Doit-on toujours obéir à Dieu? (sermon)
Genèse 22 : 1-13
Même si Abraham est considéré comme le patriarche de trois grandes religions monothéistes, je ne crois pas qu’il pourrait remporter le titre du père de l’année. La semaine dernière, nous avons vu qu’il a envoyé son fils aîné, Ismaël, mourir dans le désert avec sa mère pour une histoire de chicane d’héritage. Cette semaine, c’est au tour d’Isaac d’être la victime de ses actions et choix discutables.
Au début de notre passage tiré du chapitre 22 du livre de la Genèse, nous pouvons lire : « Par la suite, Dieu mit Abraham à l’épreuve. » Le Seigneur lui demande de prendre son fils Isaac, le dernier qui lui reste, d’aller sur une montagne distante et de le tuer en guise de sacrifice. Devant cette demande horrible, Abraham ne pose aucune question. Il ne manifeste pas sa désapprobation. Il ne tente pas de négocier avec Dieu. Il part le lendemain avec son fils. Quand Isaac lui demande quel sera l’objet du sacrifice, Abraham lui répond de ne pas s’inquiéter; tout va bien aller. Arrivé à destination, il attache son fils, lève le bras pour l’égorger, mais il est arrêté par un ange du Seigneur à la dernière seconde. Abraham lève les yeux, aperçoit un bélier et le sacrifie à la place d’Isaac.
Au cours des siècles, plusieurs interprétations ont été offertes pour expliquer cette histoire biblique particulièrement dérangeante. Certains théologiens chrétiens, comme saint Augustin par exemple, établissent un lien avec la crucifixion de Jésus : le Père qui sacrifie son fils unique, Isaac qui transporte le bois de son sacrifice comme Jésus et sa croix… D’autres voient dans ce passage une transition dans les pratiques culturelles et religieuses. Plusieurs autres peuples de cette époque pratiquaient le sacrifice du premier enfant mâle aux dieux. Ce récit marquerait le passage aux sacrifices des animaux par les israélites. Enfin, nous ne pouvons pas exclure qu’Abraham, qui avançait en âge, puisse avoir entendu des voix dans sa tête, être victime d’une hallucination ou d’une intervention démonique, comme Jésus dans le désert.
Cependant, l’interprétation la plus commune de ce texte repose sur l’idée de l’obéissance d’Abraham. Son amour et sa confiance en Dieu si totale, qu’il est prêt à mettre son avenir en jeu en commettant l’inimaginable. Abraham est un fidèle serviteur qui ne peut rien refuser à Dieu. Cette interprétation influence le discours que nous pouvons entendre aujourd’hui dans nos Églises. Régulièrement, nous sommes appelés à sortir de zones de confort suivre Dieu. Nous sommes appelés à tout sacrifier pour l’accomplissement du plan de Dieu. Nous sommes appelés à croire que Dieu trouve toujours moyen de pouvoir lors des situations les plus désespérées.
Personnellement, j’ai beaucoup de difficultés avec cette idée d’un test d’obéissance parce que cela entre en contradiction avec ma compréhension de Dieu. Comment peut-on croire en un Dieu qui accepte de mettre la vie d’un enfant en danger? Comment peut-on louer un Dieu qui traumatise volontairement un être humain pour le reste de sa vie pour satisfaire ses doutes? Comment peut-on suivre un Dieu qui semble renier sa promesse afin de vérifier la loyauté d’une personne? Le zèle religieux demandé à Abraham, l’appel à aller jusqu’au bout au nom de la foi, n’est pas si différent de celui des terroristes qui commettent des attentats au nom de la défense de leur foi… ou de leur vision de la foi pour être plus précis. Je ne crois pas que Dieu n’est pas un être suprême capricieux qui réclame régulièrement une quantité de sang et de chairs humains pour calmer sa colère. Dieu est amour. Lorsque nous égarons de cette compréhension, nous perdons de vue toutes les promesses et les alliances conclues avec l’humanité. Nous nous éloignons de ce rêve d’un monde meilleur que nous appelons le Royaume de Dieu.
Obéir aveuglément aux directives émises par des leaders religieux ou des dictats de la foi ne devrait jamais avoir préséance sur la bonté de Dieu. Peut-être que l’ange du Seigneur interpelle et arrête Abraham parce qu’il s’apprête à commettre un acte contraire au message du Seigneur. De la même manière, nous devrions toujours questionner, remettre en question et même nous opposer à tout ce qui cause de la souffrance inutilement. Nous devons combattre un système qui exploite le bien-être des enfants et les sacrifiant à l’autel du capitalisme. Nous devons dénoncer les conditions sociales qui contribuent à la faim, l’itinérance et la violence dans nos communautés. Nous devons rejeter l’idée qu’il est acceptable d’exclure des personnes sur des bases de maladies, orientation sexuelle ou d’origines ethniques et culturelles. Nous devons répudier une forme de christianisme toxique où le respect de la loi, et la lecture des Écritures saintes deviennent plus importants que l’accueil, le pardon et la compassion. Nous devons être ceux et celles qui protègent et rassurent les vulnérables de notre monde. Nous devons être des sources de lumière et non des exécutants de basses besognes au service de l’orthodoxie.
Peu de textes bibliques sont aussi controversés que le passage dans le livre de la Genèse où Abraham tente de sacrifier son fils Isaac. Nous ne sommes pas invités à commettre des actes horribles au nom de notre obéissance à Dieu. Notre foi nous appelle plutôt à nous questionner et nous opposer à toute souffrance inutile créée par une conception toxique de la religion. Amen.
*Ehimetalor Akhere, unsplash.com