Sermon – Jérémie 32: 1-15 (25 septembre 2022)

Jérémie 32 : 1 – 15

L’une des grandes questions l’humanité, qui apparaît habituellement durant l’adolescence, est : « À quoi ça sert? »  À quoi ça sert d’apprendre l’accord du participe passé?  À quoi ça sert de savoir calculer une hypoténuse?  À quoi ça sert de connaître les capitales des autres pays?  Récemment, durant un rassemblement d’un parti politique dont je tairai le nom, un participant a déclaré devant une caméra : « À quoi ça sert d’essayer de réduire nos productions de gaz à effets de serre?  À l’échelle de la planète, le Canada produit moins de 2 % des émissions.  Si les grands pays pollueurs comme la Chine et les États-Unis ne font pas plus d’efforts, pourquoi devrions-nous changer nos habitudes?  Quelle différence feraient tous nos sacrifices? »

Pour plus d’entre nous, le texte d’aujourd’hui parait très banal à première vue.  Nous pourrions être tentés de nous demander à quoi sert ce récit de transaction foncière dans la grande trame narrative de la bible.  Pour mieux comprendre ce passage, il faut prendre un pas de recul.  Cette section du livre de Jérémie a été écrite durant la période d’exile des Israélites à Babylone.  Son objectif est de raconter aux exilés les événements précédant la chute de Jérusalem.  Plus précisément, le chapitre 32 débute en 588 avant notre ère selon les informations fournies.  L’armée babylonienne, l’une des superpuissances de l’époque, assiégeait déjà la capitale du royaume de Judah.  À cette étape, rien ne pouvait plus arrêter les troupes de Nabuchodonosor, roi de Babylone.  Le sort des Israélites était scellé.  C’était juste une question de temps avant que Jérusalem tombe et soit détruite.  Comme plusieurs autres, Jérémie avait compris le sombre destin de son peuple.  Ses paroles, qui devaient exprimer tout haut ce que tout le monde savait déjà, ont conduit son incarcération dans le palais du roi.  Bref, tout va mal!

Mais tout à coup, les événements de ce récit prennent une tournure surprenante.  Le Seigneur s’adresse Jérémie, non pas pour le réassurer ou lui garantir sa sécurité, mais pour annoncer au prophète qu’il doit acheter le champ de son cousin.  Cette « invitation » est peut-être la chose la plus inutile que l’on puisse imaginer parce que nous pouvons comprendre facilement la volonté de Hanaméel de liquider ses actifs avant qu’il soit trop tard.  Mais à quoi Jérémie acquiert un lopin de terre au moment où son peuple s’apprête à être tué ou déporté.  Les Babyloniens vont s’emparer de tout ce qui va leur tomber sous la main.  Ce n’est pas un acte de vente en double exemplaire qui va les arrêter.  Pourquoi le prophète défie-t-il le bon sens et effectue-t-il cette transaction alors qu’il ne semble plus avoir d’espoir pour le peuple de Dieu? 

Même si nous ne vivons pas dans des situations extrêmement difficiles comme en Ukraine, nous avons tous et toutes connu des épisodes où nous avions l’impression que tout va mal, que tout s’écroule autour de nous, que l’univers semblait être contre nous.  Durant ces moments, même les plus optimistes éprouvent de la difficulté à trouver un peu d’espoir.  Nous nous demandons parfois : à quoi ça sert des traitements de chimiothérapie si mon cancer est incurable?  À quoi ça sert d’essayer de se réconcilier avec mon passé si les personnes qui m’ont blessé sont décédées?  À quoi ça sert de recycler mon carton et mon plastique quand les gouvernements permettent aux grandes compagnies de contourner les règlements et faire tout ce qu’elles veulent?  À certains moments, nous voyons un peu de lumière au bout du tunnel et nous sommes convaincus que c’est un train qui va nous passer dessus.  Devant nos moments de crises personnelles ou collectives, la seule réponse semble être l’anxiété, le désespoir et le découragement.

Cependant, l’auteur du texte d’aujourd’hui désire lancer un message d’espoir aux Israélites exilés à Babylone à travers l’achat d’un champ par Jérémie.  Il affirme qu’un jour, des maisons, des champs et des vignes seront achetés de nouveau dans ce pays.  À tous ceux et celles qui ont connu la défaite et l’humiliation, il déclare que leur condition actuelle n’est pas la fin de leur histoire.  Malgré les revers de fortune et les épreuves, Dieu n’a pas abandonné son peuple.  Au milieu du chaos et de la terreur, l’espoir est toujours possible, même s’ils et elles ne peuvent pas voir les résultats immédiatement.  Le prophète Jérémie n’est jamais retourné à Jérusalem pour récupérer son champ.  Son geste extravagant avait pour but de proclamer que malgré tous les signes extérieurs, le peuple de Dieu peut continuer à croire en des jours meilleurs. 

Nous savons tous et toutes que même la relation la plus intime avec Dieu ne garantit pas le bonheur et l’absence d’épreuves.  Notre condition humaine sur cette terre est souvent difficile.  Cependant, même dans les pires circonstances, nous sommes capables d’apercevoir des petites parcelles d’espoir à des moments et des endroits visibles pour ceux et celles qui savent où regarder.  Nous pouvons oser croire en une forme de rédemption.  Tous les millions d’années d’erreurs, d’égarements et de manquements ne peuvent pas nous empêcher de travailler à la restauration de notre monde. Notre condition n’est pas une fatalité, mais une étape dans la construction d’un nouveau monde.  Bien sûr, ce grand changement n’est pas pour demain.  Peut-être nos enfants ne vont pas le voir.  Mais notre foi nous amène à croire que Dieu trouvera un moyen pour nous guider vers de nouveaux horizons. Pour utiliser une expression typiquement québécoise, dans ce texte les bottines ont suivi les babines.  Dans une situation totalement désespérée, Jérémie continue à croire que Dieu restaurera son peuple.  Dans un acte défiant toute logique, le prophète achète le champ de son cousin pour montrer à tous et toutes que les pires catastrophes ne peuvent pas arrêter le destin du peuple de Dieu.  Même sans preuve ni garantie, il continue à croire en un meilleur futur.  Nous sommes appelés à être inspirés par Jérémie afin de continuer à travailler pour monde meilleur en remplissant notre petit bac à recyclage toutes les semaines.  Amen.

* Marc Olivier Jodoin, unsplash.com