Est-ce que les personnes peuvent partir en mission? (sermon)
Matthieu 9:35 – 10:8
Durant ma jeunesse, j’ai travaillé comme moniteur dans un camp de vacances. J’y ai rencontré beaucoup de personnes, dont certaines sont encore de mes amies. Un autre moniteur de cette époque, Serge Pelletier, est devenu un prêtre catholique romain dans le diocèse de Saint-Hyacinthe. Je vous parle de lui parce qu’après notre célébration du dimanche de la Pentecôte, j’ai enregistré mon sermon comme je le fais tous les dimanches soir. Pendant que je téléversais le fichier sur notre chaîne YouTube, j’ai voulu regarder d’autres vidéos en attendant. L’algorithme m’a suggéré le sermon de Serge pour ce dimanche. Quelle belle surprise! Je l’ai écouté bien sûr. Dans son message, il a fait un lien entre le départ de Jésus et le fait qu’il devait bientôt quitter sa paroisse pour occuper d’autres fonctions. Il a affirmé que la difficulté de trouver des prêtres de nos jours est une possibilité offerte à l’Église pour se transformer et donner plus de place aux laïcs. Le temps où le clergé dirige tout et que les paroissiens suivent passivement est fini. Tous et toutes ont une tonne de dons et de talents à offrir à l’Église de Dieu. Sa réflexion était excellente!
Dans le texte d’aujourd’hui, tiré de l’évangile selon Matthieu, Jésus déclare : « La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux; priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson. » Pour de multiples raisons, plusieurs d’entre nous ne reconnaissent pas notre réalité actuelle dans cette déclaration. La moisson est abondante… On ne peut pas dire que l’on se rue aux portes de nos églises ou sur les sites internet de nos communautés de foi. Nous savons très bien que nous avons moins de fidèles, moins d’argent, moins de ressources. Récemment, je participais à une réunion et on a demandé quel était le budget pour un certain projet. La réponse a été qu’il n’y a pas de budget. On est cassé. C’est aussi simple que cela. Cependant, nous nous retrouvons dans la partie de la déclaration sur le manque d’ouvriers. L’Église Unie du Canada réussit à ordonner des pasteurs tous les ans. Cette année, notre Région a accueilli trois nouveaux pasteurs, ce qui est beaucoup moins que le nombre de pasteurs qui sont partis à la retraite. À ce rythme, nous aurons un gros problème très bientôt. Les personnes les plus cyniques diront qu’étant donné que nous fermons beaucoup de paroisses, cela va finir par s’égaliser. Ceci n’est pas la meilleure des stratégies.
En regardant les foules, Jésus a pitié d’elles parce qu’elles ressemblaient à des brebis sans bergers. Alors, il décide d’envoyer ses disciples en mission. Ces derniers ont dû être un peu surpris. Je les imagine dire à leur maître : « Jésus, il faut être sérieux deux secondes. Il y a une énorme différence entre toi et nous. Chasser les esprits impurs et guérir les gens de toute maladie et toute infirmité est facile pour toi. Nous, on ne connaît rien là-dedans. On n’a pas de qualification ou de formation pour ça. Ce n’est pas une bonne idée, Jésus. Ça ne va pas fonctionner. »
Cependant, Jésus croyait fermement aux capacités de ses disciples. « Allez! », il leur a dit. « Allez proclamer que le règne des cieux est proche. Allez guérir les malades. Allez redonner la vie à ce qui est mort. Allez purifier les lépreux. Allez chasser les démons qui empoisonnent la vie des gens. Allez de villes en villages, comme je l’ai fait, pour partager gratuitement tout ce que vous avez appris avec moi. Vous êtes capables. Et ne vous compliquez pas la vie inutilement pour commencer. Fixez-vous des objectifs et des buts réalistes. N’allez pas chez des gens qui ont des coutumes et des dialectes étrangers, comme les Samaritains ou les païens. Commencez par ce qui est plus familier, comme les brebis perdues d’Israël, par exemple. La prochaine étape, l’envoi pour faire des disciples de par le monde arrivera plus tard. En attendant, comme on dit en anglais (Jésus parlait un excellent anglais) : Keep It Simple. Gardez ça simple. »
Le plus grand problème des Églises de nos jours est peut-être cette complexification que nous avons construite au cours des siècles. Nous avons créé des catégories spécifiques de personnes possédant l’exclusivité de certains gestes. Parce que nous vivons dans une société capitaliste, nous croyons que le succès est quelque chose qui doit se quantifier. Nous recherchons des descriptions de tâches précises pouvant couvrir toutes les possibilités inimaginables. Nous voulons des rapports annuels présentant des objectifs et des indicateurs de performances. Nous voulons plus de fidèles le dimanche et plus de pasteurs ordonnés tous les ans… tout cela même si Jésus nous demande de prier non pas pour plus de brebis ou de bergers spécialisés, mais pour plus d’ouvriers.
En tant que disciples de Jésus le Christ, nous sommes appelés à croire que notre mission va au-delà des nombres et la survie des structures ecclésiales. Parce que les besoins tout autour de nous demeurent immenses, nous sommes invités à saisir la multitude de possibilités qui s’offrent à nous. Même si nous ne pouvons pas tout accomplir, nous pouvons faire une différence dans ce monde. Le temps n’est plus à évaluer les formations, tester les appels au ministère ou l’interprétation littérale de nos règlements ou discerner nos niveaux de confort face aux changements. Nous avons besoin de toutes les mains disponibles pour accomplir nos nombreuses missions. Tous et toutes peuvent devenir des ouvriers et des ouvrières afin de travailler à la moisson.
Plusieurs personnes croient que le déclin des Églises en l’Occident est irréversible en raison de la diminution du nombre de fidèles et des membres du clergé. Cependant, Jésus nous rappelle que la moisson demeure abondante. Nous pouvons contribuer à la construction d’une Église qui accorde plus de place à tous et toutes si nous répondons à l’appel d’y travailler. Amen.
*Paz Arando, unsplash.com