Bon choix… Mauvais choix?

image : Emma Simpson, unsplash.com

Lamentations 3 : 22 – 33

Voici une citation de notre lecture de ce dimanche : « Ce n’est pas de bon cœur que Dieu accable et fait souffrir les humains. »

Ayoye, ça fait dur ! Comme plusieurs d’entre vous s’en aperçurent au cours de la soirée, créer une discussion autour du Livre des lamentations n’est pas un exercice évident pour qui que ce soit. J’ose même dire que c’est un exercice plutôt périlleux ! Il faut dire que, déjà, avec un nom de livre de même, ça ne donne pas trop envie d’y mettre le nez. Qui pourrait bien aimer ça, le maudit « lamentage » ?

Toutefois, même si on peut être drôlement mal à l’aise avec certaines affirmations ou certains sous-entendus dans le texte, reste qu’il faut être honnête envers soi-même et Dieu. Avant même de raconter la misère des Hébreux en exile, le Livre des lamentations évoque notre condition humaine, nos espérances et nos coups de gueule de tous les jours. Les mots du poète évoquent nos peines et nos espérances, la lamentation étant ce cri de colère et de confiance envers Dieu. Comme les Hébreux de cette époque, nous réalisons tous les jours que nous faisons des choix qui, bien souvent, nous retombe sur la tête. Nous nous ramassons avec des conséquences complètement inattendues, et ce, même si nos décisions étaient – à notre avis – dans le meilleur intérêt du monde.

Tiens, donc ! Combien de fois nous étions heureux de l’élection d’un nouveau responsable puis qu’on s’aperçut finalement que notre choix s’est reviré contre nous ? Combien de fois nous avons investi dans un appareil quelconque et qui, déjà, quelques mois plus tard, nous « saute dans face » ?  Qui n’a jamais planifié des vacances ou un voyage somptueux qui tourna finalement au vinaigre à cause du mauvais temps ou d’un imprévu ?

Des choix longuement réfléchis ou pas, nous en avons tous déjà fait au cours de notre vie. La Bible en est remplie, mais les livres d’histoire aussi. Toutefois, nous ne pouvons pas dire qu’une décision pourtant bien mûrie constitue pour autant une  « bonne décision ». Il se trouve toujours dans nos choix une part de connu et d’inconnu.

Peu importe ce que nous pouvons en dire, prendre une décision engage souvent un saut de l’ange par rapport à l’avenir. On ne s’en rend pas tout à fait compte sur le coup, mais chaque décision constitue un risque. Chaque fois que je prends mon char, je risque un accident. Chaque fois que j’achète quelque chose, je dilapide de l’argent que je ne pourrai pas mettre ailleurs.

Est-ce que, au final, il existe vraiment de mauvais choix ? De même, sommes-nous punis pour ces derniers?

Alors que je lisais les Écritures au cours de la semaine, ces deux questions-là m’ont poppé à la tête. Surtout par rapport à notre histoire personnelle qui contient plusieurs allers-retours, plusieurs changements de cap du fait que les circonstances changent continuellement. Ce qui nous semblait être une bonne décision aux yeux de notre foi nous semble être pas si bonne que ça, finalement, et vice-versa.

Un exemple tout bête dans mon cas pourrait être mon passage dans certaines communautés de foi il y a plusieurs années. Des communautés qui m’ont permis de me reconstruire après une rupture douloureuse et qui m’ont ramené dans la bonne voie. Pourtant, après quelques années de ministère, ces milieux-là se révélèrent être inadaptés pour moi pour toutes sortes de raisons. Or, dans ma fidélité et mon obstination, je suis resté dans le statu quo malgré les signes avant-coureurs d’un désastre à venir.

Peut-être que ça allume un son de cloche par rapport à vos propres expériences. Peut-être avez-vous déjà vécu une situation où les signes étaient juste-là dans votre face et que vous ne vouliez pas voir. Peut-être aviez-vous à quitter un emploi, une relation amoureuse devenue toxique et que vous avez choisi plutôt le statu quo jusqu’à vous mettre en danger. Ne pas choisir, c’est aussi un choix.

