laisser aller leurs enfants devenus jeunes adultes. Bien sûr, tout ne sera pas parfait. De nombreuses erreurs vont se produire. Des choix différents des leurs seront effectués. Cependant, malgré ce processus parfois un peu tout croche, nous savons que ce cheminement produira plus de bénéfices à long terme que le statu quo. Aucun traité de théologie ne peut remplacer l’expérience du divin dans nos vies. Aucune formation, aussi bonne qu’elle puisse être, ne peut remplacer une rencontre avec le Christ.
Lorsque deux disciples de Jean le baptiste demandent à Jésus s’ils peuvent le suivre, celui-ci n’impose aucune condition. Ils n’ont qu’à venir et voir par eux-mêmes comment se manifeste la bonne nouvelle dans notre monde. En laissant les gens cheminer de leur propre façon et à leur propre rythme, l’Église de Dieu finit toujours par correspondre aux besoins des gens. Ça peut être aussi simple que cela. Amen.