Sermon – Matthieu 21 : 1-11 (2 avril 2023)

Matthieu 21 : 1-11

Mes amis, quel drôle de texte qu’on a lu ce soir ! Quand Stéphane m’a demandé de prêcher sur l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, j’ai pas pu m’empêcher d’imaginer la scène. Les images sont venus d’elles-même. Come on, j’vais vous raconter de nouveau l’Évangile. Une entrée à Jérusalem à la sauce Jean-Philippienne. Vous commencez à m’connaître ! Faisons un parallèle avec un événement grandement couru à Hollywood et qui s’est déroulé très récemment… Savez-vous de quoi je parle ? Les Oscars, bien sûr ! Sacre-Bleu ! On a sacralisé les nouvelles vedettes de nos films messianiques, ceux-là qui nous ont le plus charmé par leurs actions grandioses et le souffle nouveau qu’ils ont amené à notre génération perdue et désœuvrée… Imaginez-vous un instant si ça s’serait passer à Jérusalem. 

Imaginez-vous les paparazzis qui accourent entre les charrettes pour arriver au tapis rouge, drette en face du temple, le bâton dans le sable pour écrire les interviews… Imaginez-vous Nahum pis Josias qui voient les célébrités arriver en grandes pompes. « Josias check-moé donc les stars de l’année ! Checkla nouvelle robe en cristaux liquide de la Reine de Sabba, toé ! » Ah, pis là, y’a aussi la cours de l’Empereur César qui arrive en chars de course… Sans compter le défilé militaire des zélotes avec leur armure étincelantes, le bling bling de médailles qui leur pend d’la poitrine, Juda Iscariotte en tête de liste. Mais là, vous pouvez voir Nahum pis Josias qui s’aperçoivent qui en manque un.

Et là… et là… ils cherchent l’étoile, la nouvelle star d’Israël. Où est-il ce Jésus de Nazareth, où est-il ? Et là, mes amis, on le voit arriver aux Oscars de l’an 33… Le voilà, toé, qui arrive sur le tapis rouge sur un âne, habillé comme un gars qui s’habille en friperie, revenant d’un road trip de 3 semaines. Pas de douche, pas de parfum. Pas d’costard. Juste une tunique en un morceau pis une coupe de cheveux d’gars pas trop compliqué. Heille… Fait dur pour une soirée à danser avec la Reine de Sabba, hein? Jésus, ça te pique les yeux, mon ami, comme pas possible. 

Réfléchissons à ça un instant, au Jésus qui arrive Out of the blue… qui arrive à Jérusalem, sur un âne. Il est pas trop beau. Ben normal. Pas prétentieux pour deux cennes. Il dit rien, mais il se laisse accueillir par les curieux, les intéressés, l’monde qui ont quand même envie d’le voir. On parle de lui de l’autre bout d’la Galilée… ça s’est même rendu aux Romains ça l’air.

Mes amis, vous l’aurez peut-être compris à travers mon show Jean-Philippien… mais on est loin de quelque chose de proprement grandiose chez Jésus. On est bien loin de ce à quoi on s’attendrait de la venue d’un messie attendu depuis des centaines d’années. 

Jésus, soyons bien honnêtes entre nous, il refuse nos belles conventions et nos habitudes. Il a pas grand-chose dans sa trésorerie… peut-être quelques outils, un bâton de marche. Pas de bling bling, pas de trompette non plus pour annoncer son arrivée. Juste du monde bien normal, comme toi pis moi, qui l’attendent, qui le regardent passer avec étonnement et avec joie. On dit bien des choses de lui, que c’est un thaumaturge, que c’est un prophète par qui Dieu se révèle. C’est un homme important. Ça, c’est sûr et certain. Mais un messie… qui arrive d’même? Je sais pas pour vous, mais, moi-même j’aurais un p’tit doute. Un p’tit frisson. Comme les films de super héros… on devrait pas s’attendre à un coup de tonnerre? Une action extraordinaire pour instaurer sur Terre le Royaume tant attendu ? Une action pour exterminer le mal une bonne fois pour toute?

Plutôt que de faire sonner de la trompette, plutôt que d’aller quémander toute la ville pour être vue, pour être adoré comme un Dieu tel que ça se faisait à Rome avec les empereurs, Jésus envoi chercher un ânon plutôt qu’un cheval de course.

Jésus… roi, empereur ? Et il serait un roi de quoi, au juste ? Quel super pouvoir il peut bien avoir ? Il chasse des démons, il guérit des lépreux, révèle à une samaritaine son désir d’être reconnue, son désir d’être entendu. Il nourrit le peuple, les réconforte après la mort de Jean le Baptiste. Il a même appelé Lazare à sortir de sa tombe. Peut-on dire que Jésus est une sorte de Super-Man ou de X-Men? Pas vraiment. Et j’pense que vous l’savez, pourquoi. Parce que les miracles auxquels vous pensez, Jésus les fait pas pour lui et il en reçoit pas l’autorisation de lui-même. Jésus sert l’humanité en tant que serviteur de Dieu.

