Sermon – Luc 3: 1-6 (5 décembre 2021)

Luc 3 : 1-6

Traditionnellement, les Églises plus progressives, comme l’Église Unie du Canada, aiment beaucoup les prophètes du Premier Testament.  Les gens adorent lorsqu’ils dénoncent les injustices, confrontent les abus des autorités et appellent les croyants à se rapprocher de la vision de Dieu pour l’humanité.  Je crois même que la majorité des paroissiens serait capable de citer le verset 8, du chapitre 6, du livre de Michée : « Qu’est-ce que le Seigneur demande : respecter les droits des autres, d’aimer avec bonté et de suivre avec soin le chemin que votre Dieu indique. »  Cependant, nous oublions trop souvent que la vie des prophètes n’était pas de tout repos.  Leurs contemporains ne voulaient pas vraiment les écouter.  Aucun d’entre eux n’a remporté un concours de popularité auprès des autorités ou de l’establishment religieux.  Leurs discours sans compromis les ont plutôt conduits à se cacher dans des régions plus reculées, désertiques et en marge de la société afin de sauver leur vie.  On ne peut pas dire qu’il s’agisse du meilleur choix de carrière que l’on puisse imaginer.

Comme chaque année, le temps de l’avent nous ramène le personnage de Jean le Baptiste.  Dans le texte d’aujourd’hui, tiré de l’évangile selon Luc, nous pouvons lire que la parole de Dieu se fit alors entendre à Jean, fils de Zacharie, dans le désert.  Cette courte phrase remplie de petits détails, nous permet de comprendre un peu mieux ce personnage un peu hors norme.  Nous ne le retrouvons pas à Jérusalem, aux côtés de son père Zacharie qui était un prêtre du Temple.  Il ne proclame pas son message dans un lieu officiel spécialement désigné par les autorités pour louanger le Seigneur.  Jean se trouve plutôt dans le désert, un endroit fréquenté par plusieurs prophètes avant lui.  Il parcourt une région aride et dangereuse, mais aussi réputée pour être un endroit privilégié pour le renouveau et les révélations divines.  C’est à cet endroit que Jean apparaît.  Sans aucune forme d’autorisation officielle, il proclame un message qui critique vivement le monde qui l’entoure.

Mais malgré toutes les similitudes, un élément important différencie le discours de Jean le Baptiste de ceux des prophètes du Premier Testament.  Ces derniers ont annoncé la naissance d’un sauveur ou la venue d’un jour du Jugement divin… dans un futur plus ou moins distant.  Les inégalités, les souffrances et les humiliations seront réparées lorsque ce moment arrivera à une date indéterminée.  Pour sa part, Jean proclame l’imminence de l’arrivée d’un messie et du début d’un nouveau monde.  La longue liste de dirigeants et de lieux géographiques dans notre passage vise à ancrer ce moment précis dans l’histoire.  Le temps n’est plus à établir des plans d’action qui seront peut-être fonctionnels dans une quinzaine d’années… si on est chanceux et qui coûteront le double du budget initial.  Le temps de l’attente est terminé.  Le moment de cette profonde transformation est arrivé.  L’espoir d’un peuple, entretenu sur plusieurs générations, est sur le point de se concrétiser.  La préparation à accueillir Dieu en se repentant de ses péchés débute maintenant.  

Plusieurs d’entre nous ont déjà désiré quelque chose pendant longtemps, que ce soit un emploi, une récompense ou un projet.  Durant cette période de l’année, certains rêvent de cadeaux ou de réunions avec familles et amis.  Comment réagissons-nous lorsqu’on nous annonce que tous nos espoirs vont se réaliser?  Avons-nous de la difficulté à croire aux paroles, aux signes et aux indices autour nous?  Croyons-nous qu’il y a une attrape parce que c’est trop beau pour être vrai?  Avons-nous un peu peur des changements et des répercussions sur nos vies?  Demeurerons-nous sceptiques, méfiants ou en déni afin de nous protéger d’une autre déception?  Essayons-nous de repousser à un autre jour toute prise de décision?  

La réponse de Jean le Baptiste à toutes ces questions est très simple.  Que vous soyez prêts ou non, le temps est arrivé.  Le temps des demi-mesures, des rafistolages ou des compromis est terminé.  Le changement est déjà en cours.  La transformation de notre monde a débuté.  Le temps est venu de combler les vallées, d’abaisser les collines, de redresser les courbes, d’égaliser les chemins et de faire disparaître tous les obstacles qui nous empêchent d’avancer.  Le temps est venu de repenser les systèmes et les structures déficientes que nous acceptons depuis trop longtemps.  Le temps est venu de repenser complètement les notions de pouvoir, de privilèges et d’influences.  Le temps est venu parce que la présence de Dieu, l’incarnation de tous nos espoirs, celui que l’on nomme le Christ, est sur le point d’être vue et connue par tous et par toutes. 

Dans la liturgie chrétienne, nous réduisons trop souvent le rôle de Jean le Baptiste à annoncer la venue de Jésus durant l’avent et son baptême quelques semaines plus tard.  Pourtant, cet homme qui s’inscrit directement dans la tradition des prophètes marque un point tournant dans l’histoire du peuple de Dieu.  Le temps n’est plus à l’attente d’un moment lointain où Dieu solutionnera nos problèmes.  Le temps de confronter ce qui ne fonctionne pas autour de nous débute maintenant.  Le temps de transformer notre monde débute maintenant.  Le temps d’accueillir la présence de Dieu dans nos vies débute maintenant.  Amen. 

* erik witsoe, unsplash.com