Vivre avec l’ambiguïté

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Jean 10, 22-38

29 avril 2025 – Cette date marquait le début de la fin de mon stage à l’Église Unie Saint-Pierre. L’entrevue, la dernière que le Bureau de la vocation m’a accordée ce jour-là, a confirmé ma consécration à venir comme pasteur. Je l’ai vécu comme une ouverture qui a laissé la lumière entrer dans une situation qui restait toujours un peu imprévisible.

Lors de ces deux heures d’échange, on m’a posé toutes sortes de questions auxquelles j’ai répondu du mieux possible. Certaines étaient à propos de moi, à propos de vous, mais aussi à propos de Dieu. Bien sûr je m’y attendais. Je me considérais en terrain connu sachant que les entrevues précédentes ont été pour moi relativement aisées.

Pourtant, je ne m’attendais pas du tout à avoir une de ces frousses. Imaginez-vous donc que, dans la plus pure tradition de l’Église Unie, on m’a demandé d’expliquer la Trinité selon ma théologie et celle de notre confession de foi.

Panique – Ais-je besoin de vous dire que j’ai fondu sur ma chaise ? « Explique-moi la Trinité. Pour toi, qui est Jésus en relation avec Dieu ? » Voilà le genre de questions qui pourrait mettre mal à l’aise bien des croyants !

On a beau chanter à tue-tête de beaux cantiques qui font référence au Père, au Fils et au Saint esprit, reste qu’expliquer cet aspect de l’identité de Jésus n’est pas chose simple. Croyez-moi, bien que je ne suis pas étranger au concept de Trinité, je me suis senti tout d’un coup dans l’inconnu. Que dire ? Est-ce que ma réponse allait plaire au comité ?

Dans des moments de panique comme celui-ci, dans des moments de transitions comme nous vivons en ce moment à Saint-Pierre, Dieu fait pourtant bien les choses. Comme vous l’avez remarqué, le lectionnaire nous a proposé ce dimanche une lecture qui aborde en plein dans le mille ce sujet si embarrassant. Déjà au temps de Jésus, la question de son identité dérangeait et ce n’est pas sans raison que les chefs religieux voulaient une réponse.

« Jusqu’à quand vas-tu nous tenir en suspens ? demandent-ils. Si tu es le Messie, dis-le-nous ouvertement ! »

Malheureusement pour les chefs religieux de l’époque comme pour nous, Jésus ne répond pas directement aux questions qu’on lui pose. Plutôt que de donner une explication qui règle le sujet une bonne fois pour toutes, il s’exprime plutôt avec une certaine ambiguïté qui a déplu à nombre de ses contemporains… et qui pourrait aussi, ma foi, nous déplaire.

Après tout, qui aime vivre dans l’inconnu et jongler avec de l’ambiguïté ? Dieu sait que, à l’occasion, nous, chrétiens et chrétiennes, sommes parfois mal à l’aise devant l’incertitude, et ce, surtout lorsqu’il est question de notre foi.

Certains diraient avec conviction que Jésus est Seigneur et Dieu incarné dans leur confession de foi. Et pourtant, voilà que Jésus nuancerait peut-être cette affirmation en répondant que, finalement, les êtres humains à qui est adressée la Parole sont des dieux (Jean 10, 34). D’autres, assumant leur théologie, font de Jésus un simple être humain qui enseigne la sagesse. Encore là, Jésus pourrait répondre une autre ambiguïté comme quoi lui et le Père sont un (Jean 10, 30).

Bien entendu, dis-je à mes évaluateurs en essayant de jongler avec les concepts, moi et l’Église Unie partageons une posture trinitaire, quoiqu’ouverte dans son interprétation. Nous nous réclamons d’un être humain qui a révélé Dieu dans une telle complexité que nous cherchons encore aujourd’hui à savoir qui il est et ce qu’il veut accomplir dans le long terme. Tout est ambiguïté.

Jésus est et n’est pas Dieu; il est ce rocher sur lequel on s’appuie, mais qui, comme submergé dans l’eau, nous apparaît difficile à saisir dans sa forme exacte. Voyez-vous, en prenant compte des affirmations de Jésus ainsi que les prophéties d’autrefois comme celle d’Ésaïe que nous avons entendue, il semble que l’ambiguïté fasse partie intégrale de la foi chrétienne.

Dire qui est Jésus très exactement, nous ne pouvons pas le faire par nos propres moyens. Nous pouvons contempler les œuvres dont Jésus parle et qui se manifestent tout autour de nous, mais notre intelligence ne peut pas aller autrement qu’à tâtons.

L’identité exacte de Jésus tout comme l’avenir ne nous sont connus que partiellement. C’est une longue digression que je viens de faire, mais c’est pour vous exprimer mon intuition à savoir que, ultimement, ce passage biblique peut être interprété comme une parabole de nos vies.

Quoique nous pouvons – comme les chefs religieux – détester l’inconnu et être irrités par l’ambiguïté, les Écritures nous invitent toutefois à persévérer dans la recherche et la confiance. Frères et sœurs, n’y a-t-il pas plus actuel pour nous tous qui traversons des temps inconnus ? Des réponses certaines, il faut faire notre deuil. Nous n’avons pas d’autres choix que d’aller de l’avant en examinant les signes, quitte à faire le saut de l’ange.

Nous ne pourrons jamais élucider l’identité de Jésus avec certitude ni connaître les plans exacts de Dieu si ce n’est qu’au jour de gloire où le Seigneur retirera le voile de nos yeux. Ce n’est qu’à ce moment-là où nous verrons Dieu face à face que les œuvres passées et celles présentes feront complètement sens.

D’ici là, espérons et gardons confiance. Apprêtons-nous à naviguer dans l’ambiguïté et à apprivoiser l’inconnu qui ne sont, au final, qu’une porte ouverte sur plus grand que soi. Dieu nous aide à avancer avec patiente et prudence sur la route qui nous est proposée. Nos questions sont essentielles, mais les réponses peuvent attendre, car ce qui importe est avant tout la gloire de Dieu et la réalisation de ses plans à travers nous.

Amen


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