Comment se remettre d’un scandale?

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Actes 1 : 15 – 17, 21-26

Il y a quelques mois, j’ai enregistré un épisode de podcast avec Joan Charras-Sancho qui s’intitule : Pourquoi les Églises tolèrent-elles les abus?  L’une des premières affirmations que nous avons voulu faire est qu’il n’y a aucune Église à l’abri de scandales de toutes sortes.  Je ne crois pas que je doive nommer de cas spécifiques ce soir.  Vous avez surement tous et toutes entendu des histoires d’inconduites sexuelles, de détournements de fonds ou du célèbre « faites ce que je dis, mais surtout pas ce que je fais. »  Devant ces comportements inacceptables, plusieurs croyants se sentent trahis.  Ces personnes perdent souvent confiance envers une institution qui a joué un rôle important dans leur vie.  Elles se demandent pourquoi elles n’ont rien remarqué avant.  Se sont-elles fermé les yeux pour ne pas voir la vérité?  Comment vont-elles pouvoir se relever après un épisode aussi douloureux?

Ce genre de sentiments devaient surement habiter les premiers disciples de Jésus après les événements de la semaine sainte.  Comme les autres, Judas avait été choisi par Jésus.  Il a suivi le maître de village en village.  Il a écouté ses enseignements.  Alors, comment l’un des leurs a-t-il pu livrer Jésus à ses ennemis?  Qui sera le prochain à trahir le groupe?  Comment le mouvement initié par Jésus peut-il continuer si tous et toutes doivent se méfier les uns les autres?  Quelle crédibilité les disciples auront-ils si l’un de ses membres s’est comporté comme un vulgaire criminel?

L’extrait d’aujourd’hui est situé au début du livre des Actes des Apôtres, tout juste après l’ascension du Christ ressuscité.  Les disciples sont retournés à leur quartier général à Jérusalem pour attendre la réalisation de la promesse de l’envoi de l’Esprit saint.  Après un certain temps, le texte ne nous donne pas de marqueur de temps plus précis, le groupe décide que le moment est venu de structurer leur existence collective sans leur maître.  Malgré la joie procurée par la bonne nouvelle de la résurrection, le premier point à ordre du jour est la question de Judas.  Que pouvaient-ils faire pour se relever de ce scandale? 

Même si nous n’avons pas nécessairement vécu un événement aussi catastrophique, nous pouvons comprendre l’état d’esprit des disciples.  Dans ces situations, nous ne voulons pas ressasser le passé inutilement.  Nous désirons avancer, quitte à pelleter les problèmes vers l’avant ou balayer les problèmes sous le tapis.  Par exemple, lorsqu’une pasteure décide de quitter sa communauté à la suite d’un conflit, le premier réflexe est souvent de trouver un remplaçant le plus rapidement possible. N’importe qui a un pouls va faire l’affaire.  Parfois, ce procédé fonctionne.  Parfois, mais pas souvent parce que toutes les rancœurs et les frustrations demeurent au sein du groupe.  Rien n’est réglé.  La meilleure solution est habituellement un exercice de discernement, aussi difficile que cela puisse être.  Les membres du groupe doivent avoir le courage de dire les choses honnêtement.  Ils doivent se poser des questions difficiles tout en évitant de blâmer les autres.  L’objectif de cette démarche est d’identifier les valeurs de base qui sont censées unir le groupe avant de passer à la prochaine étape.

À la suite de moments de prière, Pierre choisit d’aborder la situation qui hantait l’esprit de tous et toutes.  Devant un groupe composé de 120 personnes… si vous me permettez une petite parenthèse ici.  Ce chiffre n’est pas anodin.  Cent vingt peut être divisé par 12, un nombre symbolique important dans la Bible, comme les 12 tributs d’Israël par exemple.  Pierre se lève au milieu de 120 personnes et leur annonce que cet événement malheureux est l’accomplissement de prédictions annoncées dans le Premier Testament.  Judas était prédestiné à jouer ce rôle dans la grande saga du peuple de Dieu.  Je vous laisse décider si cet argument vous convainc ou pas. 

Après cette explication, les disciples décident de remplacer Judas.  Rien ne leur y forçait, mais ils désiraient quand même désigner, parmi le groupe de 120 personnes, un douzième apôtre… 12 comme les douze tributs d’Israël…  Pour effectuer leur choix, ils décident de revenir à la base de leur mouvement.  Le nouvel apôtre doit avoir accompagné Jésus tout au long de son ministère sur terre, incluant sa mort et sa résurrection.  Une courte liste est créée.  Ils prient ensemble.  Ils tirent au sort et Matthias est désigné.  Ce processus de sélection peut en faire sourciller plusieurs aujourd’hui.  Je ne crois pas que le choix des membres de nos conseils de paroisses pourrait se faire de cette manière.  Cependant, à cette époque, plusieurs croyaient que ce procédé permettait de révéler de la volonté de Dieu.  Alors, au 26e verset du premier chapitre des Actes des Apôtres, Matthias devient le douzième apôtre avant de complètement disparaître du reste de la Bible.  En fait, le rôle des douze apôtres rétrécit progressivement au fur et à mesure que le mouvement de Jésus s’étend à l’extérieur de Jérusalem.  

Le processus de guérison initié par Pierre dans l’extrait d’aujourd’hui a permis aux membres du groupe de trouver un second souffle et de s’ouvrir à une grande quantité de nouvelles personnes animées par un fort sentiment missionnaire.  Nous pouvons penser à Barnabé, Étienne, Tabitha, Lydie, Priscilla et tant d’autres que les textes bibliques n’ont pas retenu les noms.  Malgré le scandale de la trahison de Judas, des croyants de tous les âges, genres, origines et conditions sociales ont voulu quand même participer à la construction du Royaume de Dieu.  Leur mission commune est devenue plus grande qu’un simple événement, aussi pénible qu’il soit.

Comment les personnes ou les communautés peuvent-elles se relever après un événement dramatique? À la suite de la trahison de Judas, les disciples de Jésus n’ont pas tenté de nier le problème ou d’étouffer l’affaire.  Ils ont plutôt eu le courage d’aborder le sujet de front afin d’amorcer un processus de guérison. Hier comme aujourd’hui, l’honnêteté et le discernement demeurent les meilleurs outils pour affronter un scandale. Amen.