Sermon – 1 Samuel 1: 1-20 (31 octobre 2021)
1 Samuel 1 : 1-20
Il y a quelques mois, l’Église Unie du Canada a adopté une politique officielle pour combattre le racisme à l’extérieur et à l’intérieur de ses cadres. Encore une fois, ce n’est pas parce que les gens croient en Dieu qu’ils et elles sont immunisés contre ce genre de fléau. J’ai déjà assisté à mes premières formations. On nous a présenté des choses qui paraissent évidentes et qui devraient être intégrées depuis l’enfance. Nous avons eu aussi des réflexions sur nos agissements plus subtils. Par exemple, les membres d’un groupe dominant (la majorité) croient souvent qu’ils peuvent régler facilement les problèmes des groupes minoritaires. Lorsque les découvertes de sépultures non identifiées d’enfants sur les terrains de pensionnats autochtones ont débuté, plusieurs ont immédiatement affirmé qu’il fallait immédiatement effectuer des recherches, établir des registres, et effectuer des tests d’ADN. Cependant, plusieurs leaders autochtones ont répondu que ce n’était pas le temps d’essayer de mettre un pansement sur une fracture ouverte. C’était plutôt le temps du deuil et de l’introspection. C’était le temps pour nous d’écouter leur peine.
Après avoir rencontré Esther et Ruth au cours des dernières semaines, nous continuons notre exploration des femmes du Premier Testament avec l’histoire d’Anne. Ce soir, nous avons lu un passage un peu plus long que suggéré pour bien comprendre sa situation initiale. Anne est mariée à Elcana et ils n’avaient pas d’enfant ensemble. Cependant, ce dernier avait une seconde épouse, Peninna, qui en avait. Le problème d’Anne était que la deuxième épouse ne semblait pas manquer une occasion pour tourner le fer dans la plaie. Sachant que dans cette société patriarcale la valeur des femmes était essentiellement de produire des descendants mâles, sa situation était précaire.
Mais la douleur d’Anne semble aller bien au-delà de son incapacité d’enfanter. Malgré tout l’amour et l’affection que son mari peut lui porter, elle ressent le poids d’une forme d’échec. Elle regarde autour d’elle et elle constate qu’elle est privée d’un rêve, d’un projet, d’une aspiration profonde sans que cela soit sa faute. Comme tant d’autres, elle se demande pourquoi elle et pas une autre. Pourquoi cette injustice? Pourquoi cette brisure qui revient la hanter constamment ?
Le mari d’Anne voit bien que quelque chose cloche, que son épouse a de la peine. Lors d’un pèlerinage au sanctuaire de Silo à Rama, Elcana lui donne un morceau de viande deux fois plus gros que ceux donnés aux autres membres de sa famille. Il espère que ce geste va suffire pour régler son problème… un peu comme un gouvernement qui donnerait des bonus financiers à des infirmières espérant que cela va régler tous les problèmes du système de santé. Mais Anne est toujours triste et Elcana lui dit quelque chose comme : Mais qu’est-ce qu’il y a? C’est quoi ton problème? Pense à toutes les autres qui sont dans des situations pires que toi. Et je suis là moi! Je veux quand même mieux que 10 garçons. Voilà un autre homme qui aurait dû se la fermer au lieu de dire des conneries. Au lieu d’écouter la peine de son épouse, il recentre la conversation sur lui et son importance.
Incapable de trouver un peu du réconfort à la maison, Anne décide de se tourner vers sa foi. Elle se rend au temple. Profondément affligée, elle prie longuement le Seigneur à voix basse, ce qui était contraire à la coutume de l’époque. Le grand prophète Héli la voit et est convaincu immédiatement que ses agissements sont le résultat d’un abus d’alcool. Sans même lui demander son nom ou la raison de sa visite, il déclare quelque chose comme : Aille la souillonne! Va cuver ton vin ailleurs! C’est une place respectable ici! Anne, la femme blessée, subit une nouvelle fois une humiliation.
Un peu comme les amis de Job, les deux hommes de cette histoire ne sont pas nécessairement de mauvais bougres, mais ils représentent notre difficulté à écouter l’autre. Au lieu de s’arrêter et de tenter de comprendre Anne, ils se lancent immédiatement dans un mode de solution de problèmes. Leurs questions et leurs interventions ne visent pas à comprendre, mais à se débarrasser d’une situation inconfortable. En fait, la seule personne dans cette histoire qui n’interrompe pas, ne diminue pas ou ne balaie pas ses émotions du revers de la main; la seule personne qui écoute Anne est Dieu. Dieu demeure peut-être silencieux, mais demeure néanmoins présent. Dieu nous voit toujours tels que nous sommes. Dieu nous comprend même lorsque nous n’avons pas la force de parler à voix haute. Anne savait qu’elle pouvait être entendue par Dieu sans interruption.
Ce n’est pas toujours évident de se la fermer lorsque quelqu’un nous partage sa douleur. C’est beaucoup plus facile de répéter les platitudes énoncées par notre société comme: reprends-toi en main, concentre-toi sur le positif ou tout autre principe de psychologie à 5 cent. Pourtant, quand nous sommes les personnes qui souffrent, nous ne recherchons pas nécessairement de longues listes de solutions, mais une peu d’empathie et une présence humaine. On espère trouver une oreille attentive qui ne va pas nous juger, un ami avec qui nous pouvons prendre un café, quelqu’un avec qui partager notre fardeau. Souvent, nous n’avons pas besoin de longs discours, juste une présence. Un moment de silence peut faire toute la différence du monde.
Le début du livre de Samuel n’est pas une histoire d’une femme qui obtient ce qu’elle veut parce qu’elle a une foi sincère ni une recette miracle pour contrer l’infertilité. Ce texte dépeint une réalité encore trop présente de nos jours. Nous pensons pouvoir solutionner les problèmes des autres avec des solutions simples. Trop souvent, nous ramenons tout à nous. Nous jugeons rapidement. Nous ne nous écoutons pas vraiment. En temps de crise, Anne qui se sentait seule au monde a pu se tourner vers Dieu qui l’a écouté tout simplement. Puissions-nous apprendre de cette histoire et être présents les uns pour les autres. Amen.