Sermon – Luc 23: 33-43 (20 novembre 2022)
Luc 23 : 33 – 43
Il y a quelques semaines, j’ai mentionné que la fin du calendrier liturgique me semblait être un ramassis de textes et des thématiques difficiles et compliquées. En ce dernier dimanche avant le début de l’Avent, l’Église Catholique Romaine et plusieurs Églises de la famille protestante célèbrent la fête du Christ Roi qui a été instituée par le pape Pie XI en 1925. Devant la montée de la sécularisation et du nationalisme étatique, l’objectif de cette initiative était d’affirmer la domination du Christ, non seulement sur l’Église, mais sur l’ensemble de la Création. En s’appuyant sur de nombreux textes du Nouveau Testament, notamment 1er Timothée et l’Apocalypse, Jésus Christ est déclaré officiellement le Roi des rois.
À première vue, le passage d’aujourd’hui suggéré par le lectionnaire n’est peut-être pas le meilleur afin d’établir cette « royauté » du Christ. Nous assistons plutôt à la crucifixion de Jésus dans l’évangile selon Luc. Le lien avec le thème de ce dimanche semble être l’inscription : « Celui-ci est le roi des Juifs. » Cependant, cet écriteau placé par les autorités romaines n’était pas une reconnaissance du statut de Jésus, mais un avertissement pour l’ensemble de la population. Si vous osez sortir du rang, si vous osez défier notre autorité, si vous proclamez la venue d’un royaume différent de l’Empire romain, voici ce qui vous arrivera. Au lieu de démontrer sa toute-puissance, le Roi des rois est humilié après avoir été abandonné par tous et toutes. Les chefs des juifs et les soldats se moquaient de lui. Même l’un des malfaiteurs crucifiés à ses côtés l’insultait en disant : « N’es-tu pas le Messie? Sauve-toi toi-même et nous avec toi! »
Évidemment, les apparences sont souvent trompeuses. Depuis aussi loin que je me souvienne, on m’a expliqué que Jésus était une différente sorte de roi. Il n’était pas un dirigeant puissant qui impose sa volonté par la force ou la coercition. Il était plutôt un messie humble et dépouillé. Sa gloire s’est manifestée dans son sacrifice ultime. La folie de la croix, comme le mentionne Paul dans la première lettre aux Corinthiens, a transformé un perdant en le plus grand des gagnants.
Cependant, je ne peux m’empêcher de me demander si cette compréhension de la crucifixion ne tente pas d’établir, un peu par la bande, la royauté toute puissante du Christ. « Mes chers amis, notre messie n’est pas le plus fort physiquement ou militairement. Il a été mis à mort comme un vulgaire malfaiteur. Mais ne vous y trompez pas. Il possède le vrai pouvoir. Il domine un royaume bien plus important que tous les royaumes terrestres. Il est le roi de l’univers et à son retour il jugera les morts et les vivants. Si les gens de son époque n’ont rien compris à sa grandeur, nous savons que Jésus est le vrai dirigeant à qui nous devons obéir. »
Je crois que les autorités de l’époque ont très bien compris qui était Jésus. Elles l’ont crucifié parce que son message était profondément subversif. Plusieurs, à cette époque, attendaient l’émergence d’une figure messianique qui allait lever une armée, reverser les Romains et libérer le peuple de Dieu. Cependant, Jésus a choisi de suivre une autre voie, celle du renversement. Ce grand personnage ne naît pas dans un palais somptueux, mais dans une crèche au milieu de nulle part en compagnie d’inconnus et d’étrangers. Au tout début de son ministère, à la synagogue de son village natal, il déclare être venu pour proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue. Durant sa vie, Jésus appelle des pécheurs notoires à le suivre, invite les gens à aimer leurs ennemis et demande de donner sans compter. Il annonce une bonne nouvelle pour les pauvres, les affamés et les rejetés de notre monde. Même sur la croix, à quelques instants avant sa mort, il décide d’inclure un malfaiteur dans son royaume. Au lieu de prendre les armes pour changer le régime en place, Jésus lance une révolution dans l’esprit des êtres humains. Son royaume n’est pas une utopie ou une promesse atteignable dans un autre monde. Il est une réalité concrète accessible tous les jours pour ceux et celles qui choisissent d’y adhérer. Jésus est venu nous présenter peut-être la chose la plus épeurante pour les personnes en position d’autorité. Il a été crucifié pour tenter d’arrêter ce mouvement plus puissant que de plusieurs légions armées.
Aujourd’hui, nous sommes les héritiers de ce royaume. Nous sommes loin d’avoir terminé cette révolution, mais Jésus le Christ demeure au cœur de notre volonté de réformer notre monde. Ses mots et ses actions nous guident dans notre désir de créer une société plus juste et équitable pour tous et toutes. Nous ne devons pas nous cacher à l’intérieur dans nos églises et nos temples. Nous sommes appelés à l’action afin d’incarner tous les jours la puissance de l’amour, du pardon et de la charité. Nous sommes appelés à véhiculer un message différent de notre société trop souvent cruelle pour que la compassion devienne plus importante. Nous sommes appelés à oser écouter les sans-voix de notre monde afin de solutionner nos problèmes différemment. Nous sommes appelés à devenir des agents subversifs pour le triomphe de la vision proposé par Jésus.
Pour plusieurs d’entre nous, le langage associé à la royauté du Christ semble complètement dépassé et cela n’a rien à voir avec le roi Charles III. Cependant, Jésus était vraiment un roi, le roi de la subversion. Devant notre monde marqué par le pouvoir et la domination, il a lancé un mouvement basé sur l’amour, le pardon et le partage. Cette grande révolution des esprits ne se gagne pas dans les rues, mais dans nos esprits et nos cœurs. Amen.