Matthieu 15 : 21-28 – 16 août 2020
Nous avons tous et toutes de mauvaises journées. Parfois, c’est dû à un manque de sommeil, le stress relié au travail ou l’épuisement mental en raison de la pandémie. Ces jours-là, on fait moins attention. On s’échappe. On dit des mots que l’on regrette immédiatement. Sans trop y penser, on prononce des commentaires désobligeants, des blagues sexistes ou peut-être même des remarques homophobes. On répète des clichés et des stéréotypes appris dans notre jeunesse ou véhiculés par le reste de notre société. On commence des phrases par : « Je ne veux pas être raciste, mais… » En passant, il n’y a jamais rien eu de bon dans l’histoire humanité qui a suivi ces sept mots.
Dans le texte de ce soir, Jésus semble avoir une de ces mauvaises journées. Il ne se comporte pas nécessairement comme on espérerait. On ne sait pas s’il était épuisé, fatigué de toujours guérir des malades partout où il allait ou en avait jusque là des problèmes des autres, mais Jésus semble manquer de compassion en répondant rudement à une femme cananéenne.
Un des grands principes du christianisme est que Jésus était pleinement divin et pleinement humain. Si on n’est pas trop certains de pleinement comprendre comment tout çà pouvait fonctionner, plusieurs d’entre nous apprécient cette idée que Jésus était un humain; un homme qui a aimé, ri et eu de la peine. Notre messie est une personne approchable, l’un de nous à qui on peut s’identifier. Mais lorsqu’il semble manifester un côté humain un peu moins intéressant, on ne sait pas trop comment réagir. On ressent un petit malaise. On n’aime pas que Jésus fasse des erreurs ou ne dise pas les bonnes choses au bon moment. On veut qu’il soit un être humain parfait selon nos standards.
Tout ça rend le texte de ce soir difficile. Jésus et ses disciples étaient dans la région proche des villes de Tyr et Sidon, un territoire hors de la Galilée et qui n’est pas peuplé par des Juifs. Les Cananéens et les Galiléens étaient voisins, mais disons qu’ils n’étaient pas nécessairement les meilleurs amis. Imaginez la relation entre les Québécois et les Ontariens. Nos amis s’occupaient à leurs petites affaires lorsqu’une femme cananéenne interpelle Jésus en lui disant : « Maître, Fils de David, aie pitié de moi! Ma fille est tourmentée par un esprit mauvais, elle va très mal! »
Si nous sommes habitués au fait que les disciples voulaient toujours renvoyer les personnes qui semblaient importuner leur maître, la réponse de Jésus a de quoi nous surprendre. Essentiellement, il dit à la femme cananéenne : « Je voudrais bien t’aider, mais je dois m’occuper des brebis perdues du peuple d’Israël. Je ne peux pas négliger ma mission pour m’occuper de toi. Je suis occupé. Mon temps est limité. Je ne peux pas m’égarer de mon chemin. Je dois éviter les distractions et conserver mon focus sur les gens de mon peuple. » Mais la femme cananéenne n’était pas du genre à accepter une telle réponse. Elle revient à la charge. Elle implore Jésus. Elle le provoque. Elle lui rappelle qu’elle existe. Elle mérite son attention. Elle est tout aussi importante que les autres.
Je suis trop occupé! Attendez encore un peu! Ce n’est pas le meilleur temps pour faire des changements! Réglons d’abord les cas de la pandémie et de la crise économique actuelle avant d’aborder un autre problème! Nous sommes toutes et tous remplis de bonnes intentions, mais trop souvent nous voulons procéder selon notre calendrier, nos normes ou notre niveau de confort. La conséquence de ce penchant est que nous développons des angles morts. Volontairement ou non, nous ne voyons pas la souffrance et le désespoir des gens parfois tout près de nous. Nous nous contentons de déclaration de principes qui ne veulent rien dire. Nous hiérarchisons ceux et celles qui méritent notre attention. Et lorsque les personnes des communautés LGBTQ2+, les militants de Black Lives Matters, les Autochtones ou les Cananéennes de notre monde viennent frapper à notre porte à un moment que nous n’avons pas choisi pour nous dire qu’il y a un problème et qu’il fait agir maintenant, qu’est-ce qu’on entend le plus souvent? Oh, non! Pas encore eux. Ils ne sont jamais satisfaits. Je ne suis pas raciste, mais…
C’est tellement difficile de prendre réellement conscience de nos privilèges, de déconstruire les préjugés que l’on traine avec nous consciemment ou non et de comprendre que toutes et tous ne jouissent pas des mêmes avantages dans la vie. Par sa détermination, la femme cananéenne rappelle à Jésus de vivre dans un esprit d’abondance. Son réservoir de compassion et d’amour n’est pas limité. De la même façon, nous sommes tous et toutes appelés à être plus attentifs aux conditions de vie de celles et ceux qui sont trop souvent invisibles dans nos sociétés, à élargir nos horizons et à abattre les barrières qui nous séparent. Nous sommes mis au défi d’inclure au lieu d’exclure. Nous sommes invités à découvrir que d’accorder plus droits et de privilèges à autrui ne nous enlève strictement rien. Nous sommes amenés à nous souvenir qu’aucune croissance n’est possible sans admettre honnêtement nos erreurs et tenter d’apprendre d’elles.
Le texte de ce soir nous confronte encore une fois aux divisions purement artificielles créées par les êtres humains. Nous pouvons faire semblant de ne pas les voir. Nous pouvons les ignorer. Nous pouvons même répéter clichés et stéréotypes véhiculés un peu partout dans notre société. Ou nous pouvons suivre l’exemple de Jésus qui malgré son erreur, a été capable d’écouter, d’apprendre et de grandir. Nous pouvons tous et toutes changer comme Jésus a été capable de le faire, même durant une de ces mauvaises journées. Amen.