Sermon – Luc 6: 27-38 (20 février 2022)
Luc 6 : 27-38
Lorsque j’étais un étudiant au Cégep, notre professeur de philosophie, M. Anton Kaluzny, nous a raconté l’histoire d’un Afro-Américain qui déambule dans les rues d’une ville du Sud un beau dimanche après-midi. Soudain, un suprématiste blanc sort de nulle part et frappe notre homme en plein visage sans aucune raison. Ce dernier ne bouge pas d’un poil, alors le suprématiste blanc le frappe une deuxième fois. À ce moment, l’homme enlève son veston tranquillement, roule ses manches et flanque une raclée à un assaillant. Quand la nouvelle s’est répandue, les amis de l’homme ont accouru et lui ont demandé : « Mais qu’as-tu fait? Nous pensions que tu étais un bon Chrétien? » « Mais je le suis », leur dit-il. « J’ai fait exactement ce que la Bible nous enseigne. On m’a frappé sur une joue, j’ai montré la seconde et comme Jésus ne donne aucune instruction après ce point, j’ai pu faire tout ce que je voulais. » Je ne sais toujours pas quelle est la leçon que mon professeur de philosophie a voulu nous enseigner. Cependant, j’ai découvert ce jour-là les dangers d’une interprétation trop littérale d’un texte biblique.
Après avoir annoncé que dans le Royaume des cieux notre monde sera profondément transformé, Jésus continue son discours dans le passage d’aujourd’hui en déclarant à tous ces disciples qui l’écoutait : « aimez vos ennemis, faites-leur du bien et prêtez sans rien espérer recevoir en retour. Si quelqu’un te frappe sur une joue, présente-lui aussi l’autre ; si quelqu’un te prend ton manteau, laisse-le prendre aussi ta chemise. Donne à quiconque te demande quelque chose, et si quelqu’un te prend ce qui t’appartient, ne le lui réclame pas. »
Jésus devait très bien savoir très bien que nous ne vivions pas dans un monde peuplé de licornes. Souvent, être trop gentil est considéré comme une faiblesse dans notre société. Personne ne veut être le punching bag de toutes les personnes en colère. Nous n’espérons pas être un tapis piétiné par ceux et celles qui ne montrent aucun égard envers les autres. Nous préférons utiliser les mêmes armes et les mêmes tactiques de nos adversaires pour nous assurer la victoire. À la guerre comme à la guerre.
Pour ces raisons, plusieurs d’entre nous ont de la difficulté avec le message de Jésus d’aujourd’hui. Cependant, l’une des clés pour le comprendre se trouve dans une courte phrase trop souvent oubliée. « Faites pour les autres exactement ce que vous voulez qu’ils ou elles fassent pour vous. » Ces mots sont souvent surnommés la règle d’or parce que ce principe est énoncé dans presque toutes les grandes religions et cultures du monde. Ils nous rappellent que si nous n’avons aucun contrôle sur les mots et les actions des autres, nous pouvons nous contrôler. Si les autres agissent comme des barbares, nous n’avons pas à devenir des barbares à notre tour. Si un homme entre dans ma maison, y met le feu et s’enfuit, je peux décider de suivre cet homme, de le battre, et même de mettre le feu à sa maison, mais pendant tout temps ma maison brûle toujours et je risque de tout perdre.
Le théologien Walter Brueggemann a écrit que lorsque notre vie est guidée par la peur et la haine, nous devenons petits et nous sommes constamment sur la défensive. Nous nous fermons à la présence de Dieu et de sa profonde générosité et de son amour infini. Cependant, lorsque nous ouvrons aux voies de Dieu, notre volonté de tout contrôler éclate en mille morceaux et nous permet de découvrir comment donner, pardonner et imaginer un nouveau monde. Si nous avons été créés à l’image de Dieu, nous nous devons de refléter son amour, sa compassion, et sa pitié. Nous devons devenir le visage de Dieu dans ce monde.
Nous pouvons tous et toutes décider de vivre dans le monde que nous créons par nos actions et nos mots. Nous avons le pouvoir d’influencer les gens autour de nous par notre générosité, nos prières, notre compassion ou simplement notre sourire. Au lieu d’aimer seulement ceux et celles qui pourraient nous rapporter quelque chose dans le futur, nous pouvons étendre cet amour aux personnes qui en ont le plus besoin. Au lieu de nourrir la rancœur et un désir de vengeance qui finissent toujours à nous gruger de l’intérieur de toute façon, nous pouvons nous libérer de notre fardeau en pardonnant sans rien espérer en retour. Au lieu de tenter de nous élever en marchant sur la tête des autres, nous pouvons utiliser notre force pour relever ceux et celles qui sont tombés. Nous pouvons choisir de voir un être humain devant nous et inviter cette personne à faire de même. Nous pouvons vivre selon des règles basées sur l’amour, le pardon et la générosité.
Nous avons tous et toutes le pouvoir d’utiliser tous les outils à notre disposition pour nous extirper des situations difficiles sans nécessairement blesser ou heurter notre prochain. Nous pouvons prendre un peu de recul lorsque nous ne voyons pas de solutions intéressantes. Nous pouvons tourner notre langue 7 fois dans notre bouche avant de prononcer des paroles qui peuvent humilier ou dénigrer une autre personne. Nous pouvons prendre une grande respiration avant de répondre aux insultes qui nous sont adressées. Nous avons le pouvoir de briser le cercle vicieux de la violence. Nous pouvons réclamer justice sans tenter d’assouvir nos désirs de vengeance. Nous pouvons refuser de jouer à un jeu dans lequel il doit absolument avoir un gagnant et un perdant.
Aimez. Soyez bon. Priez pour vos ennemis. Tendez l’autre joue. Donnez sans rien demander en retour. Voilà le défi extraordinaire que Jésus envoie à tous ses disciples. En allant à l’encontre d’une certaine sagesse populaire, nous sommes invités à découvrir une nouvelle façon de vivre et à créer le Royaume des cieux maintenant et ici. Amen.