Exode 14: 19-30 – sermon – 13 septembre 2020

Ce soir nous continuons la grande épopée de l’histoire de Moïse.  Pour récapituler rapidement les épisodes précédents, à la suite de sa rencontre avec le Seigneur à travers un buisson ardant, notre héros retourne en Égypte pour délivrer son peuple.  Le Pharaon rejette la demande de Moïse.  Il s’en suit une série d’événements un peu bizarres connus sous le nom des 10 plaies d’Égypte.  À un certain moment, le Pharaon influencé par la grogne populaire donne la permission aux Hébreux de quitter son royaume.  Cependant, ce dernier change encore une fois d’idée et se lance avec les six cents meilleurs chars de son armée à la poursuite de Moïse et sa bande pour rectifier la situation. C’est là qu’on est rendu!  

Le passage de ce soir a marqué l’imagination de nombreux croyants.  Peut-être avez-vous vu le célèbre film de Cecil B. DeMille, « Les Dix Commandements » sorti en 1956 et qui pense encore tous les ans à la télévision ou bien la version de DreamWorks de 1998, « Le Prince d’Égypte ».  Peut-être avez-vous en tête des images d’un groupe de migrants terrifié et menacé par l’une des plus puissantes machines militaires de cette époque.  Peut-être êtes-vous capable de visualiser Moïse se tenant debout, les bras en l’air, divisant la mer pour que les Hébreux puissent la traverser en marchant sur un sol sec.

Ce passage offre surement plusieurs images spectaculaires à ses lecteurs, mais cette histoire soulève beaucoup de questions et de problèmes difficiles à résoudre.  Selon les différentes traductions de la Bible, les Hébreux auraient traversé la mer Rouge ou la mer des Roseaux, un endroit jamais identifié formellement.  Est-ce que Moïse a vraiment tenu ses bras étendus toute la nuit pour que les eaux se divisent, le sol s’assèche et l’ensemble de son peuple puisse traverser en toute sécurité?  Quoi doit-on penser de tous les soldats égyptiens noyés dans cette histoire?  Est-ce qu’un Dieu d’amour peut laisser mourir des milliers de personnes parce qu’ils n’appartiennent pas au bon peuple?  Vous pouvez facilement imaginer que beaucoup d’auteurs et de théologiens ont tenté de résoudre ces problèmes par de longues explications complexes, parfois tirées par les cheveux, sans vraiment offrir des réponses satisfaisantes.    

Peut-être nous devrions regarder ce texte sous un autre angle.  Au lieu de le considérer comme un événement historique, nous devrions regarder ce passage comme un récit hautement symbolique qui sert de mythe fondateur pour la nation juive.  Par exemple, le mot hébreu utilisé pour décrire le fort vent d’est qui souffle pour ouvrir un passage à travers la mer est le même utilisé dans le récit de la création dans la Genèse.  Ce souffle de Dieu calme le chaos primitif, le tohubohu, et contribue au processus de création en séparant les eaux et la terre.

Peut-être nous devrions cesser de regarder ce texte comme une description d’une grande victoire militaire afin de le considérer plutôt comme un récit de création, ou si vous préférez, de re-création.  Les descendants d’Abraham qui devaient devenir une grande nation plus nombreuse que les étoiles dans le ciel étaient devenus un peuple dominé, asservi et menacé d’extinction.  Ils n’avaient aucun avenir.  Par son intervention, Dieu offre la possibilité aux Hébreux d’effectuer une importante transition d’un état vers un autre.  En traversant d’une rive à l’autre de la mer, peu importe son nom, les esclaves d’hier deviennent des personnes libres de leur choix et de leur destinée.  Les personnes étouffées par le chaos engendré par le régime oppressif de Pharaon peuvent maintenant s’épanouir dans un nouveau contexte.  La violence et les humiliations vécues en Égypte sont remplacées par un nouvel ordre où tous et toutes pourront créer librement un meilleur monde.  En entrant dans cette nouvelle étape de leur existence, Moïse et les Hébreux laissent derrière eux les représentants d’une société pervertie, les armées de Pharaon, qui sont engouffrés par les eaux.  Les forces qui créent et contribuent au chaos sont finalement détruites par le chaos.

Je crois que le chaos fait toujours un peu partie de nos vies.  Mais parfois cette réalité domine nos existences.  Nous perdons nos repères.  Nous oublions qui nous sommes.  Nous devenons dépendants à des substances ou des technologies.  Nous considérons les violences de notre société comme normales.  Nous acceptons un système économique basé sur l’humiliation et la domination.  Nous nous habituons à l’intolérable.  Nous devenons incapables d’être créatifs et d’imaginer une autre façon d’être.  C’est souvent dans ces moments qui apparaissent sans issue que Dieu se manifeste dans nos vies.  Lorsque nous nous sentons pris en souricière entre deux obstacles insurmontables, Dieu nous révèle de nouvelles possibilités.  Dans des moments où l’inconnu nous empêche d’avancer, Dieu nous invite à aller de l’avant.  Quand nous trouvons le courage de laisser derrière nous nos peurs, nos tendances autodestructrices et toutes les formes de chaos qui empoisonnent nos existences, nous pouvons découvrir de nouvelles possibilités, l’émergence d’une nouvelle vie, le début d’une nouvelle façon d’être.  Grâce à son souffle, Dieu crée pour nous un espace où nous pouvons renaître, revivre et re-créé. 

Est-ce que Moïse a vraiment séparé les eaux d’une mer pour que les Hébreux puissent traverser et les a ensuite renfermées pour détruire l’armée égyptienne?   Ma réponse est le petit bonhomme émoji qui fait 🤷🏻‍♂️.   Je ne le sais pas et ce n’est peut-être pas le but de ce texte.  Ce récit hautement symbolique qui nous présente une grande bataille entre les forces du bien et le côté sombre de la Force nous explique que pour Moïse, les Hébreux et nous tous et toutes, la servitude, la domination, l’humiliation et le chaos ne sont pas des fatalités.  Même dans les pires situations, il y a toujours un espoir.  Il est toujours possible d’avancer vers une nouvelle création.  Amen.

* Bobby Johnson, unsplash.com