Sermon – Marc 6: 1-13 (4 juillet 2021)
Il y a quelques années, j’ai assisté à une rencontre d’anciens moniteurs d’un camp de vacances où j’ai travaillé lorsque j’étais beaucoup plus jeune… et surtout beaucoup plus maigre. À la blague, j’ai dit à une amie, Isabelle, que si elle se mariait dans les douze prochains mois, j’étais prêt à faire la cérémonie gratuitement. À peu près deux semaines plus tard, je reçois un courriel d’un certain Patrik me disant qu’après plusieurs années de demandes en mariage, Isabelle avait finalement dit oui… à condition que ce soit moi qui célèbre. Naturellement, j’ai accepté. Le jour venu, tout s’est bien déroulé. Mais un peu plus tard dans la soirée, un autre ancien moniteur du camp de vacances est venu m’avouer que malgré mon aube et mon étole, il avait l’impression que j’allais présenter le grand jeu de l’après-midi, comme je le faisais 20 ans plus tôt.
Une des choses que ma mère m’a apprises est que l’on ne peut pas contrôler la perception des autres. Certaines personnes qui m’ont connu à l’époque où je portais des robes pour divertir des enfants ont beaucoup de difficulté à imaginer que je suis devenu un pasteur. Et pourtant. Comme je le répète souvent, les êtres humains semblent avoir un besoin viscéral de catégoriser, de définir ou de mettre dans des petites boîtes les personnes autour d’eux. Et une fois que cette perception est bien ancrée dans leur cerveau, il est très difficile de la modifier. Malgré l’âge ou les accomplissements, nous demeurons toujours pour elles ou pour eux la même personne : le fils de Julien, le clown de service ou la fille qui a des idées et des valeurs un peu bizarres.
Peut-être avez-vous vécu la même expérience en parlant de foi ou de religion avec des gens autour de vous. La majorité de la population d’aujourd’hui a une perception bien précise des grandes religions de notre monde et le christianisme ne fait pas exception. Nous pouvons tenter d’expliquer que nous ne sommes pas tous et toutes pareils. Nous pouvons affirmer qu’il est possible de croire en Dieu et être progressif, ouvert d’esprit et croire en théorie de l’évolution. Nous pouvons proclamer que nous essayons de construire un modèle de communauté de foi différent à Sainte-Claire. Plus souvent qu’autrement, il n’y a rien à faire. Dans l’esprit de ces gens, il n’y a aucune différence entre 1951 et 2021.
Le texte de ce soir débute par le retour de Jésus dans le village où il a grandi. Il revient à Nazareth, avec ses disciples, après avoir calmé une tempête, exorcisé un homme tourmenté par de mauvais esprits, guéri une femme qui avait des pertes de sang depuis 12 ans et ramené à la vie la fille de Jaïrus. Avec ce palmarès assez impressionnant, nous pourrions nous attendre que les habitants du village soient fiers du succès de l’un des leurs; qu’ils le traitent comme un héros local. Mais dès que Jésus se met à enseigner dans la synagogue, les critiques commencent à se faire entendre. « Pour qui se prend ce jeune homme? C’est le charpentier, le fils de Marie… Et remarquez que je n’ai pas dit le fils de Joseph parce que, je ne veux pas faire ma langue sale, mais nous connaissons tous et toutes l’histoire de la « conception » de cet enfant. Pourquoi serait-il plus spécial que ses frères et ses sœurs qui habitent encore parmi nous. Voyons! Et maintenant, il faudrait croire qu’il est le Messie. Soyons sérieux pour deux minutes! Non! Ce jeune homme doit apprendre à demeurer à sa place. » Le grand retour de Jésus à Nazareth est un échec retentissant. À part la guérison de quelques malades, il n’a pas pu accomplir d’autres miracles. Les gens de Nazareth n’ont pas été capables de dépasser leurs perceptions initiales de Jésus.
Cette expérience décevante aurait surement découragé la majorité d’entre nous. Elle aurait pu nous amener à croire en la perception des autres à notre sujet et que nous ne pouvons pas aller outre nos caractéristiques originales. Mais comme nous le savons toutes et tous, Jésus n’a pas baissé le bras. Au contraire, il envoie ses disciples en mission immédiatement après cet échec. Les anciens pêcheurs, collecteurs d’impôt et autres gagne-petit sont envoyés enseigner dans tous les villages des environs sans aucune formation spéciale. Jésus les prévient qu’ils ne seront pas toujours bien accueillis et écoutés. Dans ces situations, les disciples ne doivent pas perdre leur temps et passer au prochain jusqu’à ce qu’ils trouvent quelqu’un d’intéressé par leur message.
De nos jours, plusieurs sont convaincus que leur mission est de convertir tous les habitants de la planète au christianisme. Ils et elles vont insister, voire harceler, des personnes pour qu’elles acceptent Jésus comme leur sauveur personnel. Mais l’expérience nous a enseigné que le résultat de ces démarches mène très souvent à des conflits inutiles. Nous sommes plutôt appelés à imiter Jésus. Nous sommes invités à aller à la rencontre de tous et toutes, à laisser derrière nous ceux et celles qui ne sont pas capables de dépasser leurs préjugés et à travailler avec les personnes qui sont curieuses et veulent nous écouter. Comme plusieurs de nos jours, les habitants de Nazareth n’étaient pas prêts à accepter que leurs perceptions envers une personne soient erronées. Selon eux, le petit gars de la place ne pouvait pas être autre chose que le fils de Marie. Au lieu de tenter de les convaincre, Jésus a tout simplement continué son chemin pour rejoindre ceux et celles qui étaient prêts à l’accepter. Il n’a pas laissé les préjugés ou l’échec le définir. Puissions-nous nous inspirer de cet enseignement pour le reste de nos vies. Amen.