Donner de l’argent à l’Eglise?

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Marc 12, 38-44

Je voudrais débuter cette réflexion par une vieille blague.  Peut-être que vous la connaissez déjà.  C’est l’histoire de monsieur Tremblay qui va voir sa pasteure pour se plaindre au sujet de monsieur Sigouin.  « Pasteure », dit monsieur Tremblay, « Sigouin n’est rien qu’un hypocrite qui vient à l’Église pour les mauvaises raisons. » « Vraiment? », répond la pasteure.  « Oui!  Chaque dimanche, il arrive avec sa grosse voiture de l’année, ses vêtements chics et sa jeune épouse gonflée au Botox.  Au moment de la quête, il prend le temps de mettre visiblement son billet de 100 dollars dans le panier.  Tout ce qu’il veut c’est qu’on le remarque. »  « Comment savez-vous tout cela? », demande la pasteure.  « Chaque semaine, je me pointe à l’Église juste pour le surveiller et le dénoncer. »

Cette semaine, nous avons le célèbre passage de l’évangile selon Marc de la pauvre veuve qui donne ses deux petites pièces en offrande.  Laissez-moi vous partager un secret.  Habituellement, lorsque le temps est venu d’effectuer une levée de fonds pour la paroisse, les pasteurs aiment bien ressortir ce texte.  Quelle femme merveilleuse!  Elle est le parfait exemple de générosité!  Au lieu d’utiliser son argent pour ses dépenses personnelles, elle le donne.  Alors, mes très chers frères et sœurs, si cette pauvre veuve peut faire preuve d’autant d’abnégation et de sacrifice avec toutes ses économies, combien pouvez-vous donner pour maintenir votre Église?

Dans l’analyse de ce passage, je crois que nous oublions trop souvent où cette histoire se déroule.  La veuve offre ses deux petites pièces au Temple de Jérusalem, un endroit régulièrement critiqué par Jésus.  Cette femme donne probablement tout ce qu’elle possède à une institution souvent accusée d’exploiter les personnes comme elle.  Quelques versets plus tôt, Jésus parle des scribes qui tiennent à déambuler en grandes robes, à être salués sur les places publiques, à occuper les premiers sièges dans les synagogues et les premières places dans les dîners; ces personnes qui se pavanent et récitent de longues prières avant de dévorer les biens des personnes vulnérables.  L’argent donné par la pauvre veuve contribuera à maintenir cette bande d’hypocrites qui ignoraient les paroles d’Isaïe, Élie, Jérémie et les autres grands prophètes du Premier Testament réclamant plus de justice sociale au sein du peuple de Dieu.  Alors, pourquoi cette femme a-t-elle appuyé financièrement cette institution dysfonctionnelle?

Le début d’une réponse peut se trouver dans la différence entre la religion et la foi.  La foi est un système de valeurs, de croyances et de convictions qui se trouvent à l’intérieur d’une personne.  Elle est souvent un point d’ancrage qui influence nos vies et nos décisions de tous les jours.  Elle peut se vivre partout où nous allons.  La religion est un rassemblement de personnes basé sur une série de croyances et de pratiques.  Elle est une institution constituée d’êtres humains avec tous leurs qualités et aussi leurs défauts.  Elle est un regroupement où la politique, les jeux de pouvoir et les manipulations sont trop souvent présents.

Malheureusement, le texte ne nous dit pas pourquoi la veuve a donné ses deux pièces au Temple.  Était-ce une question d’obligation ou de pression sociale?  A-t-elle donné par habitude.  Mais peut-être, elle a offert ses deux pièces parce qu’elle était capable de faire la différence entre la foi et la religion.  Peut-être, son don était motivé par son amour de Dieu.  Peut-être, cette action reflétait sa volonté d’exprimer sa gratitude.  Peut-être, ces deux pièces représentaient l’espoir, un espoir qui nous amène parfois à nous soucier des autres, à donner aux moins fortunés, à espérer en un monde meilleur.  Peut-être, cette femme essayait tout simplement de vivre selon sa foi, ses valeurs et ses croyances.

Je crois que nous pouvons affirmer que l’Église n’est pas parfaite.  Elle n’a pas toujours été fidèle à sa mission.  Plusieurs de ses dirigeants ont commis des erreurs dans le passé, en commettent maintenant et en commettront dans le futur.  Les Églises de toutes allégeances ont trop des règlements rigides, trop de facteurs d’exclusion et surtout beaucoup trop de passe-droits pour les riches et les puissants.  Nos paroisses sont toujours à la recherche de plus d’argent.  Leurs leaders aiment mettre en valeur ceux et celles qui donnent de gros chèques et oublient de souligner l’apport des personnes qui passent l’aspirateur dans le sanctuaire pendant 25 ans sans rechigner.

Oui, tout cela est vrai.  Et pourtant, nous sommes ici, ce soir.  Nous nous sommes rassemblés peut-être parce que Jésus ne nous invite pas à croire en une série de doctrines et de dogmes précis, mais nous appelle à nous investir dans notre monde pour y faire une différence.  Nous nous sommes rassemblés peut-être parce que notre communauté nous permet d’approfondir notre foi, nos croyances et nos valeurs dans un espace sécuritaire.  Nous nous sommes rassemblés peut-être parce que nous voulons apprendre à trouver Dieu partout où nous sommes et à travers toutes les personnes que nous rencontrons.  Et, oui, nous sommes invités à donner à notre communauté dans la mesure de nos capacités, non pas par obligation ou culpabilité, mais parce que nous croyons que la générosité est une partie importante de nos vies.  Nous donnons même si les institutions commettent des erreurs.  Nous donnons même si nos leaders sont imparfaits.  Nous donnons parce que nous espérons faire une différence dans notre monde, même si c’est juste un tout petit peu.

Dans le texte de ce soir, Jésus n’a pas remarqué de la pauvre veuve en raison de son sacrifice.  Il ne l’a pas remarqué parce qu’elle a fait un don spectaculaire.  Jésus a remarqué la veuve parce qu’elle vivait activement sa foi et ses valeurs.  Les deux pièces déposées dans le tronc ce jour-là n’ont pas changé les politiques ou les grandes orientations de sa religion, mais ils étaient importants pour cette femme parce qu’ils représentaient son engagement profond envers Dieu.  Amen.


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