Comment se réconcilier avec quelqu’un? (sermon)
Matthieu 18 : 15-20
Là où deux ou trois se trouvent réunis en mon nom… la chicane peut prendre très facilement. Les gens imaginent souvent les communautés de foi comme des regroupements de personnes vivant en harmonie et unies par une même foi et des valeurs similaires. Malheureusement, ce n’est pas vrai. Nous avons notre lot de drame et de crises parce que nos Églises sont composées d’êtres humains remplis de belles qualités et aussi d’imperfections. Les conflits peuvent aller de la gestion de l’argent jusqu’à des histoires apparemment plus triviales comme qui achète les fleurs pour décorer la table de communion ou la couleur des murs dans la salle pour les enfants. J’aimerais vous dire que j’exagère, mais non! Ce genre de problème est tellement présent qu’à chaque entrevue pour un poste de pasteur, on m’a demandé comment j’ai géré les conflits dans le passé, comme si ce genre de chose pouvait se régler à grands coups de sermons ou de prières.
Alors, que devrions-nous faire dans des situations de conflits à l’intérieur de nos Églises? Certaines personnes affirment que le texte d’aujourd’hui tiré de l’évangile selon Matthieu est le mode d’emploi. Le processus comporte trois étapes simples. D’abord, si ton frère ou ta sœur a péché, va le trouver et fais-lui tes reproches seul à seul. Si la personne t’écoute et te donne raison, tout va bien. Si cela ne fonctionne pas, il faut passer à la deuxième étape. Amène une ou deux autres personnes de confiance pour t’aider à raisonner la personne. Si la personne résiste toujours, il faut passer à la troisième étape. Expose ton grief devant l’ensemble des membres de l’Église. À ce moment, si la personne refuse d’écouter, l’assemblée a le pouvoir de couper les liens avec elle.
Malheureusement, ce processus a été trop souvent abusé au cours des siècles. D’abord, qu’est-ce qu’un péché? Le péché pour l’un ne l’est pas nécessairement pour l’autre. Est-ce qu’une jupe trop courte, certaines pratiques sexuelles ou un régime alimentaire spécifique peuvent être considérés comme un péché? Ensuite, qui décide où se situe la ligne? Est-ce une série d’individus qui se regroupe pour discipliner et exclure les éléments récalcitrants? Est-ce une seule personne possédant une autorité morale? Comment devons-nous faire la part des choses?
Pour mieux comprendre le passage de ce soir, je crois qu’il faut le remettre dans son contexte. Le chapitre 18 de Matthieu débute par les disciples se demandant qui sera le plus grand au royaume des cieux. Jésus leur répond en plaçant un enfant au milieu d’eux et les invitant à devenir comme lui. Ensuite, Jésus raconte la parabole de la brebis égarée. Cette histoire ne critique pas la brebis pour avoir perdu son chemin. Le berger ne lui donne pas trois chances pour réintégrer le troupeau avant de la chasser pour toujours. Le berger est plutôt prêt à tout abandonner pour aller à sa recherche afin de la réintégrer au troupeau. Après notre passage, Pierre demande combien de fois il faut pardonner à un frère ou une sœur qui a commis une faute à son égard. Quelle est la réponse de Jésus? Soixante-dix fois sept ou soixante-dix-sept fois sept, selon la traduction de la Bible.
Je ne crois pas qu’il faille voir ce texte comme une méthode disciplinaire, mais plutôt une invitation à la réconciliation. Les êtres humains commettront toujours des erreurs plus ou moins graves. Dans ces situations, nous sommes invités à faire les premiers pas, à initier la conversation, à essayer de réparer ce qui a été brisé. Si le processus ne fonctionne pas la première fois, peut-être l’aide d’autres personnes avec d’autres mots ou d’autres explications parviendra à atteindre l’objectif.
Évidemment, dans ce processus, il est toujours plus facile de nous imaginer comme la personne qui tente la réconciliation plutôt que celle qui a causé du tort, volontairement ou non. Nous ne voulons pas perdre la face ou nous retrouver dans une situation embarrassante. Cependant, nous sommes invités à une certaine forme d’humilité. Le plus grand ou la plus grande est la personne capable de vulnérabilité. La protection des plus petits doit toujours avoir la préséance sur à qui est la faute ou qui a commencé? Une personne lésée doit avoir le droit d’être entendue et la personne qui a commis la faute doit se faire offrir la possibilité de se réconcilier.
Bien sûr, tout ceci n’est pas facile dans nos Églises et nos communautés de foi. Il est toujours plus facile de croire que la bible apporte des réponses claires et précises que d’essayer d’amorcer des discussions difficiles qui ne garantissent pas des résultats rapides. Il est plus facile de balayer les problèmes sous le tapis jusqu’au moment où ils deviennent de grandes crises. Il est plus facile de donner toute l’autorité à une ou deux personnes et de se décharger de nos responsabilités. Cependant, si nous sommes incapables de nous regarder honnêtement dans le miroir, si nous sommes incapables de travailler pour protéger les plus vulnérables, si nous sommes incapables de pardonner, nous ne pouvons pas être le corps du Christ. Nous ne pouvons pas répondre à l’appel que nous avons reçu. Nous ne pouvons pas être l’Église de Dieu sur terre.
Malgré toute notre bonne volonté, aucune communauté de foi chrétienne composée d’êtres humains n’est à l’abri des conflits. Néanmoins, si nous sommes prêts à être honnête, à reconnaître nos torts et à pardonner, nous pouvons nous rapprocher de l’idéal auquel Jésus nous appelle. Nous ne sommes pas appelés à discipliner notre prochain, mais à nous réconcilier avec lui ou elle. Amen.
*Alan Hendry, unsplash.com