Comme certains d’entre vous le savent, j’ai abandonné mes « vieux filets » un soir d’hiver 2020. J’ai accepté de tout laisser derrière moi pour partir au Séminaire de l’Église Unie du Canada. Ça ne faisait pas vraiment mon affaire de lâcher la prêtrise, mais je sentais que je devais faire le choix du risque. Dans un élan de nostalgie, j’aurais pu penser que mon départ à Montréal pouvait être une malédiction. Ça aurait pas été bien difficile, moi qui me ramassait dans une ville, une culture religieuse que je connaissais peu, avec des études et un stage dans une langue qui je ne maîtrisais clairement pas.

Inquiétez-vous pas, je me suis bel et bien lamenté et j’en ai braillé une claque. Je me suis même considéré comme exilé. Dans des situations de même, vous connaissez la ribambelle de questions nous vient naturellement aux lèvres : « Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour me ramasser dans cette situation-là ? Qu’est-ce que j’ai fait pour que tout tourne de travers ?! »

Est-ce que j’ai pris la mauvaise décision ?

Dans ce cas-là comme dans d’autres, on finit par s’apercevoir qu’il y a quelque chose qui nous attend malgré nos doutes et nos plaintes. Ça vous est sûrement déjà arrivé de vous sentir complètement perdu après une décision qui, sur le coup, avait l’air d’en être une mauvaise, mais qui, par après, a donné sur de quoi inattendu. Quelque chose de la grâce de Dieu se manifesta. 

Pour ma part, ma transition vers l’Église Unie du Canada a été finalement un signe de grâce qui m’a permis d’aller plus loin. Je ne serais probablement pas, sans toutes mes lamentations, en train d’animer à Sainte-Claire ce soir. Je ne serais pas en stage à Saint-Pierre, à mi-chemin de ma consécration. Beaucoup de peines, oui, mais aussi beaucoup de joie en fin de compte.

Au final, c’est bien de prendre des décisions bien réfléchies, mais on ne peut pas toujours anticiper les conséquences de ces choix-là. À la lumière de l’histoire sainte et de nos histoires personnelles, il me semble qu’un choix est bon non pas par rapport aux résultats anticipés ou les résultats après-coups, mais bien une fois que l’orage est passé et que, quelques temps ensuite, on prend conscience d’où est-ce que Dieu nous a menés.

C’est avec du recul que l’on comprend que nos impressions d’exil et de punition constituaient en fait des expressions liées à notre propre peur, nos regrets et voir même notre sentiment de culpabilité. Trop souvent on se regarde dans le miroir de notre propre culpabilité et interprète sur le coup notre situation comme une sorte de Karma qui nous ramène finalement à la logique de loi, contraire à la liberté qui nous a été donnée par Jésus.

C’est dans ce contexte-là de souffrance qu’on donne parfois une intention au Seigneur. On se dit alors que c’est à cause de nos péchés qu’on paie le prix en ce moment, que le Seigneur veut nous corriger en nous envoyant toutes sortes de fléaux. J’ose croire que ces pensées-là font partie du processus d’adaptation, d’un deuil à faire de nos propres attentes.

Ce qu’on avait envisagé n’arrivera pas de la manière attendu, mais on peut être certain et certaines que ça donnera sur quelque chose de nouveau. Oui, Dieu sait à quel point il y a des lamentations dans la Bible comme dans nos vies. Des gens qui désespèrent, mais qui, paradoxalement, restent dans une sorte de confiance.

Mon expérience de la « lamentation » me porte à croire qu’il n’y a pas de décisions complètements bonnes ou mauvaises, mais que des occasions d’ouverture qui nous mènent toujours quelque part. Les Écritures en témoignent dans toutes, toutes les pages. Lorsqu’ils quittèrent finalement Babylone, les Hébreux reconstruisirent Jérusalem. Lorsque Joseph – le fils de Jacob – fut vendu comme vulgaire esclave, il a fini comme pharaon d’Égypte. Alors que la division montait de nouveau en Israël, un sauveur nous est né dans une famille pauvre et sans histoire…

Dans notre espérance et notre expérience, il importe de nous rappeler que, après nos misères, nos doutes, nos mésaventures, c’est la grâce de Dieu qui nous sourira bientôt. Comme le dit le poète : « Ce n’est pas de bon cœur que Dieu accable et fait souffrir les humains… Même s’il fait souffrir, il est plein de tendresse, tant sa bonté est grande. »

On peut être d’accord avec cette affirmation-là ou pas. Toutefois, il importe de nous souvenir que ce qui nous semble être une malédiction aujourd’hui, frères et sœurs, Dieu, par sa grâce, en fera demain des bénédictions.

Amen