Qui sera notre prochain Sauveur?

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Jean 12 : 12-16

Je ne crois pas qu’il faille être un grand amateur de sport pour savoir que les Canadiens de Montréal ne sont pas très bons depuis quelques années.  Le temps des grandes parades de la coupe Stanley sur la rue Sainte-Catherine semble appartenir à un passé lointain.  Surement pour cette raison, plusieurs partisans recherchent constamment le prochain grand joueur qui va ramener la gloire d’antan.  Aussitôt qu’une recrue marque deux ou trois buts, la foule jette son dévolu sur lui.  Il est le nouveau héros espéré depuis longtemps.  Et lorsque ce même joueur arrête de produire, les mêmes personnes sont prêtes à le jeter aux poubelles en attendant le prochain grand espoir.

En ce dimanche de Rameaux, nous pouvons facilement imaginer que les habitants de Jérusalem au temps de Jésus ressemblaient beaucoup aux partisans des Canadiens de Montréal d’aujourd’hui.  Je ne crois pas que l’être humain a tant changé en 2000 ans.  Le passage de ce soir nous en procure un autre exemple.  Habituellement, même si le récit de l’entrée triomphale de Jésus est raconté dans les quatre évangiles, nous utilisons la version selon Marc pour débuter la Semaine sainte.  Cette année, j’ai choisi de m’aventurer du côté du quatrième évangile; un passage beaucoup plus court qui semble présenter les choses sous un angle différent.

Comme c’est souvent le cas, pour bien comprendre un passage, il faut souvent retourner un peu plus tôt dans le texte.  Au chapitre précédent l’extrait de ce soir, Jésus rend la vie à Lazare devant une grande foule.  Le texte mentionne que beaucoup de Juifs présents crurent en Jésus après avoir vu ce qu’il avait fait.  Mais une autre portion de la foule s’est précipitée directement à Jérusalem pour rapporter l’affaire aux autorités.  Nous pouvons facilement imaginer que le bruit entourant cet événement spectaculaire s’est répandu rapidement, particulièrement à quelques jours de la Pâque juive.  Il existait une certaine électricité dans l’air durant cette fête à forte saveur nationaliste qui commémorait une importante victoire du peuple de Dieu remontant au temps où le peuple juif s’est libéré du joug d’une autre nation.  Sans surprise, la population ainsi que les pèlerins en visite à Jérusalem commencèrent à chercher Jésus en se demandant : Est-ce possible?  Est-ce trop beau pour être vrai?  Avons-nous finalement trouvé notre prochain sauveur?  Pour utiliser un vocabulaire plus moderne, un buzz s’est créé autour de la future vedette du peuple.

Contrairement aux autres évangiles, dans la version selon Jean Jésus arrive à pied tout bonnement avec ses disciples, sans aucune préparation spéciale.  Cependant, la foule prend l’initiative en allant accueillir son nouveau sauveur à l’extérieur de la ville.  Les gens, avec des branches de palmiers à la main, se sont mis à crier : Hosanna!  Que Dieu bénisse celui qui vient au nom de notre Dieu!  Jésus, s’il te plait, ramène-nous à l’époque où nous étions une grande nation!  Fais de nous des héros comme au temps du roi David!  Fais de nous des gagnants comme avant!  Make Jerusalem Great Again!

Les acclamations des gens semblent indiquer une volonté de défier les autorités de l’époque : l’Empire romain qui gouvernait la région avec une poigne de fer et une élite locale qui avait sacrifié le bien-être de la population en échange d’une vie confortable.  Malgré tous les obstacles qui devaient paraître insurmontables, les gens ont cru que le moment d’un grand renversement était peut-être arrivé.  Ce Jésus de Nazareth allait peut-être changer la situation pour tous et toutes.  Il était pour effectuer le travail, mener le combat lui-même et donner cette victoire au peuple comme un cadeau.  Et si cet homme ne parvient pas à ces fins, ils pourront toujours le laisser tomber en attendant le prochain Messie.

Un peu plus tôt, j’ai mentionné que les gens n’ont pas beaucoup changé en 2000 ans.  Partout dans les médias et sur les médias sociaux, les personnes expriment leur insatisfaction envers nos gouvernements et nos dirigeants.  Certains chrétiens voudraient que notre société soit davantage alignée sur les enseignements de Dieu.  Nous prions pour la paix en Ukraine et en Terre sainte, la fin de la pauvreté dans notre monde et une meilleure protection des plus vulnérables.  Nous regardons autour de nous et nous recherchons le prochain sauveur, une espèce de figure charismatique qui sait enflammer les foules, une personne qui sait comment mobiliser la jeunesse.  Et lorsqu’une personne semble correspondre à ce profil, nous accourons auprès d’elles, nous l’acclamons, nous lui sommes prêts à lui donner le pouvoir… avant de la rejeter quelque temps après parce qu’elle ne peut pas répondre à toutes nos attentes irréalistes.

Si nous ne pouvons pas revenir dans le passé pour revivre les succès d’hier, nous pouvons apprendre de nos accomplissements précédents.  Souvent, ces grands moments ne sont pas le résultat du travail d’une seule personne, aussi merveilleuse et inspirante qu’elle puisse être.  Le succès repose sur un effort collectif, sur le regroupement de personnes ordinaires qui osent s’impliquer, se salir les mains et aller à contre-courant.  Le succès est basé sur l’implication d’hommes et de femmes qui ont le courage de suivre leurs valeurs, qui ont la patience de construire un nouveau modèle, qui osent marcher vers une nouvelle réalité encore inexplorée.  Bien sûr, ce processus est plus difficile, plus long et moins spectaculaire.  Cependant, une vraie révolution commence toujours dans nos esprits, nos modes de vie, nos agissements tous les jours.  Nous ne pouvons pas abandonner nos responsabilités en plaçant tous nos espoirs en une seule personne.

Un messie peut-il régler tous nos problèmes et ramener la gloire d’antan?  Dans l’évangile selon Jean, durant la célèbre entrée de Jésus dans Jérusalem, la foule a voulu faire de lui un sauveur, mais nous savons que la suite du récit ne va pas dans ce sens.  Cependant, Jésus a amorcé un long processus qui nous invite à prendre notre place dans le grand plan de Dieu.  Nous sommes tous et toutes appelés à travailler pour devenir collectivement les sauveurs tant attendus.  Amen.