Sermon – Marc 1: 4-11 (10 janvier 2021)
Marc 1 : 4-11
J’aimerais amorcer ma réflexion en vous montrant quelque chose. Lorsque j’étais en paroisse dite traditionnelle, beaucoup de parents me demandaient quel était le tarif pour faire baptiser leur enfant. Je leur répondais qu’il n’y avait aucun coût pour recevoir un sacrement… à l’exception d’une chose. J’exigeais une bonne photo avec l’enfant. Cette demande était non négociable. C’est ainsi que j’ai pu construire ce que j’appelle mon Hall of Fame. Je conserve dans le premier tiroir de mon bureau de travail un album contenant les photos de tous les enfants que j’ai eu l’honneur de baptiser. Pour être totalement honnête avec vous, j’aime ma mission de construire une communauté de foi sur Internet, mais baptiser des enfants me manque énormément. Qui sait? Peut-être dans le futur…
Le jour du baptême d’un enfant est toujours magnifique. Parents, familles et amis se réunissent pour présenter une nouvelle vie à l’ensemble de la communauté. C’est un rite de passage important. C’est un sacrement fondamental de la foi chrétienne. Mais lorsque l’on demande aux gens de parler du baptême, souvent ils éprouvent de la difficulté à expliquer sa signification. Je crois qu’on ne peut pas les blâmer parce que ce sacrement est devenu dans notre culture occidentale quelque chose de légal, un marqueur de membership à une Église ou une autre, ou une simple police d’assurance juste au cas où. En même temps, trop d’Églises présentent le tout comme une démarche formatée, remplie de formalités, et conditionnel à un cours de préparation visant à s’assurer que les parents, et non l’enfant baptisé, ont la bonne foi.
Peut-être que vous savez déjà que chaque semaine le lectionnaire suggère 4 lectures bibliques. Le texte de l’évangile pour cette semaine est essentiellement le début de Marc. Pour le Premier Testament, c’est le début du livre de la Genèse, le grand récit de la création du ciel et de la terre. Contrairement à ce que certains croient, ce processus ne débute pas à partir de rien. Le deuxième verset dit : « La terre était comme un grand vide, l’obscurité couvrait l’océan primitif, et le souffle de Dieu agitait la surface de l’eau. » Le chaos et le désordre régnaient sur un monde d’une noirceur impénétrable et aux contours imprécis. Le texte en hébreux décrit cette atmosphère par le mot tohu-bohu que nous utilisons en français. C’est dans ce contexte que Dieu s’invite dans l’histoire. Par la seule force de sa voix, Dieu commence à placer et ordonner les choses. Dieu donne un sens à cet univers primaire, dangereux et difficile à contrôler, mais toutefois chargé d’espoir.
Le texte de ce soir ne débute pas dans la ville de Jérusalem ou à l’intérieur de son Temple où les gens pouvaient pratiquer tous les rituels associés leur foi. Nous trouvons Jean dans le désert. Il a établi ses opérations dans un endroit à la frontière de la civilisation et du monde sauvage. Jean proclame son appel à la repentance des péchés dans un lieu marqué par le désordre et de chaos.
Un jour, un certain Jésus de Nazareth se pointe. Dans le texte de ce soir, il n’y a pas de référence familiale entre les deux hommes, ni de conversation un peu bizarre : « C’est toi qui devrais me baptiser. Non, c’est toi. Non, non toi. Toi, j’insiste… » En fait, la description de l’événement est un peu banale : « Jean le baptisa dans le Jourdain ». Ce qui rend ce moment spécial est que Dieu s’invite à la fête au moment où Jésus sort des eaux. Les cieux se déchirent et l’Esprit Saint descend sous la forme d’une colombe. La voix de Dieu se fait entendre et déclare son amour pour Jésus. Il n’y a rien d’extrêmement structuré ou ritualisé dans le baptême de Jésus. On assiste plutôt à une scène marquée par l’imprévisible et l’incontrôlable. C’est un moment de chaos duquel émergera quelque chose de beau et puissant.
J’ai eu la chance de célébrer beaucoup de baptêmes depuis mon ordination et jamais les cieux ne se sont ouverts comme décrit dans le texte de ce soir. Mais le chaos par exemple… ça oui. Il y a eu tous ces bébés qui pleurent. Il y a une couche à changer juste avant de procéder. Il y a eu un enfant qui a apporté son jouet en avant et l’a lancé dans les fonts baptismaux. Il y a eu une petite fille qui est partie en courant dans l’allée principale quand je lui ai demandé si elle était prête. Toutes ces histoires n’ont rien de solennel. Pourtant, ce fut à chaque fois des moments joyeux et magiques. Ce fut des moments où l’amour a rayonné de plein feu dans l’endroit. Ce fut des célébrations de ce qui est beau et bon dans notre monde. Ce fut des moments d’authenticité qui donnent parfois des raisons de continuer d’espérer malgré notre monde trop souvent déprimant et cruel. Ce fut des moments où Dieu s’est invité à la fête et a déclaré son amour pour une personne aussi petite et jeune quelle puisse être.
Je ne suis pas un bon agent de recrutement pour l’Église, car je ne crois pas que tous les enfants doivent être baptisés pour être aimés par Dieu. Je ne crois pas que quelques gouttes d’eau reçues sur le front facilitent notre accès au paradis. Cependant, je suis convaincu que le baptême est sacrement très important. C’est un moment spécial qui déclare publiquement qu’une personne est aimée de Dieu depuis le moment de sa naissance. C’est une affirmation que peu importe nos choix, nos décisions ou notre parcours, Dieu sera toujours présent et tentera de transformer le chaos de nos vies en quelque chose de beau et puissant. Gloire soit rendue à Dieu et amen.