Parler des scandales de l’Eglise

image : Janko Ferlic, unsplash.com

Marc 9 : 30 – 37

Les camps d’entraînement des équipes de la Ligue nationale de hockey ont débuté.  Je me suis dit que ceci serait un bon lien pour un sermon sur les disciples de Jésus se demandant qui est le plus grand parmi eux.  Ces jours-ci, presque tout l’espace médiatique est rempli de journalistes, de commentateurs et d’amateurs analysant un joueur en rapport à un autre et se demandant qui va faire le grand club.  Je pensais avoir vraiment une bonne idée pour une réflexion qui allait s’écrire toute seule.

Malheureusement, comme c’est souvent le cas, j’ai été rattrapé par l’actualité.  Plusieurs médias français ont publié des articles troublant au sujet de l’abbé Pierre.  Pour ceux et celles qui ne connaissent pas cette personne, Henri Grouès est un prêtre catholique.  Il a fondé le mouvement Emmaüs qui lutte contre l’exclusion sociale.  Il a travaillé longtemps pour le logement des défavorisés.  Il a été l’une des personnalités publiques préférées des Français jusqu’à sa mort en 2007.  Pourquoi je parle de lui ce soir?  Un premier rapport datant de juillet dernier, suivi d’un deuxième paru le 6 septembre, ont présenté des témoignages de nombreuses victimes de violences sexuelles perpétrées par l’abbé Pierre.  Les recherches démontrent que certains de ces actes auraient été commis au Québec à la fin des années 1950 et au début des années 1960, actes qui n’ont pas mené à des accusations criminelles à la suite de l’intervention du cardinal de Montréal de cette époque.

Bien sûr, j’aurais pu choisir d’ignorer ce scandale parce que je ne suis pas catholique romain.  J’aurais pu dire que ce n’est pas notre problème.  Cependant, je crois qu’il faut attaquer ce problème de front, non pas pour casser du sucre sur le dos des catholiques, mais parce qu’aucune Église n’est épargnée par ce genre de scandales.  L’Église Unie du Canada est loin d’être meilleure que les autres.  Nous devons nous souvenir de cette phrase dans la Première Lettre de Paul aux Corinthiens : « si un membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance. »  La douleur entraînée par cette affaire affecte l’ensemble de la chrétienté, l’ensemble des croyants et des croyantes.

Encore une fois, plusieurs se demandent comment de telles choses ont pu se produire pendant une cinquantaine d’années.  Pourquoi personne n’a rien vu?  La vérité est que plusieurs étaient au courant, au point de tenter d’encadrer les actions de l’abbé Pierre.  Ces personnes ont cru que la protection de l’institution était plus importante que la mission de l’Église.  Protéger les vulnérables, aider les pauvres et traiter les marginaux avec dignité a toujours été notre fonds de commerce depuis les débuts du christianisme.  Normalement, nous nous attendons que l’institution joue un rôle de chien de garde pour sanctionner, voire expulser les personnes qui abusent des autres.  Malheureusement, certains dirigeants de l’Église choisissent de fermer les yeux ou de regarder sciemment de l’autre côté parce que la réputation et la gloire de quelques individus semblent rapporter davantage à court terme.  Trop souvent, des faits accablants sont rejetés du revers de la main et l’inacceptable est relativisé en raison de grands accomplissements faits par des vedettes médiatiques.  La célébrité semble leur accorder un sauf-conduit.

Et c’est ici que je reviens au texte d’évangile de ce soir.  Jésus et ses disciples reviennent d’une grande tournée au nord de la Galilée qui a attiré des foules.  Devant tout ce succès, les disciples ont commencé à croire que les accomplissements de leur maître rejaillissaient sur eux; ils étaient devenus des personnes importantes.  Une fois revenu à la maison, Jésus leur demande: « De quoi discutiez-vous en chemin? »  Il a surement dû entendre la conversation, mais il a décidé de jouer à l’innocent, un peu comme un parent avec son enfant.  Les disciples, un peu gênés, ont avoué qu’ils essaient de déterminer qui est le plus grand entre eux. Cette question est un peu ironique parce que quelques versets plus tôt, les disciples ont tenté de guérir sans succès un jeune garçon.  Cet épisode a démontré que sans leur maître, ils ne sont pas grand-chose.

Comme bien d’autres dont nous ne nommerons pas parce que la liste serait trop longue malheureusement, l’abbé Pierre a créé des œuvres importantes.  Les intentions derrière ces missions étaient très nobles.  Cependant, au moment où un disciple se pense plus important que son maître, les choses dérapent habituellement.  Lorsqu’une personne se nourrit d’honneurs, de pouvoir, de privilège et de traitements spéciaux, elle s’éloigne des enseignements de Jésus.  Quand les gens commencent à idéaliser une personne, il est facile de devenir collectivement aveugle.

Jésus a tenté d’expliquer ce principe à ces disciples en leur disant : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »  Souvent, l’humilité produit de bien meilleurs résultats que la quête du pouvoir et de la domination.  Pour appuyer son point, Jésus met un enfant au milieu de ses disciples et déclare : « Qui accueille en mon nom un enfant comme celui-là, m’accueille moi-même; et qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »  Plusieurs ont tendance à romantiser cette image en associant l’enfance à la pureté et l’innocence.  Cependant, le mot utilisé dans le texte en grec s’apparente à la notion d’esclave.  À cette époque, le statut social des enfants se situait au bas de la pyramide.  Être le dernier de tous et toutes est le modèle proposé par Jésus.

Après tous ces siècles qui nous séparent de lui, les croyants semblent toujours être à la recherche de personnalités plus grandes de nature qui incarnent un idéal de perfection.  Après tous ces siècles, nous sommes toujours à la recherche d’une certaine forme de gloire, de position privilégiée, d’honneurs et de reconnaissance publique.  Après tous ces siècles, nous utilisons notre humilité pour déclarer notre grandeur.  Nous sommes tellement convaincus de notre importance que nous refusons de confronter nos zones d’ombres personnelles et collectives.  Nous oublions que sans le Christ, nous ne sommes pas grand-chose.

Alors, doit-on continuer de parler de scandales dans l’Église comme celui de l’abbé Pierre?  Je crois que la réponse est simplement oui.  Nous devons nous rappeler que loin de la gloire, des honneurs ou des succès professionnels, nous sommes appelés à rechercher la grandeur dans le service et l’humilité.  Nous devons comprendre que nous sommes que des gens ordinaires aimés par un Dieu extraordinaire. Amen.