La difficulté à changer

Exode 32 : 1-14

Vous avez surement déjà entendu le proverbe : chassez le naturel, il revient au galop.  Parfois, des personnes affirment qu’elles ont travaillé sur elles-mêmes et ont profondément changé.  Dans certains cas, c’est vrai.  D’autres fois…  La vérité est qu’il est extrêmement difficile de modifier qui nous sommes intrinsèquement.  Par exemple, je souffre d’anxiété.  Je peux prendre mes médicaments tous les jours.  Je peux identifier les éléments déclencheurs dans ma vie.  Cependant, cette condition demeure toujours au fond de moi et lorsque je ressens trop de stress ou un moment de crise, cet aspect de ma personne reprend le dessus.  Une personne a déjà comparé ce phénomène au ski de fond.  Parfois, nous nous aventurons dans les sous-bois.  Nous avons du plaisir.  Nous nous croyons bons.  Mais lorsque le terrain devient plus difficile ou que nous rencontrons un peu d’adversité, nous retournons rapidement dans la piste bien balisée parce que c’est plus familier, c’est plus facile.

La semaine dernière, nous avons lu le début du chapitre 20 du livre de l’Exode, le moment où Moïse reçoit les dix commandements de la part de Dieu.  Cette semaine, nous sautons au chapitre 32 et Moïse se trouve toujours au sommet de la montagne.  Certaines personnes ont tenté d’expliquer cette apparente incohérence avec toutes sortes d’explications plus alambiquées les unes que les autres.  Ce soir, je me contenterai de vous rappeler que les textes bibliques ne suivent pas toujours de progression linéaire parce que plusieurs traditions ont été fondues ensemble.  

L’entretien au sommet entre Moïse et le Seigneur semble interminable.  Si nous lisons les chapitres avant le texte d’aujourd’hui, nous comprenons un peu pourquoi.  Le pauvre homme reçoit une série d’instructions sur les dimensions de l’arche d’alliance, les matériaux à utiliser pour l’autel des sacrifices, la description des vêtements liturgiques des prêtres, etc.  Tout ce micromanagement divin a pour conséquence d’inquiéter les Hébreux.  Les jours se succèdent et leur leader ne répond toujours pas à l’appel.  Peut-être que Moïse les a oubliés.  Peut-être qu’il ne reviendra jamais.  L’anxiété commence à monter.  Les Hébreux sont au milieu de nulle part, en plein désert parce que Moïse les a convaincus de faire confiance en un nouveau Dieu invisible.  Mais s’il n’est plus là, que vont-ils devenir?  Que vont-ils faire?  Et l’anxiété continue à monter.  Nous devrions peut-être retourner à ce qui est familier.  Les Égyptiens ont des dieux que tout le monde peut voir.  Ces dieux sont représentés par de belles statues en or que l’on peut toucher.  On peut leur apporter des offrandes pour obtenir des faveurs.  Ce qu’il nous faudrait est une statue bien à nous que nous pourrions amener avec nous partout pour assurer notre sécurité.  Nous devrions confectionner une statue d’un animal représentant la force et le pouvoir comme un beau veau en or.  Alors, les Hébreux se dirigent vers Aaron, le frère de Moïse.  Ce dernier, encerclé par une population sur le bord de la crise de panique, accepte leur demande et organise des célébrations religieuses comme dans le bon vieux temps.

Comme vous pouvez facilement l’imaginer, Dieu n’est pas vraiment ravi de ce revirement de situation.  Le Seigneur dit à Moïse : « Descends donc, car ton peuple s’est corrompu, ce peuple que tu as fait monter du pays d’Égypte. »  Je ne sais pas pour vous, mais chez moi, lorsque mon épouse dit : « Regarde ce que ton fils fait! », ce n’est jamais annonciateur de bonnes nouvelles.  Dieu est en colère et, d’une certaine manière, est tenté de retomber dans ses vieilles habitudes.  Dieu déclare à Moïse : « Et maintenant, laisse-moi faire: que ma colère s’enflamme contre eux, je vais les supprimer. »  Je vais tous les éliminer comme je l’ai fait dans le récit de Noé.  « Je ferai de toi une grande nation. » Je vais passer une alliance avec une seule personne comme je l’ai fait avec Abraham.  Dans un élan de frustration, Dieu est prêt à revisiter ses grands classiques pour retourner à un fonctionnement qui a donné de bons résultats dans le passé, pour retourner à quelque chose de connu et facile.  

Certains d’entre nous adorent critiquer les Églises qui semblent se réfugier dans les pratiques du passé pour mieux nous définir comme des gens ouverts aux changements et aux nouveaux paradigmes.  Amenez-en des projets innovants.  Mais lorsque la situation se corse, lorsque l’inconnu nous fait peur, lorsque l’anxiété monte en nous, nous rechutons également.  Nous sommes parfois tentés de ressortir les bonnes vieilles activités et techniques qui ont très bien fonctionné en 1987.  En fait, lorsque 1987 reviendra, nous serons prêts.  Malheureusement, 1987 ne reviendra jamais.  La société a changé.  Les gens ont changé.  L’Église a changé.

Je crois que nous sommes appelés à être indulgents avec les personnes qui rechutent, en débutant avec nous-mêmes.  Comme plusieurs textes bibliques, l’expérience humaine n’est pas un beau développement linéaire.  Ce n’est pas parce que nous avons pris conscience d’une réalité que nous ne reviendrons jamais en arrière.  Nous ne devons pas aider les gens à sortir de leur misère et de leurs problèmes pour ensuite les abandonner la première seconde qu’ils ou elles rechutent.  Nous sommes plutôt invités à cheminer avec les personnes qui nous entourent.  Nous devons être une présence bienveillante durant les moments positifs et les autres plus négatifs.  Nous pouvons célébrer avec notre prochain les moments de libération des entraves du passé.  Nous sommes appelés à montrer de la compassion lorsque notre frère ou notre sœur laisse ses zones d’ombre et de ténèbres l’envahir.  Nous sommes invités à nous montrer compréhensifs en tout temps parce que tous ces moments de progrès et de rechute font partie de notre histoire, de l’histoire du peuple de Dieu.

Parfois, les gens reculent au lieu d’avancer.  Pendant que Moïse était au sommet de la montagne avec Dieu, les Hébreux apeurés se sont construit un veau d’or.  Nos parcours de foi ne sont pas toujours linéaires.  Il y a des moments d’assurance et d’autres d’anxiété.  À travers tous ces états, notre appel est de continuer de cheminer avec Dieu malgré toutes nos rechutes, notre difficulté à changer et nos désirs de retourner à ce qui est familier.  Amen.

* Taylor F., unsplash.com