Existe-t-il des terrains plus favorables pour la mission? (sermon)
Matthieu 13 : 1-9
Je l’ai mentionné à quelques reprises; j’ai grandi à la campagne. Comme plusieurs, nous avions un grand jardin potager. Tous les ans, nous faisions pousser des tomates, des poivrons, des choux, des carottes, du maïs, etc. Si certains considèrent cet exercice comme une activité récréative et divertissante, avec mon père, c’était très sérieux. Les rangs étaient absolument droits et espacés précisément selon le type de plantes. Si les graines devaient être plantées à 3 pouces d’intervalle, ce n’était pas 2, ce n’était pas 4, c’était 3. La rigueur était de mise. Disons qu’il ne faut pas chercher très loin les raisons pourquoi je n’ai pas de jardin potager à la maison.
Le chapitre 13 de l’évangile selon Matthieu renferme une succession de paraboles que nous allons explorer au cours des prochaines semaines. Le texte d’aujourd’hui est communément appelé la parabole du semeur. Encore une fois, Jésus enseigne à une foule en utilisant une pratique courante dans sa société. C’est l’histoire d’un semeur qui sort pour semer. Une partie des grains tombe sur le bord du chemin et ils sont mangés par les oiseaux. Une autre partie tombe sur un sol de roche et meurt parce qu’il manque de terre pour les racines. Une autre partie tombe dans les mauvaises herbes qui finissent par étouffer les nouvelles pousses. Enfin, d’autres grains tombent de la bonne terre et produisent un rendement qui est de 30 à 100 pour un.
Habituellement, les réflexions sur ce texte portent sur les différentes sortes de sols décrits par Jésus. De nombreux sermons demandent : quelle sorte de sol sommes-nous? Est-ce que la parole de Dieu (représentée par les grains) que nous donne gratuitement le semeur (Dieu) trouve en nous un terreau fertile? Que devons-nous changer en nous pour produire du fruit et des récoltes dignes de Dieu? Cette dernière remarque me chicote toujours parce que dans cette parabole, comme dans la nature, les différents sols sont le résultat de leur environnement. Le sol ne peut pas se modifier par lui-même. De la même façon, les grains qui possèdent en eux-mêmes tous les éléments pour développer une plante sont complètement dépendants de l’endroit où ils tombent. En fait, en y pensant, le personnage central de cette histoire, celui par qui l’action se produit, est le semeur. Il lance ses grains un peu partout, sans regard du sol où elles vont tomber.
Le semeur n’est pas présenté comme un agriculteur ou un jardinier qui doit entretenir et cultiver la terre. Peut-être cela explique-t-il son attitude un peu désinvolte, irresponsable, voire extravagante avec ses semences. Pourquoi le semeur perd son temps et ses précieuses ressources en lançant ses grains à des endroits voués à l’échec? Pourquoi ce manque de discipline? Pourquoi ce manque de rigueur? La réponse est peut-être : pourquoi pas? Le semeur n’a qu’une seule fonction, un seul travail, un seul désir : lancer ses grains abondamment et généreusement. Par la suite, il n’a aucun contrôle sur le déroulement des choses. Il doit apprendre à laisser aller, à abandonner le désir de contrôle, et à avoir la foi que les grains vont trouver un moyen d’accomplir ce qu’ils ont à faire.
Normalement, les nouveaux projets de nos Églises, comme notre communauté de foi, sont analysés, jugés et évalués. Nous devons produire des rapports quantitatifs avec des chiffres démontrant de bons résultats. Il faut établir des plans stratégiques basés sur des consultations avec les parties prenantes et des intervenants du milieu. Pour utiliser une imagerie associée au monde agricole, nous devons démontrer que nous sommes en possession des bons pots, acheter un fertilisant de qualité, planter les graines exactement à la bonne distance pour nous assurer d’un résultat optimal, pour tendre vers une récolte impressionnante. Cependant, cette parabole nous rappelle que Dieu ne semble pas se soucier de ce genre de chose. Comme le semeur, Dieu a confiance que ce qui doit pousser va pousser d’une manière ou d’une autre. Peut-être pas en même temps. Peut-être pas partout. Mais cela est sans grande importance dans le fond. Dieu a assez de semences pour accomplir son objectif. Il y a en assez pour se permettre d’être généreux et de semer là où les résultats semblent voués à l’échec. En fait, le semeur sème à tout vent parce que telle est sa nature, telle est sa mission.
Nous ne sommes pas appelés à placer l’efficacité au sommet de nos priorités. L’efficacité n’est pas une vertu. L’efficacité n’est pas un don de l’esprit. L’efficacité n’est pas un synonyme de réussite. Nous sommes plutôt invités à exercer nos ministères dans tous les sols, sans discrimination. Nous ne devons pas décider à la place du Seigneur quel terreau est plus ou moins fertile pour la parole de Dieu, qui mérite notre générosité ou qui est apte à recevoir notre effort. Nous devons faire preuve de la même générosité et le même abandon que le semeur. Nous sommes appelés à donner une chance à tous et toutes, même ceux et celles qui vivent sur les bords de la route, qui ont un cœur de pierre ou qui sont envahis par les ronces. Nous savons que les fleurs et les arbres trouvent moyen de pousser dans les milieux les plus difficiles. La grâce de Dieu se fraie toujours un chemin à travers les pires obstacles. D’une manière ou d’une autre, des épis pousseront en nombre suffisant.
Nous n’avons pas besoin d’avoir le pouce vert pour comprendre que nous ne pouvons pas contrôler toutes les variables menant à une récolte abondante. Dans une parabole, Jésus compare Dieu à un semeur qui répand abondamment ses graines sur tous les terrains, des plus favorables aux plus inhospitaliers. Nous sommes appelés à semer généreusement et à croire que nos actions et nos missions réussiront à produire du fruit, peu importe les conditions. Amen.
*Nine Koepfer, unsplash.com