Est-ce difficile d’aimer les autres? (sermon)

Romains 12 : 9-21

Je crois l’avoir mentionné à quelques reprises.  Je n’aime pas prêcher sur les épitres de Paul.  Les raisons sont nombreuses.  De longues sections de ces textes adressés à d’anciennes communautés de foi visent à solutionner des problèmes spécifiques qui n’ont plus vraiment de liens avec notre réalité.  Je trouve le style de Paul particulièrement verbeux et pas toujours facile à comprendre.  Et pour être totalement honnête… l’utilisation par certaines Églises de ces épitres, en leur accordant parfois plus d’importance que les paroles de Jésus dans les évangiles, me tombe royalement sur les nerfs.  En tant que chrétien, mon maître et sauveur est Jésus et non Paul.

Néanmoins, j’ai quand même choisi un extrait tiré de la lettre aux Romains pour aujourd’hui.  Cette épitre est différente des autres parce que Paul n’a pas fondé cette communauté de foi au cours de ses voyages missionnaires.  Il ne l’a même jamais visitée avant d’écrire sa missive.  Peut-être pour cette raison, il tente d’impressionner ses futurs lecteurs et lectrices en offrant de grandes réflexions théologiques.  Par exemple, la doctrine de la justification par la foi développée par Martin Luther trouve ses bases dans cette épitre.  Cependant, notre passage va dans une tout autre direction.  D’une manière simple et claire, Paul demande aux Romains d’éprouver un amour sincère les uns envers les autres.  Il les invite à fuir le mal et de s’attacher au bien.  Il leur rappelle qu’un amour authentique n’est pas quelque chose que l’on atteint une fois, mais d’un mode de vie renforcé par une discipline spirituelle et la prière.  Ce type d’amour ne se limite pas à nos amis, à notre communauté de foi ou aux gens de nos Églises.  Il doit être dirigé vers toutes les personnes, peu importe la religion, le statut social ou les affiliations politiques.

Évidemment, ce message est toujours pertinent en ce 21e siècle.  Il peut s’incarner concrètement de multiples façons dans nos vies de tous les jours.  Nous pouvons nous réjouir des bonnes nouvelles des autres et exprimer de la compassion pour les gens qui souffrent.  Nous pouvons rejeter toute forme d’hypocrisie et de tromperie.  Nous pouvons aider notre prochain sans rien exiger en retour.  Nous pouvons partager nos talents et nos ressources avec ceux et celles qui n’ont pas suffisamment de nourriture ou d’un toit où se loger.  Nous pouvons constamment rechercher ce qui est bon dans toutes les personnes que nous rencontrons.

Cet appel de Paul est superbe.  Il est difficile d’être contre l’amour.  Cependant, comme pour bien d’autres choses, cette pratique n’est pas facile tous les jours.  Nous voulons aimer les autres très forts, mais ce n’est pas tout le monde qui est aimable.  Nous voulons nous concentrer sur le bien et fuir le mal, mais parfois nous avons l’impression d’être entourés de gens négatifs et qui abusent du système.  Nous effectuons beaucoup d’efforts, mais les autres ne prennent pas l’appel de Paul aussi sérieusement que nous.  Nous travaillons pour créer un monde meilleur, mais les autres le détruisent dans leur insouciance et négligence.  Nous connaissons la bonne route à suivre afin de parvenir à nos fins, mais les autres nous empêchent d’avancer avec leur préjugé, leur nostalgie et leur théologie douteuse. […]

Évidemment, si nous sommes convaincus que nous sommes nécessairement meilleurs que les autres, si nous regardons la personne devant nous avec condescendance, si nous présumons toujours du pire, il est possible que l’amour du prochain devienne plus difficile à atteindre.  Si nous nous concentrons exclusivement sur notre petite personne, il est difficile de créer un climat d’estime réciproque.  Si nous consacrons tout notre temps à soigner et promouvoir notre image publique, il est difficile d’être solidaire avec des personnes qui sont différentes.

Alors, que faire lors de situations plus difficiles?  Comment réagir lorsque les positions ou les opinions semblent irréconciliables?  Comme Jésus, Paul nous appelle à simplement aimer nos ennemis.  Il nous invite à répondre à la haine avec plus d’amour.  Je sais.  Cette exhortation peut paraître contre-intuitive.  Selon l’expression consacrée, il faut combattre le feu par le feu.  Si dans le cas de feux de forêt majeurs cette stratégie peut être valide, nous utilisons le plus souvent ces mots au sens figuré, c’est-à-dire répondre à un problème à l’aide d’une solution qui lui ressemble énormément.  Tu as été méchant avec moi.  Je vais répliquer en état méchante à mon tour.  Le problème est que cette réponse ne fait qu’escalader le conflit et renforcer les divisions et la polarisation de notre monde.  Nous sommes plutôt invités à combattre le feu avec de l’eau, répondre à la haine avec de l’amour.  Attention!  Paul ne nous invite pas à simplement contrôler nos réactions lorsque nous sommes provoqués.  Il ne nous incite pas à nous aplatir devant le mal.  Parfois, répondre avec amour peut être une arme très puissante.  D’abord, cela déstabilise et confond souvent les autres.  Surtout, cet amour contribue à rapprocher et à combler les fossés qui nous divisent.  Il nous permet de découvrir ce qui est bon dans l’autre.  Cet amour contribue à construire ce monde que Jésus est venu annoncer.

Dans ses épitres, Paul n’est pas toujours facile à suivre.  Cependant, lorsqu’il parle de nos relations avec les autres dans sa lettre aux Romains, je crois que son message est très simple.  Un amour sincère, réciproque, et sans prétention est le standard à atteindre dans nos vies.  Nous sommes tous et toutes appelés à aimer d’une manière différente et extravagante, peu importe la réponse des gens qui nous entourent.  Amen.

*Annie Spratt, unsplash.com