Exode 3: 1-15 – 30 août 2020
« Enlève tes sandales, car tu te trouves dans un endroit saint. »
Au moment où nous le retrouvons ce soir, Moïse n’est plus cet enfant sauvé des eaux; il n’est pas encore le grand libérateur de son peuple. Au début du chapitre 3 du livre de l’exode, il est un jeune homme en fuite forcé à l’exil à la suite d’un crime. Quelque temps auparavant, il a tué un contremaître égyptien qui maltraitait des travailleurs hébreux. Par la suite, Moïse s’est réfugié à Médian. Il a épousé Séphora et travaillait pour son beau-père Jéthro. Bref, il mène une vie des plus ordinaires pour un homme de ce temps et cette région. Un jour durant lequel Moïse s’occupait de ses moutons (littéralement dans ce cas), il vécut une expérience qui changea sa vie à jamais. Il aperçut un buisson à première vue similaire à des milliers d’autres. Mais celui-ci était différent. Le buisson brûlait sans se consumer. Moïse décida de s’approcher. C’est à ce moment que le Seigneur l’interpella. « Moïse, Moïse! Oui, répondit-il. Ne t’approche pas de ce buisson, dit le Seigneur. Enlève tes sandales, car tu te trouves dans un endroit saint. Il s’ensuivit une conversation à la fois intime et profonde entre Moïse et Dieu; un moment dont plusieurs croyants et croyantes envient toujours de nos jours.
« Enlève tes sandales, car tu te trouves dans un endroit saint. »
Je crois que nous avons tous et toutes un endroit spécial et unique; un lieu précis avec lequel l’on entretient un lien particulier souvent difficile à décrire avec des mots. En 1984, j’avais 14 ans et mes parents m’ont envoyé à un camp de vacances autour du Lac Brais, en Estrie. Année après année, j’y suis retourné comme campeur, aide-de-camp, moniteur, anciens… Pour une raison inexplicable, je ressentais un appel, une démangeaison presque incontrôlable si trop d’années s’écoulaient entre mes visites. Le camp est maintenant fermé. Lors de ma dernière visite, j’ai effectué le tour du lac à la marche… seul pendant 90 minutes. Durant tout ce trajet, j’ai pleinement pris conscience que cet endroit était saint pour moi. Cette terre sacrée a façonné en grande partie de la personne que je suis aujourd’hui.
« Enlève tes sandales, car tu te trouves dans un endroit saint. »
Au début des années 10 (2010), je siégeais sur l’exécutif national de l’Église Unie du Canada. À cette époque, les bureaux nationaux étaient situés aux 2e, 3e et 4e étages dans un tour à bureau standard de Toronto. Le moment était venu de décider si nous renouvelions ou non le bail. À la suite de présentations de rapports et d’études, une soixantaine de personnes, avec des opinions et des priorités différentes, devaient arriver à une décision lourde de conséquences. Après plusieurs heures de débats tournaient un peu en rond, une aînée autochtone, une ‘elder’ comme elles se font appeler en anglais, se pointe au micro. Déjà c’était un moment spécial, car ce n’est pas dans la culture autochtone de débattre des motions. Ces personnes sont habituées à travailler en cercle et à rechercher des consensus. Cette femme suggère que peut-être notre incapacité à trouver une solution, et peut-être le problème plus général de notre Église est que nous n’avons pas de contact direct avec le sol. La distanciation physique entre nos corps et la terre explique que nos décisions ne sont pas toujours ‘groundées’.
« Enlève tes sandales, car tu te trouves dans un endroit saint. »
Quand j’étais pasteur à Kanata United Church, en banlieue d’Ottawa, les gens de la paroisse aimaient inviter des auteurs et universitaires connus durant une fin de semaine afin qu’ils ou elles nous offrent une série d’ateliers sur différents sujets. En 2013, nous avons réussi à attirer Amy-Jill Levine. Pour ceux et celles qui ne la connaissent pas, elle est une juive de mouvance conservatrice, qui enseigne le Nouveau Testament à l’université Vanderbilt située à Nashville, dans le Bible Belt américain. Si cette description n’attire pas votre attention, je ne sais pas quoi pourrait le faire. Bref, une grande femme élégante vêtue d’un tailleur très professionnel se présente à nous pour le premier atelier. La première chose qu’elle fait est d’enlever ses chaussures. Elle nous explique que par ce geste, elle recherche un peu de confort, mais aussi de tenter de créer une connexion avec les gens, d’établir esprit de convivialité et familiarité pour les discussions qui vont suivre.
« Enlève tes sandales, car tu te trouves dans un endroit saint. »
Plusieurs d’entre nous se sont fait dire depuis notre enfance que le sacré se trouve dans les grands temples et les somptueuses églises. Si on veut parler ou rencontrer Dieu, c’est là où il faut aller. Cela explique surement pourquoi notre déception est grande si rien ne se passe pendant notre visite hebdomadaire ou mensuelle. Mais, lorsqu’on y pense, un lieu n’est pas sacré en tant que tel. Un endroit devient saint lorsque nous prenons le temps de l’investir. C’est pourquoi la présence de Dieu peut être ressentie dans les endroits les plus banals de la vie : là où cuisine, joue avec des enfants, dévore un bon livre ou de partager un café avec une amie. Notre défi, comme pour Moïse, est de prendre le temps d’observer, porter attention, et de faire parfois un détour. Il est facile de rater ces lieux saints parce que nous n’avons pas le temps, nous sommes distraits par d’autres choses ou nous nous pensons trop importants pour nous arrêter. En se faisant, nous manquons la présence d’un Dieu, juste là au coin de la rue, toujours prêt à continuer une relation qui débuter il y a bien longtemps.
Le Seigneur a dit à Moïse, « Enlève tes sandales, car tu te trouves dans un endroit saint. » Ces mots sont toujours une invitation de prendre conscience de notre relation avec le monde et à s’imprégner de ce qui beau et sacré autour de nous. Ils sont toujours un appel à briser toutes les barrières que nous avons créées et qui nous séparent de Dieu. Amen.
2 Replies to “Exode 3: 1-15 – 30 août 2020”
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Merci beaucoup pour cette réflexion sur un “endroit saint”.
Merci beaucoup