Sermon – 1 Thimothée 2: 1-7 (18 septembre 2022)

1 Thimothée 2 : 1 – 7

À mon retour de vacances, j’ai choisi tous les textes bibliques pour l’automne.  J’ai sélectionné le passage de ce soir parce que les autres suggestions du lectionnaire ne sont vraiment pas terribles.  De plus, je me suis dit que je pourrais établir un lien entre cette lecture et les élections provinciales au Québec.  Cependant, la reine Élizabeth est décédée il y a quelques jours.  Dans ce contexte, la phrase : « Il faut prier pour les rois et ceux qui détiennent l’autorité, afin que nous puissions mener une vie tranquille, paisible, respectable, dans un parfait attachement à Dieu » peut rendre plusieurs personnes inconfortables.  Étant donné la relation extrêmement complexe entre la monarchie britannique et divers groupes de notre société, je préfère laisser les débats constitutionnels aux experts.

Selon toute vraisemblance, la première lettre à Timothée a été écrite par un auteur anonyme à la fin du premier siècle de notre ère, environ une génération après la chute de Jérusalem aux mains de l’Empire romain.  À ce moment, les premiers croyants étaient dispersés à travers le monde méditerranéen.  En absence d’autorités politiques ou militaires pouvant défendre leurs droits, ces personnes devaient vivre sous l’autorité de souverains étrangers qui avaient littéralement un droit de vie ou de mort sur l’ensemble de la population.  Dans ce contexte de vulnérabilité, nous pouvons facilement comprendre la nature du conseil offert par l’auteur de l’épitre.  D’un point de vue purement pragmatique, mieux vaut conserver un profil bas et favoriser la collaboration que de se faire remarquer par son zèle et l’intransigeance de sa foi.  Prier pour le roi et les autorités en place est bien peu de chose afin de demeurer en vie. 

Cependant, la situation des chrétiens a changé depuis 2000 ans.  Malgré ceux et celles qui se déchirent la chemise sur la place publique en affirmant que le christianisme est sous attaque en Occident, nous ne vivons pas dans la même réalité que l’auteur de la première lettre de Timothée.  Bien que notre société se soit beaucoup sécularisée au cours des dernières années, nous sommes loin d’être persécutés comme peuvent l’être les chrétiens en Chine ou en Afghanistan sous les Talibans.

Je crois que ce texte demeure toujours pertinent parce qu’il nous force à réfléchir sur notre vie de prière.  Plus particulièrement, nous sommes invités à nous demander si nous pouvons prier pour tout le monde.  Est-ce qu’il y a une ligne que nous ne sommes pas prêts à franchir?  Peu d’entre nous sont vraiment confortables à l’idée d’inclure dans nos prières des dirigeants de corporations multinationales qui exploitent la main-d’œuvre dans les pays en voir de développement.  Nous prions rarement pour Vladimir Poutine ou Kim Jung Un. Nous voulons croire qu’il doit y avoir une limite quelque part, sinon quelle sera la prochaine étape.  Les vendeurs de drogue?  Les meurtriers en série?  Les violeurs?

Nous aimons bien les belles phrases comme : « Nous sommes tous créés à l’image de Dieu », « L’amour infini de Dieu est offert à toutes sans exception » ou « Toutes les vies sont importantes pour le Seigneur ».  Cependant, lorsque nous sommes confrontés à des situations concrètes et complexes, les valeurs de l’évangile deviennent plus difficiles à vivre tous les jours.  Cet appel de Dieu à dépasser notre cercle d’amis pour inclure l’ensemble de l’humanité demande beaucoup d’efforts.  Néanmoins, nous sommes tous et toutes invités à prier pour nos frères et nos sœurs dans la foi qui sont trop conservateurs ou libéraux à notre goût.  Nous devons prier pour les personnes qui refusent tous les changements dans nos églises et celles pour qui rien n’est assez rapide.  Nos prières doivent inclure ce patron qui nous a congédiés, cet ami qui a trahi notre confiance et ce voisin qui refuse de croire aux changements climatiques.  

Mais toutes nos prières incluant nos dirigeants ne signifient pas que nous sommes complaisants envers eux et que nous leur offrons un chèque en blanc.  Prier pour les candidats et candidates à une élection signifie espérer que ces personnes s’engagent à travailler pour de l’ensemble de la population.  Prier pour une maire, un premier ministre ou une présidente est un appel à la construction d’une société plus juste et équitable.  Prier les dictateurs et les autocrates de notre monde est une forme de dénonciation de l’oppression et un appel au changement.  Prier pour les personnes racistes, homophobes ou misogynes est un acte de résistance dans un monde profondément fracturé.  

Oui, toutes ces prières sont extrêmement difficiles pour la majorité d’entre nous.  Cependant, elles nous aident à briser toutes les frontières artificielles qui nous divisent. Elles réduisent la distance qui sépare le « nous » du « eux ».  Lorsque nous choisissons de prier pour les personnes que nous n’aimons pas, nous sommes obligés de les considérer comme des êtres humains, avec leurs défauts et leurs qualités, des personnes qui sont capables de changer et d’évoluer.  Nous affirmons que personne n’est privé de l’amour extravagant Dieu.  Nous commençons à voir notre monde comme Dieu le voit.  Nous devenons de meilleurs êtres humains.Durant nos services religieux du dimanche, il est toujours facile de prier pour les personnes qui nous ressemblent, que nous connaissons et qui partagent nos valeurs.  Cependant, le texte d’aujourd’hui nous met au défi d’aller un peu plus loin.  Nous sommes appelés à sortir de nos zones de confort.  Nous sommes invités à inclure dans nos prières les riches, les puissants et les dernières personnes sur nos listes d’amis.  Alors, mes amis, malgré notre inconfort, que nos prières soient nombreuses, abondantes et sincères pour tous et toutes, même pour le roi Charles.  Amen.

* Lindsay Middleton, unsplash.com