C’est une drôle de scènes, mes amis, mais qui a un sens extrêmement important pour l’auteur. Jésus qui s’approche ainsi à Jérusalem, sur un ânon, ça fait directement référence à une prophétie que l’on retrouve dans le livre de Zacharie. Et je vous la cite :

Exulte de toutes tes forces, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici ton roi qui vient à toi : il est juste et victorieux, pauvre et monté sur un âne, un ânon, le petit d’une ânesse.

Ce roi fera disparaître d’Éphraïm les chars de guerre, et de Jérusalem les chevaux de combat ; il brisera l’arc de guerre, et il proclamera la paix aux nations…

En s’inscrivant dans la prophétie de Zacharie – et même en réutilisant le vocabulaire de la royauté — Jésus sort de nos attentes monarchiques et messianiques pour se fondre dans l’humanité la plus simple, la plus pauvre, la plus vraie qui soit.

Et cette même prophétie s’inscrit dans une période de reconstruction. Après l’exil à Babylone, on désire rebâtir le temple de Jérusalem. Il n’est pas surprenant que, à la lumière de l’Évangile, Jésus manifeste un Dieu qui viendra habiter dans le temple de nos coeurs. De même, comme vous le savez peut-être, chez Matthieu, la prochaine étape dans le ministère de Jésus… c’est son coup de théâtre en chassant les marchands du temple. Il est question ici de restauration. Non pas de restaurationmonarchique ou militaire, mais d’une réforme spirituelle, d’une réforme de nos conceptions de Dieu. Et cela passe par l’entrée de Jésus à Jérusalem.

Plutôt que de se révéler comme « super messie », comme fils de Dieu, comme roi d’Angleterre ou maître de la planète terre, porteur des anneaux de pouvoir… Il brise nos conventions et nous laisse seuls maîtres quant à déterminer qui il est. C’est à nous, devant les faits, devant le ministère de Jésus, de l’accueillir et de décider qui il est. 

Vous l’aurez remarqué, Jésus reste très discret. La foule se donne à lui et le nomme à partir de leur propre regard, leur propre compréhension… Jésus ne dit rien sinon les quelques instructions concernant l’ânon.

N’est-ce pas intriguant ? On aime bien dire en Église que Jésus est le messie tant attendu, qu’il est le fils du Dieu très haut, intercesseur par excellence auprès du père, quo-substantiel, qu’il pré-existait avant-même que le monde fut… Pourtant, rappelons nous qu’il reçoit un nom, s’inscrit dans une histoire. Il provient d’une longue lignée de croyants et de non-juifs, de colonisateurs, de colonisés… C’est un être humain qui, tout en nous proposant de nous réformer, nous laisse libre de déterminer son identité… et mettre en mots les espérances dont nous nous revêtons.

Nous sommes libres de dire qui est Jésus là où nous en sommes sur le chemin de Jérusalem. Nous avons la liberté de le reconnaître selon nos propre sensibilités. 

De par son entrée à Jérusalem, Jésus met fin à nos indices de performances. Dieu fait toutes choses nouvelles. Par son arrivée en silence, en humilité, Jésus laisse la place à l’interprétation de la foule qui cherche à savoir qui il est. À mon sens, théologiquement, Jésus en arrive à préfigurer le renouvellement du temple qui sort de ses murs de pierres pour être celui de l’intériorité. Tout cela par l’illumination de la foi et la recherche de sens.

Mes amis, en ce dimanche des rameaux, restons humble tout comme Jésus, en actes et en paroles. Marchons avec lui. Regardons-le. Sans sauter aux conclusions ni déchirer le fragile voile du mystère, questionnons-nous à savoir qui il est et ce qu’il est venu nous révéler dans l’intimité de nos coeurs. 

Et nous pourrons dire, chacun, par exemple, que Jésus est notre frère… que Jésus est celui qui nous guérit… qu’il est une lumière dans notre vie… un confident… un silence paisible… la brise, le murmure de Dieu. Un Dieu de l’au-delà de tout… qui se révèle à nous, mais qui reste insaisissable dans son essence même. 

Laissons entrer ce mystère dans notre coeur, dans notre cité intime pour que l’eau jaillisse et que nous soyons renouvelé malgré les quelques orages qui s’annoncent à l’horizon de la semaine sainte. 

Amen

* Avel Chuklanov / unsplash.com