Sermon – Matthieu 20: 1-16 – 20 septembre 2020
Le texte de ce soir m’a fait penser à la problématique de la pauvreté dans notre société. Souvent, quand ce sujet est abordé, il y a toujours quelqu’un pour dire que si les pauvres veulent plus d’argent, ils n’ont qu’à faire comme nous et travailler fort. On ne devrait pas payer les gens à ne rien faire. À moins d’exceptions extraordinaires, tous et toutes devraient avoir un emploi ou en rechercher un activement parce que le travail est plus qu’un gagne-pain; c’est une question de dignité.
Au mois de mars dernier, le gouvernement fédéral a créé la prestation canadienne d’urgence (la célèbre PCU) pour aider les personnes qui ont perdu leur emploi en raison de la pandémie. Presque immédiatement, plusieurs ont crié au scandale. Pourquoi donner $2000 par mois pour demeurer à la maison lorsque certaines personnes gagnent moins en travaillant à temps partiel au salaire minimum? Ce n’est pas juste. Ce programme n’incite pas les chômeurs à se retrouver un emploi. Le gouvernement n’a pas les moyens de dépenser plus de 71 milliards de dollars de cette manière.
Peut-être… Je ne suis pas un économiste. Je ne possède pas toutes connaissances pour analyser exhaustivement la PCU. Cependant, je suis convaincu que personne ne nage dans le luxe avec un revenu annuel de $24 000 imposable. Je crois aussi que la dignité d’un être humain ne devrait pas être subordonnée à une logique capitaliste qui exploite et jette les personnes une fois épuisées. Tous et toutes devraient être considérés comme dignes qu’ils ou elles aient un emploi ou non. Et finalement, j’aimerais que l’on discute quelles fois des coûts de la pauvreté pour nos gouvernements et notre société ? Quel est le coût d’une personne qui est hospitalisée parce qu’elle n’a pas les moyens de payer ses médicaments? Quel est le coût d’un prisonnier enfermé pour vol parce qu’il n’avait pas accès à un service de désintoxication? En fait, je me demande pourquoi dans un pays riche comme le Canada c’est une idée folle de penser à un mécanisme qui assurerait à tous et toutes le minimum afin de survivre.
Dans l’évangile selon Matthieu, Jésus tente encore une fois d’expliquer le Royaume des cieux en racontant la parabole des ouvriers dans la vigne. Un propriétaire avait besoin de main d’œuvre pour travailler dans sa vigne. Très tôt le matin il engagea des ouvriers pour la journée en échange d’une pièce d’argent. Il retourna sur la place à 9 heures, à midi, à 3 heures et à 5 heures du soir pour recruter d’autres personnes. À la fin de la journée, le propriétaire paya ses employés, en commençant par les derniers appelés. Il donna une pièce d’argent à chaque ouvrier embauché à 5 heures du soir. Évidemment, les premiers engagés pensaient recevoir un peu plus, un petit bonus, en raison des efforts supplémentaires effectués durant toute la journée. Mais ils reçoivent exactement le montant promis : une pièce d’argent. Devant la grogne des ouvriers se plaignant de cette absence d’équité, le propriétaire répondit qu’il a respecté l’entente et qu’il était libre d’utiliser son argent comme bon lui semble.
Pour plusieurs, cette histoire est problématique parce que le propriétaire de cette parabole est associé à Dieu et Dieu ne peut pas être profondément injuste. Dieu ne devrait pas récompenser ceux et celles qui se contentent de faire le minimum. Les paresseux, les négligents et les opportunistes ne devraient pas pouvoir arriver à la dernière seconde et recevoir leur part du gâteau. Sinon, à quoi sert tout le travail que l’on a accompli? Pourquoi devrons-nous faire des efforts si on peut s’en tirer en se la coulant douce?
Le principal problème avec ce type de raisonnement est que le Royaume des cieux n’est pas soumis à nos standards humains d’efficacité et de proportionnalité. Dieu manifeste sa justesse dans sa générosité infinie. Comme le propriétaire de la vigne, le Seigneur désire être équitable en offrant à tous et à toutes ce qui est nécessaire pour vivre. Le bien-être de chacun et chacune est important, peu importe s’il ou elle a été recruté au petit matin ou à 5 heures de l’après-midi.
Nous sommes tous et toutes différents. Nous n’avons pas les mêmes capacités, facultés, parcours ou expériences de vie. Nous ne devrions pas juger les personnes selon les résultats à la fin d’une journée. Il y a de multiples raisons expliquant pourquoi une personne n’a toujours pas été embouchée à 5 heures de soir. Plusieurs d’entre elles sont indépendantes de notre volonté. Heureusement, dans un monde qui valorise l’effort et la productivité, nous pouvons nous réjouir parce que Dieu refuse de nous juger ces standards humains. Dieu veut simplement accueillir ceux et celles qui désirent partager sa vie et travailler pour son Royaume. Dieu veut nous rappeler que nous sommes tous et toutes dignes. Nous sommes tous et toutes importants.
Je ne sais pas comment établir un programme de revenu garanti universel. Je ne sais pas quels seraient les coûts d’un tel projet. Je crois seulement que nous sommes appelés à repenser les notions de justice et d’équité dans notre société. À quoi ressemblerait notre monde si nous accordions de l’importance à tous et toutes sans exception? Que pouvons-nous faire pour les gens qui travaillent fort et ceux et celles qui semblent se joindre à la dernière minute aient ce qu’il faut pour survivre? Sommes-nous capables de suivre l’exemple de Dieu et d’accorder la même dignité à toutes et tous? Amen.