Sermon – Luc 6: 17-26 (13 février 2022)
Luc 6 : 17-26
Luc 6 : 17-26
Pour une raison que j’ignore, les êtres humains semblent être fascinés par les gens qui semblent avoir réussi dans la vie. Combien idéalisent la vie de Céline Dion à Las Vegas par exemple? À plus petite échelle, nous regardons parfois nos voisins ou nos amis et nous croyons qu’ils ou elles mènent une belle vie : un bon emploi, une belle maison, des enfants sages… Cependant, lorsque nous grattons un peu le vernis, nous nous rendons souvent compte que leur réalité est beaucoup plus complexe. Le succès ne garantit pas nécessairement le bonheur ou la tranquillité d’esprit. La peur de perdre ses acquis conduit souvent à la prise de mauvaises décisions et de choix douteux.
L’extrait d’aujourd’hui nous présente la version des Béatitudes de l’évangile selon Luc. Plusieurs connaissent très bien le célèbre sermon sur la montagne dans Matthieu. Jésus y déclare : « Heureux ceux qui sont humbles de cœur. Heureux ceux qui sont doux. Heureux celles qui ont faim et soif de justice. » Le passage en Luc est différent. Jésus descend de la montagne pour s’adresser aux gens sur la plaine. J’ai grandi à la campagne et on disait ‘sur le plancher des vaches’. De plus, Jésus ne semble pas s’adresser à l’ensemble des disciples de tout temps et de tout lieu, mais à un regroupement précis de gens déchus, pauvres, maltraités, et humiliés sur une base quotidienne. Ce contexte explique peut-être le côté un peu plus brut, plus cru de ces Béatitudes. « Heureux, vous qui êtes pauvres. Heureux, vous qui avez faim. Heureux vous qui pleurez maintenant. » Ces mots ne tentent pas de répondre à de grandes questions théologiques ou sociétales; ils visent à consoler les désœuvrés de notre monde.
Avec ces quelques phrases, Jésus présente le grand principe au cœur du royaume de Dieu. Il proclame l’avènement d’un grand renversement qui va à l’encontre de la sagesse populaire. Les pauvres, les affamés et les laissés pour compte peuvent se réjouir parce que leur situation s’améliorera à la suite d’une redistribution plus équitable des richesses. Les gens déchus, maltraités, humiliés, peuvent espérer à un meilleur sort parce qu’ils occupent une place spéciale dans le cœur de Dieu. Une communauté organisée autour de nouvelles bases émergera de transformation radicale de notre monde.
Il est difficile d’être contre ces beaux principes de justice sociale proclamés par Jésus. Cependant, la suite de son discours est un peu plus dérangeante. Il déclare : « Malheur à vous qui êtes riches. Malheur à vous qui avez tout en abondance maintenant. Malheur à vous qui riez maintenant. » Généralement, nous ne sommes pas contre l’abolition de la pauvreté… tant et aussi longtemps que nous ne perdons rien dans le processus. Pour ceux et celles d’entre nous qui vivent confortablement dans l’un des pays les plus riches du monde, la promesse de la venue du royaume de Dieu ne semble pas être une bonne nouvelle.
Sans nous lancer dans une critique virulente du capitalisme et de l’argent, nous pouvons trouver dans les mots de Jésus une sagesse trop souvent oubliée. Les conditions de toutes les personnes riches, populaires et privilégiées sont souvent précaires. Un rien peut faire basculer profondément leur existence : une perte d’emploi, un diagnostic médical, un commentaire de trop sur les médias sociaux… Le désir de conserver fortune, gloire et position sociale chèrement gagnée peut nous conduire à choisir le confort lorsque l’audace est requise, à nourrir un vide intérieur avec le dernier gadget, à endurer une situation inacceptable au lieu de la dénoncer. L’aisance et la prospérité peuvent être à la source de beaucoup de malheur et de souffrance.
Je ne crois pas que ces mots de Jésus visent à condamner toutes les personnes qui ont un peu d’argent dans leur compte de banque ou à l’inverse, à présenter une vision romantique de la pauvreté, en faire un idéal à atteindre. Il nous présente tout simplement un constat de la condition humaine. Et si cette liste de bénédictions et de condamnations n’est pas accompagnée d’une marche à suivre claire, nette et précise, elle nous invite à réfléchir sur l’état du monde dans lequel nous vivons. C’est pourquoi nous devons travailler pour changer le présent afin de renverser les injustices de notre monde. Nous sommes invités à nous libérer de toutes les contraintes qui nous enferment dans l’immobilisme. Nous sommes appelés à adopter des valeurs et des principes qui nous aident à nous approcher du royaume de Dieu.
Heureux, vous qui êtes pauvres, qui avez faim, qui pleurez maintenant. Malheur à vous qui êtes riches, qui avez tout en abondance, qui riez maintenant. Parfois, les mots de Jésus sont difficiles à entendre. Nous sommes tentés de faire disparaître les passages plus confrontant. Nous préférons les belles histoires qui nous confortent à celles qui critiquent les valeurs acceptées par notre société. Pourtant, les mots de Jésus dans le texte d’aujourd’hui nous offrent une vision de ce que notre monde devrait être et nous appellent tous et toutes à devenir des agents de cette profonde transformation. Amen.