Ne pas correspondre aux attendes des autres (sermon)
Matthieu 11 : 16-30
Au début du processus pour devenir pasteur avec l’Église Unie du Canada, j’ai dû passer un test psychologique. Je me suis présenté dans une clinique. J’ai répondu à des questionnaires. Les spécialistes sont revenus avec un air perplexe. Ils m’ont annoncé que j’avais un profile s’apparentant à celui d’un sociopathe. Mes réponses indiquaient que j’accorde vraiment très peu d’importance à ce que les autres pensent de moi. J’ai tenté d’expliquer que cela est dû en grande partie de l’éducation familiale que j’ai reçue. J’ai appris très rapidement à ne pas me soucier des perceptions et des jugements des autres. Je ne peux pas contrôler les réactions ou les opinions des personnes. Si des gens veulent parler dans mon dos, ils vont toujours trouver une raison et le faire de toute façon. Alors, pourquoi perdre du temps avec ces considérations futiles de mon point de vue ? Il faut croire que ma réponse a été suffisamment convaincante puisse que je suis ici ce soir.
Ceci dit, je crois que nous avons tous et toutes une partie en nous qui ne peut pas s’empêcher de juger ou de se comparer avec les autres. Même si nous ne voulons pas entrer dans ce jeu, notre environnement nous y pousse constamment : les bulletins scolaires, les échelles salariales, la grosseur des maisons, la destination de nos vacances, etc. Comparer les gens à partir de critères purement arbitraires semble inscrit dans notre ADN. Un pasteur m’a raconté qu’un paroissien s’était plaint parce qu’il ne mettait pas ses mains sur la chaire de la même manière que son prédécesseur. Ce commentaire semble un peu ridicule à première vue, mais l’accumulation de ces petites remarques peut devenir usante à la longue… pour des personnes qui ne sont pas des sociopathes. Nous nous demandons pourquoi les personnes ne semblent pas capables de nous voir et de nous apprécier tel que nous sommes au lieu de nous comparer à partir d’une ribambelle d’individus qui ont plus ou moins rapport avec notre domaine d’activités, notre personnalité ou nos dons.
Même Jésus n’a pas échappé à ce jeu des comparaisons et des perceptions populaires. Dans le texte d’aujourd’hui tiré de l’évangile selon Matthieu, il demande à la foule : « Quel est votre problème? Jean le baptiste est venu. Il était vêtu et il se comportait comme un prophète du Premier Testament. Il ne mangeait et ne buvait pas. Vous avez dit qu’il était fou; qu’il était possédé du démon. Moi, j’essaie d’une autre façon. Je tente d’être plus aimable et sociable. Je mange et je bois avec les gens à la marge de notre société. Vous me traitez de glouton et d’ivrogne. Qu’est-ce que ça va vous prendre pour être content? » La réaction des gens est d’autant plus difficile à comprendre que sous des approches différentes, le message de Jean le baptiste et Jésus était essentiellement le même. Le temps est venu pour les êtres humains de réorienter leurs priorités. Tous et toutes peuvent changer. Un nouveau monde, construit sur de nouvelles bases, est possible. Cependant, les personnes semblaient incapables d’aller au-delà de leurs jugements. Jésus aurait pu jouer de la flûte ou entamer des chants funèbres sur la place publique et personne n’aurait réagi ou ils auraient trouvé quelque chose à critiquer.
Je crois que nous pouvons comprendre très bien le sentiment de frustration que Jésus semble exprimer dans notre texte. Nous savons tous et toutes que nous vivons dans une société où la religion n’est pas appréciée par la majorité. Néanmoins, nous tentons de continuer nos missions. Nous nous impliquons dans notre monde pour le transformer. Cependant, plusieurs essaient toujours de nous comparer aux groupes religieux les plus extrémistes ou nous rappeler les pires aberrations de notre passé. Nous tentons de prêcher l’ouverture à l’autre, d’offrir des interprétations des textes bibliques en lien avec les enjeux d’aujourd’hui ou de renouveler le format de nos offices religieux, rien ne semble fonctionner. Certaines personnes sont constamment à la recherche de toutes les petites failles ou contradictions. Un pasteur ne devrait jamais s’exprimer de cette façon. Vous parlez de générosité, mais qu’attendez-vous pour nourrir et habiller tous les sans-abris de nos villes. Ce n’est pas pour rien qu’il existe une perception que les croyants doivent adopter des standards plus élevés, se conformer à une certaine vision de piété et être meilleurs que les autres. Parfois, nous avons l’impression que même Jésus n’arriverait pas à répondre à toutes ces exigences.
Même si nous étions parfaits en toute chose, nous ne pouvons pas contrôler la perception et le jugement des autres. Nous ne pouvons pas satisfaire toutes les personnes. Cependant, notre foi nous permet de croire que nous pouvons toujours trouver une forme de réconfort dans notre relation avec le Seigneur. Jésus offre à tous et toutes la possibilité de nous reposer, non pas en nous offrant quelques heures de sommeil de plus le matin, mais la possibilité de déposer notre fardeau, toutes les attentes et les obligations que nous trainons constamment sur nos épaules. Le joug qu’il offre est léger. Avec Jésus, nous n’avons pas besoin de prétendre quoi que soit. Nous n’avons pas besoin de performer pour impressionner qui que ce soi. Tous les petits jeux de comparaison deviennent dérisoires. Nos statuts sociaux, nos salaires, nos parcours de vie ou toutes autres catégories arbitraires n’existent plus pour le Seigneur. Nous n’appartenons à aucune catégorie prédéterminée. Chacun et chacune est vu, accepté et aimé tout simplement, sans aucune condition.
Trop souvent, certaines personnes sont critiquées parce qu’elles ne correspondent pas à certains standards ou comportements acceptés par notre société. Dans l’évangile selon Matthieu, les gens ont critiqué Jean le baptiste parce qu’il ne mangeait et ne buvait pas et ont accusé Jésus d’être un glouton et un ivrogne parce qu’il frayait avec des collecteurs de taxes et des pécheurs. Nous sommes appelés à nous extirper de tous ces petits jeux de comparaison et d’arrêter de nous soucier du regard des autres, afin de pleinement vivre du message du Seigneur dont le fardeau est léger. Amen.
*Sid Leigh, unsplash.com