Sermon – Luc 11: 1 – 13 – (24 juillet 2022)
Depuis ses débuts, la prière a été au centre de la chrétienté. Qu’elle soit soigneusement préparée d’avance ou totalement spontanée, elle est présentée comme LE moyen privilégié pour communiquer avec Dieu. Pour certains, elle est une source de pression parce qu’il faut trouver les bons mots, les bonnes postures et le bon état d’esprit. Pour d’autres, elle est synonyme de frustration et même de souffrance parce qu’elle est perçue comme un moyen de communication à sens unique, demandant un médiateur et qui n’est pas toujours efficace. Bref, après tous ces siècles, la prière demeure un sujet difficile pour plusieurs.
Le texte d’aujourd’hui, tiré de l’évangile selon Luc, débute avec Jésus priant dans un certain lieu. Quand il eut fini, les disciples s’approchent de lui et lui demandent de leur enseigner à prier. Ils ont observé leur maître à plusieurs reprises et ils veulent apprendre à faire de même. À ce moment, Jésus ne se lance pas dans de longues explications théologiques ou liturgiques. Il ne leur dit pas de se croiser les doigts, se mettre à genou et se baiser la tête. Jésus partage simplement avec ses disciples quelques mots similaires à la prière que nous connaissons aujourd’hui sous le nom du Notre Père.
Presque tous les commentaires et les analyses que j’ai consultés cette semaine se consacrent à cette section du passage d’aujourd’hui. Cependant, l’extrait qui a retenu mon attention est « demandez et vous recevrez. » Ces mots sont souvent utilisés pour convaincre les gens que Dieu exauce réellement nos prières. Je me souviens d’avoir lu un texte au sujet d’une paroisse américaine qui avait absolument besoin de 3 millions de dollars avant la fin de la journée. Les membres de la communauté, ayant épuisé toutes leurs options, se sont mis à prier. Quelques instants plus tard, le téléphone sonne et quelqu’un au bout du fil annonce vouloir faire un don de 3 millions.
Ces histoires peuvent être inspirantes pour certains, mais elles sont problématiques pour plusieurs d’entre nous parce qu’elles ne correspondent pas à notre expérience. Plusieurs de nos prières ne semblent pas avoir été entendues par Dieu. Nous avons demandé et nous n’avons rien reçu. Nous avons cherché et nous n’avons pas trouvé. Nous avons frappé et personne n’a ouvert la porte. Malgré nos longues litanies, nous avons vu des proches mourir du cancer. Nous assistons presque en direct à la souffrance créée par la guerre. Nous constatons tous les jours la misère causée par la famine, la pauvreté et l’exclusion. Si Dieu est comme un parent aimant, alors pourquoi toute cette souffrance? Pourquoi Dieu semble-t-il faire la sourde oreille?
Certains répliquent que Dieu répond toujours, mais que parfois la réponse est non. Aussi, Dieu exauce nos prières seulement si nos demandes sont justes. De plus, il est primordial de demeurer persistant et de ne pas se décourager. Ces gens soulignent que Dieu est comme cet homme qui est dérangé au milieu de la nuit par un ami. Même si la porte est fermée à clé, même si les enfants sont couchés et même s’il n’a pas envie de sortir du lit, la pression exercée incitera l’homme à se lever pour donner tout ce que son ami a de besoin. De la même façon, nous sommes appelés à insister sans gêne afin que nos prières soient répondues par Dieu.
La tentation, pour plusieurs, est de croire que ces mots de Jésus signifient que Dieu ressemble à une grosse machine distributrice divine qui a besoin d’être flattée dans le sens du poil. Tous ceux et celles qui découvrent comment cajoler Dieu verront leurs prières exaucées. Mais, nous oublions trop souvent un détail très important dans les enseignements de Jésus. L’homme qui se présente dans la nuit pour demander du pain n’est pas un pur inconnu; il s’agit d’un ami. À quelques reprises, nous nous sommes retrouvés dans cette situation où nous étions mal pris et nous avions besoin d’aide. À ces moments, nous avons vraiment dérangé un ami qui n’était pas nécessairement content de notre présence. Nous avons étiré les limites de notre amitié. Cependant, nous avons quand même osé cogner à la porte. La relation de confiance et d’intimité construite au fil du temps nous a convaincus que notre ami sera là pour nous répondre.
Au fond, le but de tous nos moments de prières n’est peut-être pas de quémander une série de faveurs. Nous ne devrions pas évaluer l’efficacité de notre vie de prière selon les résultats obtenus. La prière peut être tout simplement un véhicule pour entretenir notre relation avec Dieu. C’est un moment où nous choisissons d’arrêter quelques instants pour approfondir notre lien avec un vieil ami. C’est une occasion pour parler tout simplement de nos joies et de nos peines avec quelqu’un qui nous écoute vraiment. Peu importe notre état d’esprit, notre humeur ou les aléas de la vie, la prière est une assurance d’être vu et compris par un Dieu qui nous aime.
Comment la prière fonctionne-t-elle exactement? Pourquoi certaines de nos prières ne sont-elles pas exaucées? Honnêtement, je ne le sais pas plus que vous. Lorsque ces disciples lui demandent de leur enseigner à prier, Jésus n’insiste pas sur la mécanique de l’exercice. Il invite plutôt ses disciples à se concentrer sur leur relation avec Dieu, sur cette amitié qui nous permet d’être toujours honnêtes, sur cette intimité développée au fil du temps qui nous pousse à accomplir des gestes que nous ne ferions pas nécessairement pour les autres. Amen.