Se libérer de l’anxiété

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Mathieu 6, 25-34

Pour certains, je peux paraître une personne calme, cool et en maîtrise de la situation, mais en réalité je suis une personne très anxieuse.  Je m’inquiète constamment pour une foule de choses.  Je m’inquiète de ne pas passer assez de temps avec ma famille.  Je m’inquiète que mes sermons soient trop courts ou trop longs.  Je m’inquiète de mourir du cancer comme mon père et ma mère.  Je m’inquiète pour la qualité de vie de mon fils dans quelques décennies en raison des changements climatiques.  Je m’inquiète.  Je m’inquiète.  Je m’inquiète.  Vous voyez le genre.

Je suis une personne anxieuse et je ne crois pas que je suis le seul.  Nous vivons dans un monde incroyablement anxiogène.  Peu importe où nous sommes et où nous allons, nous sommes bombardés d’images nous rappelant les problèmes de notre monde ou des idéaux impossibles à atteindre.  On veut constamment nous vendre un nouveau produit qui règlera tous nos problèmes, même ceux que nous ne savons pas que nous avons.  Le pire est que souvent nous achetons ces objets, sachant très bien qu’ils ne réduiront pas notre anxiété.  En fait, la plupart du temps, ils l’augmentent.  À partir du moment que nous nous convainquons que des objets peuvent satisfaire nos désirs les plus profonds, nous découvrons que nous n’en avons jamais assez.  Il nous en faut plus de plus gros et plus récents.  Nous commençons à envier les autres qui exposent leurs objets et leur vie parfaite sur les réseaux sociaux.  Nous consommons davantage.  Nous remplissons nos maisons de choses qui ont de la valeur.  Nous nous disons que quelqu’un pourrait venir nous voler.  Nous installons des systèmes de sécurité qui transforme nos maisons en forteresse.  À la fin de la journée, nous avons besoin d’une pilule ou deux pour nous calmer avant de nous coucher.

Pour toutes ces raisons, le passage d’aujourd’hui tiré de l’évangile selon Matthieu semble provenir d’une autre époque, d’une réalité complètement différente.  « Voilà pourquoi je vous dis: Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement? »  Peut-être que certains d’entre vous pensent que ce sont de belles paroles, mais Jésus exagère un peu.  Il y a quand même une grosse différence entre les oiseaux du ciel et les lis des champs et la triste réalité de notre monde moderne.

Ne pas s’inquiéter de ce que nous allons manger, boire et nous vêtir est surement plus facile pour les personnes aisées qui ont le luxe de choisir une forme de simplicité volontaire.  Après des mois d’inflation et d’augmentation des prix de produits de première nécessité, trop d’hommes, de femmes et d’enfants doivent recourir aux services de banque alimentaire, ne sont pas capables de se payer un logement décent ou se demandent comment acheter des vêtements d’hiver pour les enfants.  Nous pouvons prétendre que toutes ces choses ne sont pas si importantes, mais essayer de survivre sans elles rendent nos vies très compliquées.

Malheureusement, la pauvreté a été romantisée par trop de théologiens et de pasteurs au cours des siècles.  Je ne crois pas que les mots de Jésus avaient pour but d’attaquer le système capitaliste.  Il ne nous demande pas de vider nos comptes de banque et liquider nos REER.  Il n’exige pas que tous ses disciples abandonnent tout pour aller vivre dans le désert.  Jésus nous invite plutôt à changer notre point de vue sur nos vies et réfléchir à nos priorités souvent à la source de nos inquiétudes.

Le philosophe Soren Kierkegaard a défini l’anxiété comme étant le jour prochain.  Absolument personne d’entre nous ne sait exactement à quoi ressemblera demain.  Souvent, nous gaspillons le jour présent en tentant d’anticiper le futur.  Nous essayons de nous préparer pour toutes les possibilités inimaginables.  Et étant donné que notre imagination est sans limite, particulièrement dans ces moments, nous sommes tellement consumées par cette incertitude que nous oublions ce qui est à notre disposition maintenant.

Jésus dit à ses disciples : « Ne vous inquiétez donc pas pour le lendemain: le lendemain s’inquiétera de lui-même. À chaque jour suffit sa peine. »  Toutes nos préoccupations, nos anticipations ou nos stratégies sont souvent complètement futiles parce qu’elles ne changeront absolument rien, à part peut-être nous empoisonner nos vies aujourd’hui.  Alors, au lieu d’être paralysé par nos peurs ou nos envies de posséder plus d’objets, Jésus invite ses disciples, et nous tous et toutes, à prendre une grande respiration et à regarder autour de nous; regarder les oiseaux du ciel; regarder les belles fleurs devant les maisons de nos voisins; regarder les couleurs des arbres qui commencent à changer; regarder le visage des personnes qui nous sont chères.  Jésus nous invite à porter notre attention sur toutes ces petites choses qui donnent un sens à notre vie; toutes ces petites choses que nous ne pouvons pas totalement contrôler d’avance.

De plus, si nous apprenons de cesser de nous inquiéter au sujet de la nourriture, des vêtements et des produits nécessaires à la vie, nous pouvons découvrir que notre planète a la capacité de subvenir aux besoins de tous ses habitants.  Nos inquiétudes conduisent trop souvent à une redistribution injuste de l’ensemble de nos ressources.  Nos désirs d’accumuler des objets parfois inutiles ont un impact sur l’existence de nos sœurs et nos frères à travers le monde.  À la place, Jésus nous invite à créer un monde d’abondance, de générosité et de partage.  Nous pouvons apprendre à vivre dans un esprit d’abondance basé sur tout ce que Dieu a fait pour nous dans nos vies.  Nous pouvons apprendre à vivre dans un monde de générosité qui nous libère de toutes ces choses nous rendant misérables.  Nous pouvons apprendre à vivre dans un monde de partage qui nous permet d’incarner la vision de Dieu pour tous ses enfants.

En ce dimanche d’Action de grâce, Jésus nous rappelle que nos vies ne se limitent pas à la nourriture que l’on mange, à notre apparence ou au dernier gadget qu’on veut nous vendre.  Nous sommes plutôt appelés à nous libérer de nos inquiétudes et notre anxiété.  Pour cela, nous pouvons rendre grâce à Dieu pour tout ce que nous avons maintenant.  Nous pouvons partager nos ressources parce que nous possédons assez pour répondre aux besoins pour tous et toutes.  Nous pouvons cesser de nous inquiéter pour demain, car Dieu sera toujours là pour nous.  Amen.