Sermon – Luc 21: 25-36 (28 novembre 2021)

Luc 21 : 25-36

L’une des caractéristiques des grandes Églises nord-américaines est la propension à glorifier leur passé.  Même inconsciemment, nous avons développé une certaine nostalgie d’un âge d’or où les églises étaient pleines, l’argent coulait à flots et nous exercions une influence significative sur la société.  C’était le bon vieux temps.  Nous aimons également regarder vers le futur.  Nous écrivons des livres sur les 5 astuces faciles pour redynamiser nos paroisses.  Les structures institutionnelles mettent de l’argent de côté pour financer de nouveaux projets… éventuellement.  Nous rêvons de devenir une Église ressuscitée. Souvent, notre plus grand problème est le présent.  Après tous les trop nombreux scandales et l’évolution des mentalités de notre société, nous constatons que les recettes du passé ne fonctionnent plus aujourd’hui.  Cependant, nous semblons être incapables de discerner clairement une nouvelle direction.  Nous sommes inconfortables.  Nous hésitons.  Nous avons peur.  Et plus que le temps passe, plus nous nous demandons si nous allons survivre en tant qu’institution.  Est-ce qu’il y aura encore des églises ouvertes dans 20 ans?  Est-ce que l’Église cessera d’exister un jour ?

En ce premier dimanche de l’avent, nous avons un autre texte apocalyptique, cette fois tiré de l’évangile selon Luc.  Après avoir annoncé la destruction de la ville de Jérusalem, Jésus se lance dans une longue tirade sur les signes annonciateurs du jour du Jugement. Dans un superbe crescendo d’images et d’émotions, il décrit les nombreuses tribulations qui attendent les êtres humains.  Les astres du ciel seront déstabilisés.  Des désastres naturels bouleverseront la vie des gens.  Les guerres et les conflits armés se multiplieront entre les nations.  Finalement, le Fils de l’homme arrivera sur son nuage pour reprendre le contrôle sur le monde avec gloire et puissance.  Cette vision a un parfum de fin du monde digne de scénarios hollywoodiens. 

Quand nous entendons ces mots, plusieurs pensent immédiatement qu’il s’agit d’une prophétie portant sur un futur plus ou moins distant.  Cependant, lorsque nous prenons le temps de regarder les signes visibles et évidents qui nous entourent, nous devons admettre que notre monde n’est pas si différent de la vision de Jésus.  Les changements climatiques provoquent des catastrophes naturelles comme les récentes pluies diluviennes en Colombie-Britannique et les provinces de l’Atlantique.  De nombreux pays nourrissent des conflits armés avec leurs voisins.  Des purges ethniques se déroulent au grand jour sans que la communauté internationale intervienne vraiment.  Un grand nombre de personnes désirent être gouvernées par un homme fort, un sauveur, qui viendrait résoudre la complexité de notre monde.  Dans un tel contexte, il n’est pas surprenant de rencontrer des personnes angoissées, effrayées ou tentées par une forme de radicalisation ou une autre.  

Dans le fond, peut-être ce passage un peu difficile à comprendre est le texte parfait pour débuter le temps de l’avent.  Même si l’intensité de la pandémie a diminué un peu, même si nous allons peut-être pouvoir célébrer avec familles et amis pour la première fois depuis très longtemps, le temps des fêtes demeure un moment de crise pour plusieurs d’entre nous.  Les prochaines semaines seront peut-être les moments les plus stressants de l’année.  Les frustrations, les vieilles histoires de famille et les conflits irrésolus resurgiront.  Nous connaissons l’histoire.  Nous avons joué dans ce film au moins une centaine de fois.  Nous nous rappelons surement avec nostalgie certains Noëls de notre jeunesse où tout semblait plus simple.  Nous rêverons peut-être à la possibilité de célébrer dans une île tropicale ensoleillée dans un futur rapproché.  Il y a juste le présent qui nous procure angoisses et peurs.

Et pourtant…  Et pourtant, les prochaines semaines seront un moment privilégié pour apprivoiser cette tension entre l’avant et l’après, pour établir un lien entre le passé et le futur. Pendant des siècles, le peuple de Dieu a attendu la venue d’un Messie pour réparer sa relation avec Dieu et rétablir un royaume digne du temps du roi David.  L’anticipation de la venue d’un nouveau monde proclamé par les prophètes nourrissait l’espoir des gens.  La volonté de Dieu triomphera enfin sur les ennemis de son peuple.  Mais l’incarnation de cet espoir ne s’est pas déroulée comme prévu.  La naissance du Christ s’est produite durant des temps troubles, dans une région du monde occupée par un ennemi, dans une famille pauvre, dans l’indifférence la plus totale. 

Cet événement insignifiant a pourtant transformé l’histoire de l’humanité.  Ce moment a marqué la fin du monde… ou pour être plus précis… la fin d’un monde et le début d’un autre.  La naissance d’une seule personne nous appelle, 2000 ans plus tard, à pardonner sans compter, à aimer son prochain et ses ennemis d’une manière extravagante, à partager avec les plus démunis, à nous soucier des exclus et des marginaux, et à réclamer la fin de la violence de nos quartiers jusqu’à l’ensemble de la planète.  Sans la venue de cette personne, notre monde n’aurait pas vu le jour.  Sans cette déstabilisation profonde, nous ne connaitrions pas un message qui peut donner un sens à notre existence. 

Ce genre de naissance est toujours difficile.  Beaucoup préfèrent la certitude et le statu quo de l’ancien monde, aussi désagréable qu’ils puissent être, qu’à toutes les nouvelles possibilités à construire ensemble.  Bien sûr, le temps de transition n’est pas toujours plaisant et souvent plus long que prévu.  Néanmoins, ce processus est nécessaire pour parvenir à une transformation profonde de nos êtres et de notre monde.  

Je l’admets.  Le texte biblique de ce soir et peut-être cette réflexion ne sont pas les plus inspirants pour débuter le temps de l’avent.  Vous auriez peut-être apprécié davantage un message sur la joie et l’espoir au lieu d’entendre parler de troubles, d’épreuves et de stress.  Mais nous sommes appelés à nous souvenir que la fin d’un monde n’est pas la fin de tout.  Comme ce fut le cas dans le passé, comme cela continuera d’être dans le futur, un nouveau monde est sur le point d’émerger.  Malgré les prophètes de malheur et les signes décourageants, nous pouvons conserver l’espoir parce que Dieu trouve toujours un moment pour se pointer le nez là où nous nous y attendons le moins.  Amen.

* javier allege barros, unsplash.com