Sermon – Jean 4 : 5-42 (12 mars 2023)

Jean 4 : 5 – 42

Dans le plus récent épisode de notre podcast « Question de croire » sur la place des femmes dans l’Église (qui est en ligne depuis mercredi dernier sur toutes nos plateformes… abonnez-vous), Joan offre une réflexion qui, je crois, résume très bien le regard de plusieurs personnes sur le texte d’aujourd’hui.  Elle dit : « Il y a des histoires bibliques, on ne les lit pas pour ce qu’elles sont.  On les lit avec tout ce que la tradition a amené avec.  Il y a des pasteurs qui prêchent à partir de ce qu’ils savent d’une histoire plus qu’à partir du texte lui-même. »

Le passage de l’évangile selon Jean racontant la rencontre entre Jésus et la femme samaritaine illustre parfaitement cette réalité.  Depuis trop longtemps, un certain clergé masculin a pris un malin plaisir à juger et condamner cette femme.  Pour eux, tous les soupçons sur son mode de vie et sa moralité sont exposés au grand jour lorsque Jésus déclare : « Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari; car tu as eu cinq maris, et l’homme avec lequel tu vis maintenant n’est pas ton mari. »  Voilà la preuve indéniable, selon ces personnes, que cette femme est une pécheresse vivant une existence amorale.  Même si Jésus ne la juge pas dans le texte, même s’il y existe plusieurs raisons valides à cette époque pour expliquer plusieurs relations au cours d’une vie, même si dans un système patriarcal une femme est parfois obligée de vivre avec un homme qu’elle n’aime pas afin de survivre, ce n’est pas grave.  Dans l’esprit de plusieurs, la femme samaritaine est une traînée, une débauchée et une femme de petite vertu, qui doit être sauvée par un homme, nommément Jésus.

Comme je l’ai mentionné la semaine dernière, l’évangile selon Jean est un récit symbolique qui ne doit pas être compris d’une manière littérale.  Nicodème, un pharisien important, une personne privilégiée, un représentant de l’autorité ecclésiale rencontre Jésus durant la nuit pour discuter de religion et il demeure dans l’obscurité.  Dans le passage d’aujourd’hui, Jésus échange avec une femme anonyme, marginalisée et qui ne possède aucun titre ou distinction.  Cette rencontre se déroule dans la ville de Sychar, en Samarie.  Ce dernier détail est important.  Même s’ils étaient voisins géographiquement, les Juifs et les Samaritains ne s’aimaient pas.  À une certaine époque, je ne sais pas si vous vous en souvenez, les Québécois racontaient des blagues de Newfies.  Les Français ont leurs blagues de Belges.  Je suis convaincu que les Juifs de cette époque devaient avoir leur version de blagues de Samaritains dans lesquelles ces derniers n’ont pas le beau rôle.  Pour de nombreuses raisons sociohistoriques, les origines, la culture et les pratiques religieuses étaient juste assez différentes pour tomber sur les nerfs de l’un et de l’autre.

Juste avant le début de l’extrait d’aujourd’hui, il est mentionné que Jésus quitte la Judée pour regagner la Galilée.  Le texte mentionne : « Or il lui fallait traverser la Samarie. »  On ne sent pas un grand enthousiasme à travers ces mots.  Sur l’heure du midi, au moment où le soleil est à son zénith, lorsque la lumière brille le plus, Jésus demande à boire à une femme venue puiser de l’eau.  Au début, elle ne comprend pas trop les propos de Jésus au sujet de son eau vive qui tarit la soif et qui jaillira jusque dans la vie éternelle.  Cependant, contrairement à Nicodème qui semble abandonner son échange avec Jésus rapidement, la femme samaritaine s’accroche malgré sa confusion initiale.  Dans ce qui est la plus longue conversation de Jésus dans nos bibles, elle ose demander des clarifications.  Elle choisit d’explorer.  Elle accepte de devenir vulnérable.  Ce cheminement ressemble à plusieurs de nos parcours de foi.  Plusieurs d’entre nous n’ont pas tout abandonné immédiatement pour répondre à l’appel de Jésus.  Le processus a souvent été plus long et rempli de doutes, de détours et d’incertitudes.  La Samaritaine a eu besoin d’exprimer son scepticisme devant cet inconnu à qui elle n’avait rien demandé.  Elle a eu besoin de temps pour découvrir et pleinement comprendre la nature du message de Jésus.

Cette rencontre improbable a permis la création d’un espace sécuritaire qui transcende les différences historiques, culturelles et religieuses.  Cette conversation a créé un état d’esprit permettant une réconciliation de toutes nos différences humaines.  Le résultat de cet échange n’est pas le pardon ou la conversion de la femme samaritaine, mais un passage de l’exclusion à l’inclusion.  En acceptant pleinement l’être humain devant lui, Jésus brise les barrières créer par les êtres humains qui divisent arbitrairement les bonnes et les mauvaises personnes. 

En ce temps de carême, encore une fois, nous sommes confrontés à un choix.  Nous pouvons demeurer dans une chambre d’écho qui répète les opinions que l’on préfère.  Nous pouvons continuer de penser que MA foi et MON Église sont les meilleures.  Nous pouvons faire comme les disciples qui disent à Jésus d’arrêter de parler et de perdre son temps avec la femme samaritaine.  L’autre choix est d’oser aller au-delà de nos perceptions et de nos préjugés.  Nous pouvons répondre à l’appel de saisir toutes les occasions pour amorcer des conversations ouvertes et sincères, même si ce n’est pas toujours facile.  Nous pouvons prendre l’initiative pour créer des espaces contre-intuitifs avec des gens avec qui nous n’avons pas d’atomes crochus.  Plusieurs personnes pensent que le récit de la Samaritaine est une histoire de conversion ou de rédemption.  Cependant, le dialogue entre cette femme et Jésus illustre un parcours de foi où les divisions et les idées préconçues tombent l’une après l’autre.  Cette rencontre improbable a permis à une femme marginalisée d’être vraiment vue et de reconnaître en Jésus le Messie.  Puissions-nous être inspirés par les mots de ce passage biblique.  Amen.

* Samsung UK / unsplash.com