Les dons de l’Esprit
image : pixabay.com
1 Corinthiens 12, 1-11
Qui aurait cru qu’un si court texte pouvait contenir autant de sagesse ! On aura beau dire ce qu’on veut, Paul était un homme avisé qui savait relever des problèmes pour ensuite les résoudre à la lumière de l’Évangile. Et oui, dans ce court passage de la Première épître aux Corinthiens, Paul tente de régler une dispute à propos des dons de l’Esprit.
Dans cette communauté friande de manifestations extatiques qu’on appellerait volontiers au Québec le don de « faire le bacon à terre », le don du parler en langue a créé toute une controverse. De fait, cette manifestation de la glossolalie en est même venue à créer un fossé entre les disciples qui manifestent ce don et ceux qui ne l’ont pas. Certains Corinthiens semblaient croire que le parler en langue consistait en ce sommet de l’expérience spirituelle, et ce, un peu comme un niveau d’expertise qui distingue l’acolyte du chrétien accomplit.
Cette aptitude problématique à laquelle répond Paul peut générer chez nous deux questions. Premièrement, est-ce qu’il y a des dons supérieurs aux autres ? De même, à quoi servent-ils, ces dons-là, au juste ? Pour y répondre, laissez-moi vous partager quelques réflexions qui s’appuient sur des exemples contemporains.
La première situation qui me vient à l’esprit concerne cette difficulté-la que plusieurs personnes ont quant à assumer leurs talents et faire le choix d’un domaine d’étude… Là-dessus, je pense que nous avons tous déjà été concernés. Dépendamment des endroits, des cultures, il arrive que certains dons soient davantage valorisés que d’autres. Si vous venez par exemple d’une région où le capital économique l’emporte bien souvent sur les relations sociales, les arts et la réflexion, on peut s’attendre que les jeunes fassent un choix d’étude et de carrière qui respecte ces attentes culturelles là. Faire un choix contraire peut devenir, dans ces cas-là, un objet d’incompréhension. Dans le pire des cas, ce choix donne même parfois lieu à de la coercition.
Il vous est peut-être déjà arrivé comme moi d’aller voir grand-maman et de lui annoncer que vous allez étudier dans un domaine exotique comme la philosophie. Et là, à grand-maman de répondre : « Tu vas faire quoi d’ta vie avec ça ? » Selon les cultures, l’approbation ou la désapprobation des dons laissent sous-entendre une certaine hiérarchie. Or, qui dit hiérarchie des dons dit aussi hiérarchie des personnes dépendamment des valeurs socioculturelles. Quelqu’un qui respecte les attentes de son milieu est, bien souvent, considéré de manière plus favorable que celui qui sort du moule.
Cette hiérarchie des dons et des individus selon des normes socioculturelles est un problème qui ne date pas d’hier. Elle a aussi été, semble-t-il, au centre des préoccupations des premières communautés chrétiennes comme celle de Corinthe où certains dons et manifestations étaient vue comme les signes d’une supériorité des uns sur les autres. Dans sa lettre adressée aux Corinthiens et qui pourrait aussi être adressé à des parents et des instituteurs, Paul, à mon sens, met sur un même pied d’égalité les différents dons de l’Esprit. La raison en est que ce ne sont pas des normes culturelles qui décident de la valeur des dons de chacun et chacune, mais les objectifs qu’ils partagent, c’est-à-dire le bien de tous et la gloire de Dieu.
En Dieu, il n’y a pas de hiérarchie. S’il n’existe ni juif ni grec, ni maître ni esclave, à plus forte raison les dons de chacun et chacune se trouvent sur un même pied d’égalité. On peut le remarquer, je crois, en lisant les remarques de Paul quant aux dons qui existent et qui tendent vers leur objectif dans une relation d’interdépendance. En effet, que serait le savoir-faire scientifique sans le don de la sagesse qui renvoie au savoir-être et à la capacité d’observation ? Que serait le don de la guérison sans celui du miracle, ces signes qui manifestent Dieu ? À quoi servirait, même, le don des langues sans ceux et celles qui ont la capacité d’en étudier le sens ?
Ultimement, cette interdépendance des dons de l’Esprit sert le bien commun et s’oppose en toute évidence à toute forme de discrimination. Lorsqu’on prend conscience de notre complémentarité, la prétention d’un « je » à se croire plus élevé qu’un « tu » ne peux pas avoir lieu. Ainsi, le « je » passe nécessairement au « nous », la « vie tournée vers soi-même » passe à la vie « communautaire ». Ce n’est que de cette manière que peut naître l’Église où les individus, avec leurs dons propres, font corps dans le Christ.
Le talent des uns étant interdépendant à celui de l’autre, à plus forte raison sommes-nous connectés à la vie de chacun et chacune. Quand on y pense, qu’est-ce qu’une communauté comme la nôtre sans les dons des individus qui la compose ? Sans vous, même les dons qu’on reconnaît dans un pasteur ne font pas sens… Sans être rattachés au corps du Christ, que serions-nous comme disciples ? C’est pourquoi je nous invite ce soir à simplement cultiver nos dons et découvrir ceux des autres. Le Seigneur nous aime d’un amour en surabondance et nous couvre de dons plus merveilleux les uns que les autres. Et oui, même le don de « faire le bacon à terre » a sa place ! Grâce soit rendue au Seigneur pour les dons accordés à ses disciples sans qui il n’y aurait pas son Église.
Amen