Jésus est-il crédible?
Matthieu 21 : 23-32
Tous les dimanches, après notre office, certaines personnes demeurent sur Zoom pour discuter pendant quelques minutes. La semaine dernière, j’ai parlé de vox pop et comment je trouve cet exercice totalement inutile. Bien sûr, tout le monde a droit à son opinion. Cependant, je suis convaincu qu’elles ne se valent pas toutes. Par exemple, lorsque je me sens malade, je peux demander l’avis de mon voisin et effectuer mes recherches sur internet ou consulter une spécialiste de la santé. Pendant le haut de la vague de la pandémie, nous avions le choix d’écouter des spécialistes en épidémiologie ou des personnes sans formation scientifique. Je suis peut-être vieux jeu, mais j’accorde beaucoup d’importances à l’autorité morale, technique ou scientifique. Je fais confiance plus facilement à une personne qui sait de quoi elle parle.
La question de l’autorité est au centre du texte d’aujourd’hui tiré de l’évangile selon Matthieu. L’action se déroule le lendemain de l’entrée triomphale de Jésus dans Jérusalem. Je sais que cela peut paraître bizarre parce que nous ne sommes pas dans la semaine pascale, mais ce n’est pas moi qui organise le calendrier liturgique. Jésus s’installe dans le temple avec ses disciples pour y enseigner. Rapidement, les grands prêtres et les anciens du peuple l’abordent et lui demandent : « En vertu de quelle autorité fais-tu cela? Et qui t’a donné cette autorité? » Chaque semaine, je vous demande si vous avez découvert quelque chose de nouveau à la suite de la lecture du texte biblique. Cette semaine, en préparant ma réflexion, j’ai remarqué pour la première fois que ces hommes n’avaient pas nécessairement un problème avec le message de Jésus, mais avec la crédibilité de son messager. Ils désiraient entendre le nom d’un maître ou d’une grande école pour mieux situer où loge Jésus… pour mieux l’attaquer et dénigrer son autorité par la suite, un peu comme lorsque nous demandons à une personne qui nous tombe sur les nerfs où elle a fait sa scolarité en espérant qu’elle nous réponde l’UQUAM.
Les grands prêtres et les anciens du peuple défient Jésus parce qu’ils craignaient de perdre leurs positions privilégiées. Bien qu’ils étaient au sommet de la pyramide sociale, leur situation demeurait fragile parce que leur autorité reposait sur le bon vouloir de l’Empire romain qui n’était pas particulièrement apprécié par le peuple. Tant et aussi longtemps que Jésus se limitait sa tournée en région, ils pouvaient l’ignorer facilement. Mais la donne venait de changer des dernières heures. Ce jeune homme charismatique semble être apprécié par la population. Ses enseignements parlent d’un nouveau royaume où les choses seront complètement renversées. Si les grands prêtres et les anciens du peuple ne parviennent pas à contrôler ce Jésus de Nazareth et son mouvement, son autorité conduira inévitablement à la fin de la leur. D’où leurs questions : « En vertu de quelle autorité fais-tu cela? Et qui t’a donné cette autorité? »
Encore une fois, Jésus n’offre pas une réponse simple et claire. Il faut croire que c’était sa spécialité. Il renverse plutôt la pression sur les grands prêtres et les anciens du peuple avec sa question sur Jean le Baptiste qui était encore très populaire auprès du peuple. Devant leur refus de répondre, Jésus poursuit avec une courte parabole. En puissant dans la longue tradition biblique d’histoires de deux frères complètement différents, comme Caïn et Abel, Jacob et Ésaü et Moïse et Aaron, Jésus raconte qu’un homme avait deux fils. Il demande au premier de travailler à la vigne et celui-ci lui répond qu’il ne veut pas, mais il finit par y aller. Il demande au deuxième fils la même chose qui lui répond qu’il va y aller. Cependant, il ne se pointe pas à la vigne. Jésus termine avec la question : « Lequel de deux fils a fait la volonté de son père? »
Je voudrais prendre quelques secondes pour souligner que malheureusement ce texte a été utilisé pour dénigrer les Juifs et justifier la violence envers eux. Historiquement, le fils désobéissant a été associé au peuple juif et le bon fils serait les bons chrétiens qui ont obéi à Dieu. Encore une fois, Jésus n’avait aucun problème avec son peuple. Ces paroles étaient dirigées vers un petit groupe précis, une certaine élite religieuse qui tentait de mettre en boîte Jésus pour conserver leur privilège. Fin de la parenthèse.
Cette parabole nous ramène à la question de l’autorité. Certaines personnes connaissent Dieu. Elles ont fait des études, occupent des positions importantes dans leurs Églises et en parlent de manière éloquente. C’est très bien. Mais toutes ces qualités demeurent un peu vides si elles ne sont pas accompagnées d’actions concrètes qui ont des répercussions sur la vie des gens. Vous connaissez surement l’expression : grand parleur, petit faiseur. L’autorité des grands prêtres et des anciens du peuple était basée sur la force d’une armée et la tradition. Cependant, le peuple ne semblait pas en tirer profit. L’autorité de Jésus repose sur le lien entre ses mots et ses actions, sur la guérison des malades et l’intégration des marginaux, sur l’accueil des exclus de la société et le partage du pain avec tous et toutes. Toutes ces actions parlent bien plus fort que de nombreux discours trop longs ou de sermons pompeux. Tous ces gestes, même maladroits ou imparfaits, nous rapprochent des enseignements de Dieu. Tous ces actes nous forcent à nous dépasser, à changer nos comportements, et à apprendre constamment des uns les autres.
La question de l’autorité est présente tout au long de l’évangile selon Matthieu. Lorsque les grands prêtres et les anciens du peuple défient Jésus dans le temple de Jérusalem, ce dernier refuse de tomber dans leur piège. À la place, il les invite à examiner leurs paroles et leurs actions. Nous sommes appelés à établir notre crédibilité en travaillant d’une manière ou d’une autre pour le bien-être de tous nos frères et sœurs humains. Amen.
* Crijn Hendricksz, unsplash.com