La religion ou la politique?

Matthieu 22 : 15-22

Dans l’une de ses lettres datant de 1789, Benjamin Franklin a écrit : « Il n’y a rien de certain dans ce monde, à l’exception de la mort et les taxes. »  À moins d’être un multimillionnaire entouré d’une armée de fiscalistes, personne n’échappe à cette obligation civique.  Il y a l’impôt sur le revenu, les taxes de vente, les taxes d’accise, l’impôt foncier, etc.  Nous déboursons les montants demandés même si personne n’aime payer ces taxes.  C’est surement pour cette raison que les partis politiques promettent toujours de baisser les impôts pour gagner des votes.  J’attends encore des explications plausibles sur comment un état ou une municipalité peut diminuer ses revenus sans couper dans les services.  Mais, je m’égare du sujet de ce soir.

Il y a trois semaines, nous avons lu un passage de l’Évangile selon Matthieu dans lequel les grands prêtres et les anciens du peuple tentent de remettre en question l’autorité de Jésus.  Le texte d’aujourd’hui s’inscrit dans la suite des défis lancés par les autorités de Jérusalem.  Cette fois-ci, un groupe de Pharisiens décide de faire parler Jésus dans l’espoir qu’il s’enfarge en émettant un commentaire ou une opinion déplacés.  Une petite délégation se joint à des Hérodiens, des gens à la solde du roi Hérode.  Ensemble, ils s’approchent et commencent à flatter Jésus dans le sens du poil.  « Maître, nous savons que tu es franc et que tu enseignes les chemins de Dieu en toute vérité, sans te laisser influencer par qui que ce soit, car tu ne tiens pas compte de la condition des gens. »  Oui…, a dû répondre Jésus.  Nous avons cette petite question et nous aimerions avoir ton avis, mon cher Jésus.  « Est-il permis, oui ou non, de payer le tribut à César? »

À première vue, cette question d’argent semble triviale.  À cette époque, payer l’impôt à Rome était une obligation.  L’empire romain saignait à blanc les provinces conquises pour financer ses opérations.  Tout le monde connaissait cette réalité.  Cependant, comme l’affirme l’amiral Ackbar dans Le Retour du Jedi, It’s a trap!  Cette question est un piège qui dépasse largement des considérations économiques.  Comme vous pouvez facilement l’imaginer, le fait d’envoyer une partie de son argent chèrement gagné à un empereur étranger habitant à plusieurs milliers de kilomètres divisait la population.  D’une part, il y avait un groupe des gens au pouvoir, comme les Hérodiens, qui devaient se dire : « étant donné que les Romains sont là, aussi bien d’être réaliste et de faire avec cette situation.  Rome n’étant pas célèbre pour sa tolérance de la liberté d’expression et de la dissidence, trouvons moyen de collaborer avec ses représentants.  Envoyons de l’argent pour avoir la paix et demeurer en vie.  Payons le tribut à César. »  D’autre part, il y avait des personnes un peu plus religieuses et nationalistes, comme les Pharisiens, qui clamaient que la seule allégeance du peuple doit être à Dieu.  Payer les impôts du Temple, aucun problème.  Mais, ces idéalistes ne voulaient pas tourner leur dos aux enseignements du Seigneur.  Payer le tribut à César, un empereur païen, est rien que de moins qu’un sacrilège.  Les Pharisiens et les Hérodiens, en quelque sorte les deux côtés de la même pièce de monnaie, savent très bien qu’ils doivent payer cet impôt.  Cependant, ils demandent ensemble à Jésus : « est-ce une chose que l’on doit accepter ou s’opposer?  Es-tu du camp des nationalistes ou de ceux et celles qui trahissent notre religion?  Qui veux-tu te mettre à dos aujourd’hui avec ta réponse? »

Après avoir examiné une pièce de monnaie, Jésus leur répond la célèbre phrase : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »  Cette réponse semble avoir cloué le bec aux Hérodiens et aux Pharisiens.  Cependant, plusieurs siècles plus tard, plusieurs se questionnent encore sur le sens de mots.  Nous tentons encore de clarifier la relation complexe entre la religion et la politique.  Bien sûr, certaines Églises ont clairement choisi de s’aligner sur un parti politique ou derrière un leader, quitte à effectuer quelques contorsions théologiques pour justifier leur choix.  D’autres groupes religieux, au nom de leur allégeance totale au royaume de Dieu, refusent de voter ou de payer leurs taxes.  Cependant, la majorité des chrétiens et des chrétiennes essaient de distinguer les affaires spirituelles et religieuses des affaires politiques.  Peut-être avez-vous déjà entendu quelqu’un parler de la différence entre la loi ou la justice des hommes et celles de Dieu? 

Malgré nos nombreuses tentatives, la frontière entre ce qui appartient à Dieu et ce qui appartient à César demeure souvent difficile à établir. Les points d’intersection entre les sphères religieuses et politiques sont fréquents.  En tant que croyants, nous pouvons nous désintéresser de la chose politique tant et aussi longtemps que nous pouvons pratiquer notre religion.  Nous n’avons qu’à respecter les lois et faire notre petite affaire tranquillement dans notre coin.  Mais comment devons-nous nous comporter lorsque César est un dictateur ou lorsque le gouvernement adopte des lois carrément racistes ou discriminatoires ? Sommes-nous invités à être réalistes et demeurer silencieux au nom de la séparation entre l’Église et l’État?  Sommes-nous appelés à prendre les armes au nom des enseignements de la Bible et des dogmes de nos Églises?  En somme, devons-nous nous révolter au nom de notre foi ou accepter de payer le tribut à César?

Ce genre de situation n’est jamais facile.  Malheureusement, il n’existe pas de réponses simples qui s’appliquent dans tous les cas.  Cependant, je crois que Jésus nous invite à explorer une troisième voie.  Au-delà d’une vision binaire du tout ou rien, de l’un ou l’autre, nous pouvons nous inspirer de nos valeurs dans nos actions quotidiennes.  Nous avons reçu cette mission collective d’apporter un peu de lumière dans un monde trop souvent couvert par les ténèbres.  Nous avons toutes ces histoires des prophètes du Premier Testament qui se préoccupaient de la condition des plus vulnérables de notre monde.  Nous avons l’exemple de Jésus qui a exercé son ministère auprès des gens.  Il est possible d’être authentique et défendre les droits de tous et toutes.  Nous pouvons nous appuyer sur notre foi lorsque nous devons faire des choix.  Nous pouvons réclamer plus de justice et d’équité dans notre société.  Nous pouvons demander à nos dirigeants de trouver des solutions qui contribuent à la paix dans notre monde.  Nous pouvons utiliser les leviers à notre disposition pour créer un monde différent.

Peut-on mélanger la politique et la religion?  Lorsqu’il est mis au défi par des Pharisiens et des Hérodiens au sujet d’un impôt payé à César, Jésus répond « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »  Il ne dit pas qu’il est interdit de mélanger les deux.  Nous n’avons pas à choisir un camp ou un autre.  Nous sommes plutôt appelés à utiliser notre foi pour améliorer notre société.  Nous pouvons identifier les bons moyens pour travailler au bien-être de tous et toutes.  Amen.

* Daniel Gutko, unsplash.com