Est-il possible de croire en l’impossible?
Luc 1 : 26-38
Dans ses travaux, le professeur Joseph Campbell a comparé les grandes mythologies et les religions de notre monde. Selon lui, tous les grands récits racontant l’histoire d’un grand personnage, d’un héros ou d’une figure messianique suivent essentiellement la même structure narrative. L’un des éléments que nous pouvons rencontrer dans ce monomythe est la fécondation d’une femme mortelle par une divinité ou une force surnaturelle. Nous retrouvons cette idée dans les récits de la vie du prince Siddharta qui est devenu le Bouddha. Dans la mythologie grecque, disons que le dieu Zeus… a été très généreux de sa personne. Cependant, le récit de naissance virginale probablement le plus célèbre de tous est celui d’Anakin Skywalker dans la saga de Star Wars.
J’aborde ce sujet parce que le texte d’aujourd’hui, tiré du premier chapitre de l’évangile selon Luc, traite de la conception de Jésus par l’opération du Saint-Esprit. D’un point de vue sociologique et historique, je peux comprendre pourquoi l’auteur a choisi de présenter les origines de Jésus de cette manière. Ce dernier ne pourrait pas être considéré comme un vrai messie par ses contemporains si son histoire (son mythe d’origine) ne correspond pas aux structures narratives acceptées. De plus, étant donné que tous le monde savait que Joseph n’était pas le père biologique de Jésus, beaucoup de rumeurs se sont propagées très rapidement. Par exemple, le philosophe grec Celsus affirme que le soldat romain Tiberius Julius Pantera est le vrai père de Jésus. Devant cette série de problèmes, l’auteur de l’évangile selon Luc a surement voulu étouffer toutes ces spéculations et rétablir les faits. “J’ai fait mes recherches. Voici comment les choses se sont vraiment déroulées. Fin de la conversation.” Personnellement, je veux bien, mais… n’en demeure pas moins que nous sommes en 2023. Les avancées de la science nous ont permis de très bien comprendre le processus de fécondation chez les humains. Il est pratiquement impossible pour une femme de développer un embryon sans l’apport de cellules masculines. Il semble manquer quelques détails importants dans l’histoire que l’on nous présente aujourd’hui.
Dans notre extrait, même Marie ne semble pas comprendre le comment du pourquoi lorsque l’ange Gabriel lui annonce qu’elle enfantera le Fils du Très-Haut, l’héritier du trône de David dont le règne n’aura pas de fin. “Je veux bien”, semble répondre Marie, “mais nous avons un petit problème. Je ne suis pas encore mariée. Je n’ai pas eu de relations intimes avec mon fiancé. Je n’ai rien fait. Il n’y a aucune chance que ton plan fonctionne, Gabriel.” Cependant, l’ange rappelle à Marie que rien n’est impossible à Dieu. Pour appuyer son affirmation, il lui apprend que sa cousine Élisabeth est enceinte. Comme toutes les autres femmes dans la bible qui étaient considérées infertiles ou trop vieilles pour concevoir un enfant (nous pouvons penser à Sara, Rachel ou Anne), cette heureuse nouvelle démontre encore une fois qu’une situation inespérée peut être renversée. Alors, pourquoi en serait-il différent dans le cas d’une simple jeune femme de Nazareth?
À certains moments de nos vies, nous traversons des épreuves tellement pénibles que nous sommes incapables de concevoir la possibilité d’une issue. Nous sommes convaincus qu’il n’y aucune solution à nos problèmes. Il est impossible d’imaginer qu’un changement significatif puisse émerger. Malgré les grandes conférences internationales, notre planète continue à se réchauffer à un rythme alarmant. La pandémie n’a fait qu’accentuer l’écart entre les plus riches et les pauvres de notre monde. Les populations civiles sont toujours les plus grandes victimes des affrontements armés partout autour du globe. Alors, comment ne pas sombrer dans le désespoir? Comment ne pas accueillir l’annonce de toutes bonnes nouvelles avec scepticisme? Comment cela peut-il être possible?
Peut-être, notre problème devant toutes ces situations apparemment sans issues est notre manque d’imagination et notre incapacité à rêver plus grand. Trop souvent, nous nous imposons des limites. Si nous ne pouvons pas nous entendre collectivement pour diminuer la disparité entre les riches et les pauvres, pourquoi créer des programmes? Si nous ne pouvons pas établir des pourparlers avec nos ennemis, pourquoi croire qu’une paix possible? Si les récits de nos évangiles sont structurés comme des mythes, pourquoi leur accorder de la crédibilité ?
Je crois que le passage d’aujourd’hui nous invite à aller au-delà de l’histoire d’une jeune femme qui conçoit miraculeusement un enfant. Ces mots proclament que l’espoir est toujours possible malgré les pires épreuves. La lumière peut toujours se frayer un chemin dans les ténèbres les plus sombres. Un rebondissement totalement inattendu a la capacité de renverser une situation apparemment désespérée. Cette histoire nous enseigne que le statu quo n’est pas une fatalité implacable. Il est possible de créer des moments et des espaces où nos mots résonneront plus fort, où nos actions modifieront la normalité ambiante, où l’impossible reculera devant les possibilités qui nous sommes offertes par Dieu. À quelques jours de Noël, nous pouvons incarner cette conviction que Dieu ne nous abandonnera jamais. Nous pouvons croire que rien n’est impossible pour Dieu, même la conception hors norme d’un messie qui changera la face du monde à jamais.
Malgré tous les défis apparemment irrésolubles autour de nous, l’histoire de la visite de l’ange Gabriel à Marie nous rappelle à croire en l’impossible. Au lieu de nous imposer des limites et nous décourager, nous sommes invités à ouvrir nos esprits à toutes sortes de possibilités, même les plus incroyables comme une conception virginale. Nous pouvons toujours espérer parce que rien n’est impossible à Dieu. Amen.
* Martin Adams, unsplash.com