Sermon – Actes des Apôtres 6: 1-6 (1 mai 2022)

Actes 6: 1-6

Depuis quelques années, nous assistons à la montée en Occident d’une certaine droite populiste xénophobe.  Même s’il n’a pas remporté les élections présidentielles, le candidat Éric Zemmour a fait parler de lui en défendant un programme prônant la fin de l’immigration en France.  Peut-être vous souvenez-vous de l’interdiction d’entrer de visiteurs en provenance de pays musulmans promulguée par Donald Trump.  Au Canada et au Québec, à l’exception de quelques conspirationnistes qui croient à la théorie du grand remplacement, ce genre de discours se manifeste parfois par un appel à réduire le nombre d’immigrants pour mieux les intégrer… comme si on ne pouvait pas faire l’un et l’autre en même temps.  En dessous de toutes ces déclarations et ces discours politiques se trouve souvent un appel à la défense de la nation… ou pour être plus précis… la défense de ce que certains désirent que la nation soit ou ressemble.
 
Dans le texte de ce soir, nous rencontrons l’un des personnages principaux du Nouveau Testament et même de l’histoire de la chrétienté.  Saul était un Pharisien formé par le célèbre grand rabbin Gamaliel.  Dans nos bibles, il est rapidement présenté comme un ennemi des premiers chrétiens.  Le livre des Actes des Apôtres mentionne qu’il a approuvé le meurtre d’Étienne.  Il poursuivait les disciples de Jésus dans les synagogues.  Il entrait même dans leurs maisons pour les amener en prison. 
 
Nous pourrions facilement penser que Paul désirait éradiquer une hérésie naissante afin de préserver l’orthodoxie de la foi juive.  Cependant, le problème posé par les disciples de Jésus semblait toucher davantage à la définition même de la nation juive.  Pendant plusieurs siècles marqués par l’esclavage, les déportations et les guerres avec les nations avoisinantes, le lien qui a réussi à unir ce peuple est sa foi et ses pratiques religieuses héritées du temps de Moïse.  Un parallèle pourrait facilement être fait avec la survivance de la nation canadienne-française grâce à son lien avec le catholicisme romain.  Alors, un nouveau groupe prônant une interprétation différente de la religion et de ses pratiques fut rapidement considéré comme dangereux.  Saul, comme plusieurs d’autres bons patriotes, avait décidé de combattre ces voix discordantes afin de maintenir la pureté et la cohésion de son groupe.  Sa surprise a dû être grande lorsque sur un chemin le menant vers la ville Damas, où des chrétiens s’étaient réfugiés, il entend une voix qui lui dit : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu? »  Il n’a pas dû en croire ses oreilles.  Lui?  Un persécuteur?  C’était justement parce qu’il aimait le Seigneur qu’il combattait tous ceux et celles qui le déshonoraient selon son point de vue.  Comment pouvait-il être du mauvais côté de l’histoire?
 
Comme plusieurs encore de nos jours, Saul ne comprenait pas que sa volonté de faire le bien entrainait beaucoup de souffrances et contribuait à la violence.  Ce fut cette rencontre divine qui lui a permis de comprendre son erreur.  Cette expérience l’a conduite à une véritable conversion, mais pas nécessairement du point de vue religieux.  Au premier siècle de notre ère, les Pharisiens et les premiers chrétiens étaient deux sectes appartenant à la même religion.  Saul s’est plutôt converti d’une exclusion rigide à une inclusion inconditionnelle.  Il a abandonné une approche basée sur la défense de certains principes précis pour embrasser une vision centrée sur l’accueil de tous et de toutes.  Cette expérience lui a ouvert les yeux physiquement et métaphoriquement.  Les premiers chrétiens n’étaient plus des ennemis à éradiquer, mais des êtres humains avec qui il avait des différends théologiques ou idéologiques.  Avec le temps, il a appris à partager ses repas avec des étrangers, à questionner certains rites religieux de son peuple et à accepter des non-juifs dans les communautés qu’il a fondées.  Comme il a mentionné dans la lettre aux Galates : « Il n’y a plus ni Juif, ni Grec; il n’y a plus ni esclave, ni homme libre; il n’y a plus l’homme et la femme; car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus Christ. »  L’homme qui croyait qu’il n’y avait qu’une seule façon d’appartenir au peuple de Dieu s’est ouvert à l’universalité du plan de Dieu.
 
Comme Saul, nous sommes souvent tentés de croire que les membres de notre nation doivent correspondre à une série de critères précis.  Nous préférons certains groupes à d’autres sans vraiment les connaître.  Nous sommes convaincus que notre compréhension et notre pratique de la religion sont nécessairement meilleures que celles des autres.  Nous croyons que nos actions sont justifiées.  Le passage d’aujourd’hui nous rappelle que nous sommes invités non pas à tolérer, mais à respecter tous les gens qui ont des points de vue différents des nôtres.  Si certains actes et paroles demeurent condamnables dans nos sociétés, nous sommes appelés à voir des êtres humains derrière ces ennemis ou ces étrangers qui nous semblent nous menacer.  Notre foi en Dieu ne doit pas contribuer à la souffrance ou la misère de notre voisin.  Nous sommes appelés à constamment chercher des moyens pour inclure d’une manière radicale les personnes qui sont différentes de nous. 
 
Sur le chemin de Damas, Saul a été profondément transformé.  Son désir ardant d’éliminer ceux et celles qu’il percevait comme des dangers à la nation juive s’est métamorphosé en une conviction profonde d’apporter le message de Dieu à tous les peuples.  Le persécuteur des premiers chrétiens est devenu un évangéliste.  Sa conversion a tracé la voie pour tous ceux et celles qui désirent construire une Église pleinement inclusive. Amen.
* Clay banks, unsplash.com