Paix possible dans notre monde?

image : Ingo Doerrie, pixabay.com

Esaïe 11, 1-10

Pour le meilleur ou pour le pire, nous sommes arrivés au moment de l’année où nous commençons à ressentir l’atmosphère du temps des fêtes.  Bien sûr, la musique de Noël joue dans les haut-parleurs de tous les magasins.  À l’extérieur, les premières chutes de neige font ressortir la présence de guirlandes de lumières dans les arbres.  À la maison, nous avons sorti nos décorations et décoré le sapin en famille.  J’ai même ressorti ma crèche de Noël qui me ramène 2000 ans en arrière, dans le petit village de Bethléem où un enfant promis par les prophètes est né dans des conditions précaires.  Je me rappelle des bergers venus l’adorer et le chœur des anges qui chantent durant cette sainte nuit : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur terre pour les hommes et les femmes de bonne volonté. »

Paix sur terre pour tous ses habitants…  Aujourd’hui, nous voulons désespérément croire en ces belles paroles inspirantes.  Cependant, il y a cette petite voix en nous (et dans mon cas, je dois avouer que c’est une très grosse voix cynique) qui dit : ben oui!  La paix sur terre!  En cette fin de 2024, ces mots manquent totalement de crédibilité.  Comment croire en la paix après plus de 1000 jours de guerre entre la Russie et l’Ukraine? Comment croire en la paix quand les bombardements au Proche-Orient s’étendent sur plusieurs fronts à la fois?  Comment croire en la paix quand des hommes, des femmes et des enfants innocents meurent dans l’indifférence totale?  Dans ce nouveau normal, la paix est devenue une histoire que l’on raconte aux enfants; un rêve illusoire mentionné pendant les conférences internationales; un espoir vidé de son sens.

Le texte d’aujourd’hui, tiré du livre du prophète Ésaïe, débute en mentionnant qu’un rameau sort du vieux tronc de Jessé, une nouvelle pousse sort de ses racines.  L’image employée n’est pas anodine.  Durant une époque de terreur, d’injustice et d’oppression, le peuple de Dieu avait perdu toute forme d’espoir.  Le Seigneur avait peut-être été présent dans le passé pour leurs ancêtres, mais personne de sensé à cette époque ne pouvait imaginer que Dieu était toujours présent parmi eux pour les aider à construire un meilleur futur.  Le peuple avait l’impression d’être mort comme une souche, comme un vieux tronc desséché.  Les racines étaient peut-être encore solidement ancrées dans la terre, mais il ne restait rien à voir au-dessus du sol.

C’est dans ce contexte que le prophète s’est levé et a rappelé à son peuple quelque chose que nous avons déjà vu.  Même la plus vieille souche est rarement complètement morte.  Ce qui apparaît mort, abandonné, et fini pour toujours, peut voir émerger des signes de nouvelle vie.  De nouvelles pousses trouvent moyen de sortir du vieux tronc.  L’espoir se faufile dans les espaces souvent les plus insoupçonnées.

Le prophète parle à son peuple d’une nouvelle création.  Ceux et celles qui s’affrontaient auparavant pourront dorénavant coexister harmonieusement.  « Alors le loup séjournera avec l’agneau, la panthère se couchera près du chevreau.  Le veau et le lionceau se nourriront ensemble et un petit garçon les conduira.  La vache et l’ourse se lieront d’amitié, leurs petits seront couchés côte à côte.  Le lion, comme le bœuf, mangera du fourrage. »  Le prophète proclame la fin des conflits et des guerres.  Les murs qui nous divisent tomberont une fois pour toutes.

Pendant des moments apparaissant sans espoir, le prophète ose affirmer avec audace une vision d’un monde basé sur la justice pour les plus vulnérables, les sans voix et les marginalisés de notre monde.  Il promet l’arrivée d’un temps dans lequel les pauvres recevront leur juste part.  Le prophète déclare à son peuple que malgré tous les signes négatifs autour d’eux, ils et elles ne doivent pas désespérer.  La justice sur le point d’arriver.  La délivrance sur le point d’arriver.  La paix sur le point d’arriver.

Cette vision offerte par le prophète est superbe.  Cependant, l’enseignement que nous avons reçu depuis notre jeunesse nous a présenté une autre réalité.  Nous avons appris que dans l’ordre normal des choses les gros mangent les petits, pas l’inverse.  Ceux et celles qui sont les mieux équipés et les mieux nantis ont les meilleures chances de survie.  Les personnes gentilles et les généreuses ne gagnent jamais au grand jeu de la vie.  C’est plate, mais c’est comme ça que le monde est fait et personne ne peut changer cette réalité. 

Et pourtant, le prophète présente, selon les mots du théologien Walter Brueggemann, l’impossible possibilité d’une nouvelle création.  Malgré tous les signes extérieurs et tous les enseignements que nous avons reçus, Dieu ne nous a pas oubliés ou abandonnés.  En fait, Dieu continue à nous inviter à trouver de nouvelles manières de gérer nos conflits pour mettre fin à nos hostilités.  Dieu nous appelle à avoir le courage et l’humilité d’amorcer des processus de réconciliation avec nos adversaires.  Dieu nous met au défi de croire en un rêve un peu fou d’une paix pour toutes les personnes de notre monde.  

Malgré les probabilités d’échec, les oiseaux de malheur ou les pessimistes qui nous rappellent constamment l’ordre des choses, la paix demeure toujours une réalité atteignable dans nos vies.  Chaque fois que nous partageons avec notre prochain, chaque fois que nous sourions à un étranger, chaque fois que nous nous soucions du bien-être de notre voisin, chaque fois que nous tendons la main à un ami, les mots du prophète deviennent réalité.  Ce n’est peut-être pas spectaculaire, mais cette paix devient visible et concrète pour ceux et celles qui veulent la voir.

Selon le prophète Ésaïe, la violence, la peur et la haine de notre monde ne sont pas des fatalités.  Comme un nouveau rameau fragile peut pousser d’un vieux tronc qui paraissait mort, l’espoir existe même dans les pires moments.  Plus qu’un simple rêve romantique, cette vision débute par nos choix et nos actions qui proclament que Dieu ne nous a pas abandonnés.  Oui, la paix est réellement possible pour tous les hommes et les femmes de bonne volonté.  Amen.